La classe politique «s'épuise»
La classe politique «s'épuise»
Si pour le Premier ministre la fonction de ministre s'exerce «24 heures sur 24, sept jours sur sept», ce choix personnel s'avère plus complexe à appliquer dans la réalité. En témoigne l'absence de Paulette Lenert (LSAP) qui a dû laisser les rênes du ministère de la Santé pendant un peu plus de trois semaines. Une pause forcée de la part de la femme politique la plus populaire du pays qui fait écho à d'autres signaux d'alarme émis par plusieurs membres de la classe politique.
Même si le malaise qu'a connu la ministre de la Santé apparaît comme étant sans commune mesure avec le burn-out de Félix Eischen (CSV), le malaise cardiaque de Félix Braz (Déi Gréng) ou les décès d'Eugène Berger (DP) et Camille Gira (Déi Gréng), il traduit une certaine réalité. Celle de la pression de plus en plus forte subie par les responsables politiques.
Pourtant pour Philippe Poirier celle-ci n'est «pas plus forte qu'ailleurs», l'enseignant chercheur en sciences politiques de l'Uni soulignant que beaucoup de pays européens rencontrent «les mêmes problèmes». Sauf que le vivier politique du Grand-Duché n'a pas l'envergure de celui de ses voisins.
Alors que l'Autriche a depuis mardi dernier perdu son ministre de la Santé, justifiant sa démission en se disant «épuisé», son remplacement devrait intervenir dans les prochains jours. Au Luxembourg, un tel cas de figure nécessite plusieurs semaines, à l'image des derniers remaniements ministériels suite au départ de Félix Braz et Etienne Schneider (LSAP).
Seul point commun, l'impact de la crise sanitaire et économique depuis mars 2020. En effet, «justifier pendant plus d'un an vos choix et votre stratégie devant un micro est épuisant», relève le psychiatre Paul Hentgen. «Surtout si l'on est novice en la matière», complète Philippe Poirier qui rappelle que la pandémie a remis en exergue les «problématiques structurelles» du système politique du pays. A savoir, le «manque de candidats aux postes politiques» et «un niveau de développement économique qui implique de nouveaux besoins en termes de ressources humaines».
Pour combler ce vide, le spécialiste en sciences politiques plaide pour une «professionnalisation» du personnel politique. Autrement dit une «meilleure répartition des portefeuilles ministériels», qui éviterait qu'un ministre cumule plusieurs ministères d'ampleur. Si cela était possible il y a une dizaine d'années avec François Biltgen (CSV) et ses six portefeuilles, les exigences internationales et européennes ont changé la donne. Le Luxembourg joue à présent «dans la même ligue que la France ou l'Allemagne, alors qu'il a la taille d'un arrondissement parisien», décrypte le Dr Hentgen. «D'autant qu'en Allemagne il y a des sous-ministres pour épauler les titulaires», ajoute Philippe Poirier.
Pour étoffer et renouveler le paysage politique luxembourgeois, le politologue plaide pour le maintien du «congé politique» qui permet d'exercer un mandat parallèlement à la carrière professionnelle, invitant par là même «les politiques et les électeurs à imaginer d'autres systèmes».
En attendant, pour limiter les cas potentiels de «surmenage» à venir, l'enseignant chercheur de l'Uni plébiscite une répartition des mandats «plus équilibrée.» De son côté, Paul Hentgen rappelle la nécessité de s'entourer de personnes «loyales et compétentes». Comme tout le monde, les ministres doivent «avoir une bonne hygiène de vie, et s'accorder des moments de détente physique et psychique».
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