«La direction est bonne, pas la vitesse»
«La direction est bonne, pas la vitesse»
A Glasgow, la COP-26 s'achèvera ce 12 novembre. La Terre en sortira-t-elle sauvée? Rien de moins sûr... Reste que de beaux discours en grandes discussions, les Etats les plus convaincus de la nécessité d'agir pour contenir le réchauffement climatique auront tenté au fil des semaines d'entraîner dans leur sillage d'autres pays moins ''vert-ueux''. Et dans ce brouhaha mondial, la voix du Luxembourg est-elle crédible? Le directeur de Greenpeace Luxembourg tente de débriefer les messages passés par le Grand-Duché, entre accents de sincérité et oublis.
Selon vous, le Luxembourg mérite-t-il les lauriers verts qu'il se tresse et dont il s'est paré à la COP26?
Raymond Aendekerk : «Ce n'est en tout cas pas la volonté de bien faire qui lui manque. Avoir fait le choix, par exemple, de vouloir diminuer ses rejets de gaz à effet de serre à moins 55% d'ici 2030 (contre -40% auparavant) est un acte fort. Même si on peut toujours regretter que l'on ne soit pas allé encore au-delà pour éviter, à notre échelle, la menace qui pèse avec la hausse globale des températures sur le globe.
Reste qu'une loi Climat a été votée, qu'un Plan national ambitieux (le PNEC) a été approuvé, qu'une taxe carbone est appliquée, que chaque secteur de notre économie sait maintenant quels sont les efforts qu'il doit faire pour les années à venir et qu'un comité de suivi va se mettre en place. L'Etat sera autour de la table quand les premières évaluations de l'action climatique tomberont mais aussi les ONG environnementales du pays, les communes, la société civile, les industriels. Cela a pris un peu de temps, mais on y vient.
Mais...? Vous semblez ne pas être satisfait de tous ces dispositifs, exact?
«Disons qu'il y a des points qui dérangent encore. Comme ce système de compensation qui ressort systématiquement. Si tel secteur ne tient pas ses objectifs, tel autre ou telle action pourraient annuler le manque. Il faudrait plus de fermeté. Ce n'est pas parce que l'agriculture fait mieux une année en matière environnementale que cela doit dédouaner les transports, par exemple. Ou ce n'est pas parce que l'on va planter mille arbres d'un côté que cela va annuler nos émissions nuisibles à l'environnement. Le mal fait à la nature ne se gomme pas à la calculette.
Il faut en avoir conscience d'autant plus que le Luxembourg reste l'un des Etats à l'empreinte carbone la plus forte. Pas en Europe, mais bien dans le monde. Oui, même si la part du solaire a doublé en quelques années, même si l'éolien se développe bien, même si le pays rattrape un retard considérable en matière de transports en commun, il en faudrait tellement plus.
Qu'est-ce que vous n'avez pas assez entendu dans les interventions de Xavier Bettel, Carole Dieschbourg ou Pierre Gramegna à la COP-26?
«Greenpeace aurait adoré entendre le Premier ministre et ses ministres des Finances et de l'Environnement faire une annonce forte pour réduire le tourisme à la pompe. Mais, compte tenu de son profil de Place financière majeure, le Luxembourg pourrait aussi s'engager dans une démarche spécifique en matière de fonds verts. Même si le pays se targue d'être un acteur de premier plan sur les green funds que représentent-ils réellement sur les (plus de) 5.000 milliards d'euros de fonds gérés depuis le Grand-Duché? De 2 à 4% du global. Cela signifie donc que pour minimum 96% de l'argent brassé ici, on baigne encore dans les ''fonds gris'' ceux qui parient encore sur les énergies fossiles et polluantes.
Greenpeace a fait le calcul : l'activité des seuls 100 plus grands fonds de la Place pollue plus que le pays dans son ensemble. Ce n'est pas le tout de taxer le petit automobiliste, l'artisan ou l'habitant si l'on ne s'attaque pas aussi à ces ''gros poissons''.
Quel serait LE geste fort que le gouvernement luxembourgeois pourrait faire à l'issue de cette 26ème Conférence pour le climat?
«Donner l'exemple en matière de finance verte. A commencer par les fonds que l'Etat administre par lui-même. Depuis plusieurs années, Greenpeace dénonce ainsi le Fonds de pension souverain qui est purement climaticide dans ses choix. Ce produit, le Fonds de compensation, n'a aucune stratégie d'investissement durable. Il se base sur bien des sociétés polluantes ou des secteurs à forte teneur en carbone, sous prétexte que cela rapporte plus. C'est une contrevérité : un cela nuit à la planète, deux il y a des investissements verts ou socialement respectueux qui offrent des taux d’intérêt aussi ou plus intéressants.
Le gouvernement pourrait donner là un bon exemple d'engagement, à son échelle. Le poids de la responsabilité du changement climatique ne repose pas que sur les habitants, l'Etat -qui a les épaules plus larges- peut aussi agir. Annoncer que l'administration compensera le bilan CO2 des déplacements en voiture de ses fonctionnaires, c'est microscopique en comparaison avec les effets de ce qui pourrait être mené sur le seul secteur financier. En résumé donc : globalement au Luxembourg, la direction (environnementale) est bonne, pas la vitesse.»
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