La nature est dans un état inquiétant
La nature est dans un état inquiétant
(m. m. avec Raymond SCHMIT) - Les bonnes intentions sont nombreuses, mais les résultats se font attendre. L'état de la nature au Luxembourg n'est pas bon. C'est la conclusion dressée par l'Observatoire de l'environnement naturel dans son rapport qui vient d'être publié. Les spécialistes sont unanimes : la situation est préoccupante.
La critique des scientifiques porte en premier lieu sur l'agriculture intensive. L'épandage excessif d'engrais, souvent au mauvais moment, et l'utilisation de pesticides, constatent-ils, déstabilisent l'équilibre naturel et menacent donc aussi la biodiversité.
L'Observatoire du milieu naturel est un organe composé principalement de scientifiques. Il est composé de représentants du ministère de l'Environnement, de l'Administration de la nature et des forêts, de l'Office des eaux et forêts, de l'Université du Luxembourg, des communes, des syndicats communaux et des organisations de protection de la nature et de l'environnement. Le comité, présidé par François Benoy, rédige tous les quatre ans son rapport sur l'état de l'environnement naturel. L'actuel couvre la période d'observation de 2017 à 2021 et conclut que, malgré les objectifs ambitieux fixés dans le plan national de protection de la nature, l'état des habitats naturels pour la faune et la flore a continué à se dégrader.
Deux tiers des habitats naturels menacés
Il ressort de ce rapport édifiant qu'environ deux tiers des habitats naturels au Luxembourg se trouvent dans un état préoccupant. Le même constat vaut pour la biodiversité, dont la préservation sera, avec le changement climatique, l'un des plus grands défis de l'humanité dans les années à venir.
Là où il y a de l'ombre, il y a aussi de la lumière, c'est bien connu. Mais elle est plutôt rare. Les auteurs du rapport concluent que des progrès peuvent être constatés dans certains domaines. Mais ils avertissent en même temps qu'il est urgent de poursuivre les efforts dans les années à venir.
Selon Nora Elvinger, du ministère de l'Environnement et responsable de la coordination au sein de l'Observatoire, le rapport, qui sera également transmis à la Commission européenne, indique que 50 % des habitats naturels sont en mauvais état et seulement 9 % obtiennent une bonne note.
État détérioré
Ce sont principalement les paysages ouverts et les zones humides qui sont considérés comme menacés. Leur état s'est encore dégradé par rapport à la période d'observation précédente. En revanche, les paysages rocheux et l'habitat forestier s'en sortent bien. Il en va de même pour les habitats et leurs habitants. Dans leur rapport, les auteurs partent du principe que trois quarts des espèces sont menacées au Luxembourg. Et là encore, ce sont les animaux et les plantes qui dépendent des paysages ouverts et des zones humides qui sont les laissés-pour-compte. On a par exemple constaté un nouveau recul des chauves-souris. C'est également le cas de l'espèce la plus répandue dans le pays, la pipistrelle commune.
En ce qui concerne les espèces animales, il y a toutefois quelques lueurs d'espoir. Le castor, entre autres, fait partie des gagnants. Le plus grand rongeur européen, considéré comme éteint au Luxembourg pendant des décennies, a été observé à nouveau sur 39 sites. La rainette verte est également sur la pente ascendante.
Des populations stables
La situation est similaire pour les oiseaux. Au total, 133 espèces ont été recensées au Luxembourg. Pour beaucoup d'entre elles, les effectifs sont stables, mais un quart est considéré comme menacé. Et là encore, ceux qui occupent des paysages agricoles et des prairies humides sont particulièrement menacés.
Selon le rapport, les effectifs de la pie-grièche grise, de la perdrix grise et du vanneau huppé, entre autres, se sont effondrés de manière dramatique. En revanche, l'évolution de la chouette chevêche est considérée comme positive. Grâce à des mesures de protection ciblées, la plus petite espèce de chouette du Luxembourg est à nouveau en plein essor.
Outre l'agriculture industrielle, les scientifiques ont également identifié d'autres causes de la mise en danger des habitats naturels et de la disparition des espèces qui en découle. Il s'agit notamment de l'urbanisation et du morcellement du paysage ainsi que des modifications des systèmes naturels. Le changement climatique n'arrive qu'en sixième position. Selon les experts, ce dernier pourrait toutefois se faire sentir encore plus fortement si l'on ne parvient pas à contrer cette évolution.
Un changement de mentalité
Selon Jacques Pir du Mouvement écologique, il est scientifiquement prouvé que l'agriculture est l'un des principaux responsables de cette détérioration de l'environnement. C'est pourquoi les spécialistes exigent clairement un changement de mentalité dans la politique agricole, car l'utilisation excessive d'engrais et de pesticides ne porte pas seulement atteinte à la biodiversité, mais menace également la nappe phréatique, comme le montre le fait qu'actuellement, 100 sources ne sont plus utilisables pour la production d'eau potable dans tout le pays en raison de résidus de pesticides.
La présence beaucoup trop importante de bétail au Luxembourg est également critiquée. Pour stopper la disparition des espèces, il faudrait en outre que 30% des surfaces en herbe et 25% des surfaces cultivées soient exploitées de manière proche de la nature.
Le subventionnement de l'agriculture n'est pas non plus au goût des auteurs du rapport. Ils demandent un changement de mentalité et une utilisation ciblée des moyens financiers. Malheureusement, déplorent-ils, la répartition des fonds se fait toujours selon le principe de l'arrosoir.
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