La notion de «lanceur d'alerte» devant la justice européenne
La notion de «lanceur d'alerte» devant la justice européenne
(m. m. avec AFP) - Raphaël Halet est-il un «lanceur d'alerte»? La question a été au coeur mercredi d'une nouvelle audience devant la Cour européenne des droits de l'homme qui avait débouté en première instance ce Français condamné au Luxembourg pour avoir fait fuiter des documents dans le cadre du scandale d'évasion fiscale «Luxleaks».
La Grande Chambre de la CEDH, formation suprême de la Cour, rendra sa décision d'ici plusieurs mois.
«Nous sommes ici pour entendre la cause d'un lanceur d'alerte», a lancé d'emblée Me Christophe Meyer, l'avocat de M. Halet, qui s'était vu refuser ce statut par la justice du Grand-Duché.
Ce Français, qui était employé par le cabinet de conseil luxembourgeois PricewaterhouseCoopers (PwC), avait communiqué fin 2012 à un journaliste 16 documents utilisés dans un reportage de l'émission française «Cash Investigation» diffusée en 2013 sur France 2.
Condamné à 1.000 euros
Il entendait dénoncer les «rescrits fiscaux», pratique qui permettait à de nombreuses multinationales de bénéficier de conditions très avantageuses accordées par le fisc luxembourgeois, a rappelé le conseil.
Avant lui, Antoine Deltour, un autre informateur, également employé de PwC, avait copié 45.000 pages de documents confidentiels en 2010, remis au journaliste.
A la suite d'une plainte de PwC, le premier informateur et le journaliste avaient été jugés, puis acquittés par la justice luxembourgeoise. Raphaël Halet, lui, avait été condamné à 1.000 euros d'amende ainsi qu'au paiement d’un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi par PwC.
En mai dernier, la CEDH, saisie par Raphaël Halet, avait donné raison aux juges du Grand-Duché, estimant qu'ils avaient ménagé «un juste équilibre» entre les droits de PwC et la liberté d'expression du requérant. Celui-ci avait demandé à plaider une nouvelle fois sa cause devant la juridiction européenne.
Il y a dans ce dossier une «énorme survalorisation» d'un intérêt privé, celui du cabinet, au détriment de «l'intérêt du public», a estimé son avocat Me Meyer, selon lequel le scandale «Luxleaks» aurait été «impossible sans l'accès aux informations du requérant».
Un rôle essentiel
Il a insisté sur le rôle «devenu essentiel» des lanceurs d'alerte face aux «intérêts privés lorsqu'ils deviennent égoïstes ou rapaces», a-t-il encore souligné.
La procédure en appel de l'ex-employé du cabinet de conseil luxembourgeois PricewaterhouseCoopers (PwC) est soutenue par plusieurs organisations non gouvernementales qui défendent les lanceurs d'alerte, la transparence fiscale et la liberté de presse et d'expression.
Le Luxembourg a par ailleurs présenté le mois dernier un projet de loi visant à étendre la protection juridique aux personnes qui, au sein du gouvernement et des entreprises, dénoncent des actes répréhensibles.
Depuis le scandale LuxLeaks, le Luxembourg a mis en œuvre des réformes et a été considéré comme «largement conforme» par l'OCDE, un groupe de pays riches qui tente d'harmoniser les règles fiscales mondiales. L'organisation a retiré le Luxembourg de sa liste noire des entités non conformes en 2015.
Mais la réputation du culte du secret du Luxembourg a de nouveau été sous les feux de la rampe en février 2021, après qu'une autre enquête médiatique, baptisée OpenLux, a révélé que les lois sur la transparence financière du pays ne permettaient pas d'empêcher les riches et les puissants du monde entier de cacher leur argent dans le pays.
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