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L'Okaju qualifie la majorité pénale à 13 ans de «scandaleuse»
Luxembourg 8 min. 16.03.2023
Réforme de la protection des mineurs

L'Okaju qualifie la majorité pénale à 13 ans de «scandaleuse»

Charel Schmit et le Dr Susanna Greijer, conseillère externe, espèrent que le Parlement améliorera la réforme de la protection des mineurs.
Réforme de la protection des mineurs

L'Okaju qualifie la majorité pénale à 13 ans de «scandaleuse»

Charel Schmit et le Dr Susanna Greijer, conseillère externe, espèrent que le Parlement améliorera la réforme de la protection des mineurs.
Photo: Luc Deflorenne
Luxembourg 8 min. 16.03.2023
Réforme de la protection des mineurs

L'Okaju qualifie la majorité pénale à 13 ans de «scandaleuse»

Annette WELSCH
Annette WELSCH
L'ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (Okaju) Charel Schmit a présenté les expertises relatives aux trois lois de la réforme de la protection de la jeunesse.

Ce week-end, à Freudenberg en Allemagne, une fillette de douze ans a été poignardée par deux jeunes filles de douze et treize ans. Comme en Allemagne la responsabilité pénale commence à 14 ans, elles ont été remises aux services de la jeunesse. 


Wirtschaft, Cannabis, PK, Sam Tanson, Foto: Anouk Antony/Luxemburger Wort
La ministre Tanson répond aux vives critiques de la justice
Dans une interview, la ministre de la Justice Sam Tanson défend le projet de réforme de la protection des mineurs. Des améliorations sont toutefois prévues sur certains points.

Si l'on en croit la ministre de la Justice Sam Tanson (Déi Gréng), l'auteur présumée des faits, âgée de 13 ans, devrait à l'avenir être entre les mains du ministère public : avec la réforme de la protection de la jeunesse, la loi luxembourgeoise fixe pour la première fois un âge de responsabilité pénale, initialement fixé à 14 ans, comme le recommande le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, mais récemment abaissé à 13 ans par des amendements. 

L'ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (Okaju), Charel Schmit, a qualifié cette décision de «scandaleuse» mercredi. Selon lui, il est incompréhensible que le gouvernement ait choisi cette voie. «Il n'y a aucune preuve à l'appui. Nous sommes d'avis contraire que l'âge devrait être supérieur à 14 ans, plutôt 15, 16 ans. Nous appelons les Chambres à ne pas approuver cela, car il n'y a aucune nécessité». 

Une baisse des formes classiques de délinquance juvénile 

D'un point de vue criminologique, la tendance à l'échelle européenne est à la baisse des formes classiques de délinquance juvénile, explique Charel Schmit. «Il y a des cas exceptionnels isolés comme celui-ci, cela peut arriver. Mais on ne peut pas pour autant soumettre des générations entières à des poursuites pénales qui sont excessives pour cet âge de la vie».  

D'un point de vue criminologique, la tendance dans toute l'Europe est à la baisse des formes classiques de délinquance juvénile.

Charel Schmit, Okaju

Le Dr Susanna Greijer, consultante externe, a souligné que les taux de récidive sont plus faibles dans les systèmes qui sont davantage adaptés aux enfants. «L'objectif est la réhabilitation et la réintégration dans la société sans commettre d'autres délits - et cela se fait mieux par les services sociaux que par la privation de liberté». Dans ce sens, elle demande un ajout légal pour que l'âge de la responsabilité pénale soit fixé et soit supérieur à 13 ans, comme le prévoient un certain nombre de pays tels que la Serbie, l'Irlande et la Suisse.   

Il reste suffisamment de temps pour apporter des améliorations, voir des changements et retirer les détériorations, a déclaré Charel Schmit. L'ombudsman a présenté ses avis sur les trois lois visant à réglementer la protection des mineurs, la procédure pénale pour mineurs et la protection des victimes et témoins mineurs. 

L'objectif est la réhabilitation et la réintégration dans la société, et cela se fait mieux par les services sociaux que par la privation de liberté.

