La Chambre des salariés appuie l'impôt sur la fortune
La Chambre des salariés appuie l'impôt sur la fortune
Il est une petite musique qui agace la Chambre des salariés (CSL). Celle qui, sur les ondes ou dans certaines publications, entonne le refrain du «Il n'y a que les plus riches au Luxembourg qui payent l'impôt sur le revenu des personnes physiques, et le reste de la population ne fait qu'en profiter». «C'est énervant d'entendre cela, car c'est faux», tambourine l'économiste Marco Wagener, conseiller de direction à la CSL justement.
«Même dire que la minorité paye la majorité de cet impôt est une contre-vérité», poursuit l'analyste. Car ce sont bien les classes modeste et moyenne qui assurent le plus de recettes via la retenue directe prélevée sur les salaires. «La moitié du volume de cet impôt provient ainsi en réalité des ménages ayant un revenu annuel inférieur à 130.000 euros», indique ainsi la Chambre, dans sa dernière Econews. Soit de l'ordre de 2,7 milliards d'euros. L'autre moitié repose donc essentiellement sur les ménages dont le revenu imposable dépasse les 130.000 euros, soit 5% de la population. La situation est donc bien plus partagée que d'aucuns ne veulent l'avouer.
Et puis, rappelle Marco Wagener, même si certains contribuables ne payent pas d'impôts sur le revenu, cela ne signifie pas qu'ils échappent totalement à l'impôt. Ainsi, la TVA vient frapper chaque achat, et cela sans distinction de niveau de vie. «Voilà un impôt bien plus injuste car il impacte forcément plus les petits budgets que ceux qui ont des moyens plus conséquents». Mais ce n'est pas demain que le Luxembourg changera quelque chose à la taxe sur la valeur ajoutée. Par contre, concernant l'impôt sur le revenu, la Chambre des salariés a bon espoir.
Certes, du fait de l'impact du covid-19 sur l'économie, le ministre des Finances a dû reporter la grande réforme fiscale annoncée pour 2021. Mais à la CSL, on a bien pris note que Pierre Gramegna souhaitait dans un avenir prochain passer à la classe d'imposition unique. Donc un système moins pénalisant financièrement pour les célibataires. Ensuite, du côté de la Chambre, on rejoint volontiers le choeur de celles et ceux qui réclament le retour de l'impôt sur la fortune.
Aboli en 2006, remplacé par un forfait libératoire de 10% (puis 20%) sur les intérêts qui ne rapporte plus guère, l'impôt sur le fortune refait ainsi surface dans le débat public. Parfois malencontreusement, comme ce fut le cas à la rentrée avec Frank Engel (CSV) qui prenait le contre-pied de la position de son parti. Parfois de façon plus assumée, comme avec l'actuel ministre de l'Economie Franz Fayot qui a déclaré, qu'«à court ou moyen terme», il faudrait réfléchir à la réintroduction de cet outil fiscal.
En relançant l'idée, le ministre socialiste balisait immédiatement le terrain : «Il faut faire une différence entre ceux qui mettent de l'argent de côté pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, et ces fortunes, où nous entrons soudain dans des tranches ou des ordres de grandeur, où cela devient vraiment pervers.» Et Marco Wagener d'embrayer : «A chaque fois que l'on parle de définir un nouveau cadre pour l'impôt sur la fortune, on nous ressort toujours le même épouvantail : on croit toujours que c'est la petite maison de la grand-mère qui va être taxée, mais pas du tout.»
L'idée est bien de taxer la fortune, et pas le petit capital. A la Chambre des salariés, on mettrait ainsi volontiers à contribution les possesseurs d'une épargne importante, les titulaires de portefeuilles d'actions bien garnis, les propriétaires d’œuvres d'art ou d'objets de collection précieux, de biens immobiliers en pagaille. «Ce n'est pas Monsieur Tout-le-monde qui payerait donc, mais bien la classe la plus élevée», indique Marco Wagener.
Car des richesses individuelles, il en existe bon nombre au Grand-Duché. Selon une récente publication de l'ABBL sur l’essor des activités de private banking, le pays compterait 40.200 millionnaires. Autant de particuliers qui pourraient contribuer, encore un peu plus, au financement des caisses de l'Etat.
Car il est une crainte qui pointe actuellement. Si le gouvernement ouvre largement le robinet des aides (chômage partiel, soutiens à l'activité, prêts divers), le besoin de recettes pourrait bien raviver la question d'une imposition plus conséquente. «Nous avons déjà eu l'exemple, après la crise de 2008, et les salariés en ont gardé un amer souvenir. C'est bien sur eux et les revenus du travail que les gouvernants d'alors avaient fait reposer le renflouement des caisses. Il ne faut pas que ce soit le cas avec cette crise covid», plaide l'économiste. Aux yeux de la CSL, il serait malvenu de suivre cette même voie une décennie plus tard. «Ce fameux impôt d'équilibre budgétaire de 0,5% était d'une injustice incroyable.»
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
