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La difficile intégration des réfugiés au Luxembourg
Luxembourg 5 min. 21.09.2020 Cet article est archivé

La difficile intégration des réfugiés au Luxembourg

Parmi les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de protection internationale figure la maîtrise des langues exigées dans les entreprises.

La difficile intégration des réfugiés au Luxembourg

Parmi les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de protection internationale figure la maîtrise des langues exigées dans les entreprises.
Photo: Gerry Huberty/archives
Luxembourg 5 min. 21.09.2020 Cet article est archivé

La difficile intégration des réfugiés au Luxembourg

Jean-Michel HENNEBERT
Jean-Michel HENNEBERT
Cinq ans après la dernière grande vague d'immigration, la situation des bénéficiaires de protection internationale reste compliquée. Les difficultés d'accès au marché du travail et à un logement constituent une réalité, «faute de volonté politique» selon les associations.

Face aux conséquences de la guerre en Syrie et à l'afflux de migrants au sein de l'Union européenne, le Luxembourg avait accepté, au printemps 2015, d'ouvrir partiellement ses portes. Cinq ans plus tard, les questions d'intégration ont pris le pas sur celles liées à l'urgence de l'accueil. Car même si le Luxembourg reste un pays historique d'immigration, l'ampleur de la vague de 2015 a obligé le gouvernement à repenser son approche d'un phénomène à l'origine notamment de la croissance de la population résidente.

Pourtant, ce n'était pas la première fois que le pays était confronté à une arrivée soudaine de migrants fuyant les combats, puisque les guerres sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie (1992-1995) puis celle du Kosovo (1998-1999) s'étaient traduites par un nombre important de demandes de protection internationale. Mais les événements de la fin 2014 et du printemps 2015 auront conduit à un afflux non seulement conséquent mais aussi étalé sur une période plus longue que par le passé. De quoi mettre à mal les structures d'hébergement et les programmes d'intégration dans une société déjà largement cosmopolite.

Si les demandeurs de protection internationale (DPI) possèdent en commun le fait de fuir des zones en guerre, ils divergent de par leur profil socioculturel. «Globalement, les personnes venues depuis 2015 de Syrie ou d'Irak sont des urbains avec un niveau d'éducation relativement élevé, constate Marc Josse, responsable du centre pour l'intégration et la cohésion sociale de la Croix-Rouge (Lisko). Ce n'est pas le cas des personnes venues d’Érythrée, désormais principal pays d'origine des DPI, qui ne possèdent pas ce background puisqu'issues de régions rurales.» Autrement dit, une partie des DPI ne se trouve pas en adéquation avec les réalités du Grand-Duché. 

Un état de fait qui n'est pas sans conséquence sur l'intégration de ces résidents. Notamment en ce qui concerne l'accès au marché du travail. Au 31 août, 521 bénéficiaires de protection internationale (BPI) étaient officiellement considérés par l'ADEM comme aptes à exercer un emploi sur les quelque 4.800 enregistrés auprès du ministère de l'Immigration et de l'Asile depuis 2010. Un chiffre global à prendre avec précaution, puisqu'aucune donnée sur le nombre actuel de BPI n'existe. Selon les données de l'agence pour l'emploi, 676 BPI bénéficiaient de mesures de soutien et près de trois quarts (72%) étaient considérés comme des chômeurs de longue durée. A savoir sans emploi depuis au moins douze mois.

Face à cette situation, qui trouve une partie de ses origines dans une maîtrise imparfaite ou inexistante des langues exigées par les entreprises au Grand-Duché, différentes initiatives ont été mises en oeuvre. Que ce soit le projet connection4Work de l'ASTI ou celui de l'ADEM, baptisé  «Words4Work», tous deux destinés à permettre aux BPI de bénéficier d'un bagage linguistique spécifique au monde du travail. Un apprentissage renforcé du français qui vient s'ajouter au parcours d'intégration accompagné, formation obligatoire pour tous les demandeurs de protection internationale instauré par le ministère de la Famille et de l'Intégration.

 Au total, ce sont quelques dizaines de personnes qui ont pu intégrer le marché du travail via ces formations. Pas de quoi permettre à tous ces résidents au parcours marqué par la guerre de parvenir à sortir des structures d'accueil. Car sans emploi, très peu parviennent à trouver un logement, denrée déjà rare au Grand-Duché. Un cercle vicieux qui explique l'occupation «à hauteur de 50%» des quelque 60 hébergements gérés par l'Office national d'accueil par des DPI, selon les chiffres avancés par les différentes associations qui précisent que la durée moyenne de séjour tourne autour de quatre ans.

Des conditions d'intégration difficiles auxquelles il faut ajouter «les gros préjugés qui existent, notamment pour les personnes à la peau noire», précise Marc Josse, directeur du Lisko. Un constat que Corinne Cahen (DP), ministre de la Famille et de l'Intégration assure vouloir combattre en indiquant, vendredi, sur les ondes de nos confrères de la radio 100,7 vouloir «promouvoir la diversité dans les entreprises» via notamment la mise en place d'une charte. Une solution qui convainc peu les organisations actives sur le terrain, aux côtés des 30 offices sociaux du Grand-Duché, pour qui «un certain manque de volonté politique» est pointée du doigt. Et ce, même si tous s'accordent sur «la difficulté extrême de cette thématique»...

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