La culture flamande à la diète
La culture flamande à la diète
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - Le gouvernement flamand du nationaliste Jan Jambon annonce qu’il va raboter de 6% les moyens liés au fonctionnement de la Culture, mais surtout qu’il va tailler dans les subsides accordés à différents projets menés par des petites organisations et des artistes en devenir. En 2020, ceux-ci passeront de 8,47 à 3,39 millions d’euros. Soit une baisse de 60%.
Le monde culturel flamand est sonné. Le nouveau gouvernement n’a jamais fait mystère de son intention de faire des économies, mais personne n’avait imaginé que les coupes claires allaient atteindre les 60%. La décision a été prise sans aucune concertation entre le gouvernement Jambon et les représentants du monde culturel.
Le ministre N-VA du Budget, Matthias Diependaele, a justifié ce plan en disant que «la culture ne peut échapper aux efforts». Cette situation contraste avec ce qui se passe de l’autre côté de la frontière linguistique, où la ministre francophone de la Culture Bénédicte Linard a promis de préserver les budgets.
Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Ainsi, des lieux patrimoniaux comme le parc brueghelien de Bokrijk (Hasselt), qui glorifient le passé de la Flandre, garderont leurs subsides.
Cela ressemble d’ailleurs à une vengeance populiste
Et c’est là, dans cette opposition entre expérimental et patrimonial, que les adversaires de la N-VA entrevoient son intention de ne garder de la Culture que ce qui servirait sa vision de la Flandre, et donc sa politique nationaliste. D’un côté Bokrijk et son parcours dédié à la Flandre paysanne d’autrefois est préservé. De l’autre, la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker se retrouve mise à la diète alors qu’elle est mondialement connue.
«Ce n’est pas avec de telles mesures que la N-VA va se réconcilier avec le secteur culturel. Cela ressemble d’ailleurs à une vengeance populiste contre un secteur souvent qualifié par la N-VA de trop à gauche et trop contestataire. On sait que, poussé à l’extrême, cela a donné, dans le Brésil de Bolsonaro, la suppression pure et simple du ministère de la Culture», écrit La Libre Belgique.
Renforcer l'identité flamande
Les preuves du désamour que porte la N-VA à une certaine culture sont légion. En 2012, le nouveau bourgmestre d’Anvers, Bart De Wever, avait déjà mis le folklore et le patrimoine parmi ses priorités au détriment de la création artistique. La gestion nationaliste des institutions culturelles fédérales durant la dernière législature a donné des boutons à plus d’un directeur de musée bruxellois. Récemment, c’est la chaîne publique néerlandophone VRT qui a été priée par le gouvernement Jambon d’observer une «neutralité stricte».
L’opposition crie au scandale. Ecologistes et communistes flamands estiment que Jan Jambon ne considère l’art comme intéressant que lorsqu’il est mis au service d’une vision passéiste, réductrice, de la Flandre. Pour les socialistes, «la N-VA souhaite renforcer l’identité flamande et voit la culture comme l’un des moyens de le faire. Supprimer des fonds pour ce secteur va dans le sens contraire.»
Stupide ou vieillotte
Le politologue gantois Carl Devos vole toutefois au secours de la N-VA : «Il faut aussi prendre en compte les institutions liées à la culture et à l’identité flamande (privilégiées par les nationalistes) en termes d’emplois qu’elles génèrent, d’infrastructures à entretenir, de rentabilité», dit-il. «On a donc voulu minimiser les risques financiers. On a le droit de ne pas être d’accord avec cette vision de la culture, de la trouver stupide ou vieillotte. Mais on ne peut pas accuser le gouvernement de saboter la culture.»
