«L'UE ne doit pas s'accrocher à ses vieux logiciels»
«L'UE ne doit pas s'accrocher à ses vieux logiciels»
(JFC) - Après l'échec dans un premier temps de la réunion des ministres des Finances des vingt-sept consacrée à la réponse économique de l'Europe à la crise du coronavirus, Jean-Claude Juncker se voulait philosophe. «Si on devait espérer de l'Europe, il y a longtemps que j'aurais perdu tout espoir! C'est pourquoi je ne me fais jamais trop d'illusions à son sujet», glisse le Luxembourgeois, un brin fataliste, en préambule d'un entretien publié dans les colonnes de Libération.
Et même si, depuis, les Etats membres ont trouvé un accord de principe et un terrain d'entente avec les Pays-Bas à l'origine du blocage, l'ancien président de la Commission européenne (2014-2019) clame «avec force» qu'il faut aller «bien plus loin» dans la solidarité financière européenne. Il prône notamment une «augmentation considérable du cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui n'est toujours pas adopté». Selon l'ancien responsable de l'exécutif européen, vu l’ampleur de la crise, il faut «utiliser le budget européen comme un instrument de solidarité réactif».
Surtout que si un consensus a bien été dégagé sur une enveloppe de 500 milliards d'euros disponibles immédiatement, la brûlante question des «coronabonds», destinés à soutenir l'économie à plus long terme après la crise, n'a pas été tranchée. Sur ce point également, celui qui a aussi présidé l'Eurogroupe (2005-2013) se montre très clair: «il ne s’agit pas de mutualiser les dettes nationales du passé, mais de mutualiser la dette qui naîtra de la mise en place des moyens budgétaires nécessaires pour répondre à la crise».
Interrogé sur la réponse apportée par l'UE à la crise du covid-19, l'ancien Premier ministre luxembourgeois (1995-2013) observe que «les premières réactions furent nationales», pour la bonne et simple raison que «l'UE ne dispose que de compétences très limitées en matière de santé publique». Faisant sien l'adage selon lequel «gouverner c'est prévoir», Juncker ajoute qu'en la circonstance, «prévoir, cela aurait été de donner des compétences en matière de santé à l'Union au lieu de nous accrocher à nos vieux logiciels.»
Nous menons une guerre commune contre un fléau invisible
Sans cette lacune, il estime qu'«elle aurait pu être un lanceur de pré-alerte», ce qui aurait pu permettre de «prendre en temps utile les mêmes mesures partout» et surtout d'«éviter des fermetures désordonnées de certaines frontières intérieures». Ce n'est que dans un second temps que l'Europe, «spectatrice» au début de la crise, «a pris au sérieux le rôle de coordination que les États lui ont confié».
Quant à savoir enfin si cette crise pourrait s'avérer fatale au projet européen, Juncker estime qu'elle sera «moins douloureuse et dangereuse» que les précédentes, comme celle de la zone euro. A condition toutefois de «faire les choses comme il faut», car «nous menons une guerre commune contre un fléau invisible». C'est pourquoi, selon lui, il sera «beaucoup plus facile» à expliquer aux opinions publiques et à justifier «la solidarité dans les pays qui se croient budgétairement plus vertueux».
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