La médecine du travail peine à trouver des candidats
La médecine du travail peine à trouver des candidats
L'Association Luxembourgeoise de Santé au travail (ALSAT) tire la sonnette d'alarme face à la pénurie de médecins du travail ce lundi. «Un problème au niveau européen, mais aussi de plus en plus au Luxembourg», souligne le président de l'ALSAT Marc Jacoby. Il déplore que le Grand-Duché ne recense qu'un médecin du travail pour 5.000 salariés, alors que le ratio européen est de un pour 3.500 employés.
Marc Jacoby indique que près d'une centaine de médecins du travail exercent au Luxembourg, dont la majorité est inscrite en tant que membre de l'association. Selon lui, la pénurie de ces professionnels de santé s'explique par une mauvaise promotion du métier: «Quand j'ai fait mes études, j'avais plus d'informations relatives à la sécurité du travail. Je ne pouvais pas m'imaginer ce qu'il pouvait y avoir encore d'autre derrière. Je voyais ce qu'était un accident du travail ou une maladie professionnelle. Mais ça se limitait à cela. Les médecins en voie de spécialisation ont souvent une vision assez monotone du métier».
Une profession «multifacette»
Un métier qui est pourtant bien plus riche et diversifié qu'il n'en a l'air, tient à souligner Marc Jacoby, lui-même médecin du travail chez ArcelorMittal. Il rappelle que ce métier ne se limite pas uniquement aux examens d'embauche, mais qu'il a aussi un rôle important dans la prévention des risques psychosociaux au travail: «Nous formons par exemple des managers pour qu'ils aient un management plus humain qui génère moins de stress et valorise davantage les collaborateurs, mais qui permet aussi de faire gagner en performance.»
Nicole Majery, vice-présidente à l'ALSAT et chargée de direction au Service de santé au travail multisectoriel (STM) met aussi en avant une profession «multifacette»: «Ce métier est un volet important pour les entreprises, il va de l'adaptation au travail au conseil. Nous sommes les interlocuteurs et conseillers des employeurs et des salariés.»
Pour gérer la pénurie actuelle des médecins du travail, le président de l'ALSAT souhaiterait que ces professionnels puissent davantage se concentrer sur les aspects pour lesquels ils peuvent apporter une plus-value. Et donc de déléguer une partie de leur travail à des infirmiers: «Dans le cas d'un suivi routinier comme pour l'audiométrie par exemple, il n'est pas nécessaire que le médecin s'en charge à chaque fois, sauf en cas de dégradation.»
Une situation très critique
Les représentants de l'association estiment qu'il est urgent de mettre en place une formation spécifique à l'Université du Luxembourg pour les futurs médecins du travail. Ce sera un moyen de promouvoir «l'attractivité de cette spécialisation», considère Marc Jacoby. Alors que ce projet est déjà dans les cartons depuis 2016, il souhaite une accélération dans ce dossier: «Il est vraiment temps que les décideurs politiques et l'Université prennent une décision. Ça fait maintenant déjà plus de cinq ans qu'on en parle. Tout est prêt pour le faire maintenant, il faut passer à l'action. Si on laisse les choses en suspens, on n'aura pas l'outil qui nous permet de répondre à la pénurie en question».
La situation est d'ailleurs devenue encore plus critique. Les étudiants en formation de spécialisation en Belgique ne sont plus autorisés à faire leur stage au Luxembourg. Ils constituaient pourtant un «vivier» important pour les services de santé au travail luxembourgeois dans lequel il était possible de puiser et ce vivier s'est encore restreint, déplore Marc Jacoby.
Pour Nicole Majery, il faut également réagir rapidement: «A l'heure actuelle, il y a 15 médecins manquants au STM et dans cinq ans, le service aura encore besoin de 25 médecins». La vice-présidente de l'ALSAT estime que la mise en place d'une formation au Luxembourg augmentera les chances pour avoir plus de professionnels du secteur au Grand-Duché. Mais pour exercer au Luxembourg, la maîtrise de plusieurs langues est inévitable. Marc Jacoby juge qu'il faut voir cet aspect linguistique «davantage comme un challenge qu'une barrière». Selon lui, la formation devrait donc se faire en deux langues, comme en Suisse.
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