Dr Susanna Greijer, conseillère externe de l'Okaju

La privation de liberté en tant qu'ultima ratio

En ce qui concerne le code de procédure pénale pour les mineurs, il se félicite que la «déjudiciarisation» soit prévue. Ici, une condamnation et une peine avec privation de liberté peuvent être évitées pour les primo-délinquants, si le jeune effectue par exemple des travaux d'intérêt général. Charel Schmit souhaite toutefois que les jeunes soient davantage impliqués dans la procédure, conformément à la Convention des droits de l'enfant, c'est-à-dire qu'ils puissent faire eux-mêmes une proposition sur la manière dont ils souhaitent réparer leur acte. La déjudiciarisation devrait en outre être possible même pendant la procédure principale. 

La privation de liberté devrait être l'ultima ratio si rien d'autre ne fonctionne - et cela devrait en outre être ancré dans la loi, demande Charel Schmit. La situation dans le centre éducatif fermé Unisec est pour lui «insatisfaisante». «L'infrastructure n'est pas adaptée pour travailler avec des jeunes. Les concepts qui doivent être appliqués et ce qui doit être changé ne sont pas clairs. Cela risque de saper l'objectif de la réforme, qui est de travailler avec les jeunes».


IPO,Okaju, Vorstellung des Jahresberichtes "Une enfance mise en suspens",Charel Schmit , Foto: Gerry Huberty/Luxemburger Wort
L'Okaju plaide pour un statut des mineurs non accompagnés
C’est à l’approche de la Journée mondiale de l’enfance le 20 novembre que l'Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher a présenté son bilan de l’année 2022, avec l’accueil des enfants issus de l’exil au Luxembourg en ligne de mire.

L'Okaju juge positif le fait que les droits de la défense, comme l'assistance d'un avocat pour enfants, soient introduits de manière contraignante. Il faudrait en outre des conditions précises pour savoir qui peut travailler en tant que défenseur des enfants, juge des mineurs ou travailleur social pour la jeunesse, car les trois lois restent floues à ce sujet. 

«Il existe en outre un grand besoin de formation continue pour la mise en œuvre des trois lois. Nous avons besoin d'une offre correspondante et d'une politique d'accompagnement». Charel Schmit aurait également souhaité que le tribunal de protection de la jeunesse soit intégré au tribunal de la famille et que les trois juridictions ne soient pas compétentes. «Nous voyons plutôt cela comme une étape intermédiaire dont il faudrait ensuite faire le bilan. Du point de vue de l'enfant, le système des institutions devrait être plus compréhensible». 

Le travail du SCAS s'élargit

L'Okaju se félicite de la revalorisation de la justice des mineurs, en la rendant conforme aux droits de l'enfant et aux recommandations internationales, et en l'alignant sur les droits procéduraux des adultes. De même que l'élargissement et la revalorisation du travail du Service Central d'Assistance Sociale (SCAS) dans le sens d'un service spécialisé pour les jeunes. Il accompagne désormais les jeunes tout au long de la procédure, jusqu'à la fin de la peine ou du travail de diversion, et veille en outre à ce qu'ils aient des besoins supplémentaires, comme un logement ou une thérapie.

Le fait qu'il y ait désormais quatre sections au SCAS et que le jeune ait affaire à quatre travailleurs sociaux constitue toutefois une «complication irresponsable de la procédure» et ne correspond pas au travail social au sens du «case management». Il n'y a pas non plus de cohérence entre les trois lois en ce qui concerne la personne de confiance qu'un mineur peut choisir pour l'accompagner. Cela n'est prévu que dans la protection de la jeunesse. L'Okaju souhaite que les enfants puissent également être accompagnés d'une telle personne pour leur apporter un soutien moral lors des procédures pénales et en tant que témoins et victimes mineurs, en plus du travailleur social.  


O Ministério da Educação anuncia ao Contacto que está a preparar novas medidas, numa primeira fase, centradas na sensibilização para a denúncia das agressões.
Face à la délinquance juvénile, l'exil à l'étranger
Certaines familles du Grand-Duché ont déjà été contraintes de se séparer de leurs enfants, victimes d'agressions et de menaces de la part d'autres mineurs, et de les envoyer dans d'autres pays, notamment au Portugal.

En ce qui concerne la loi sur la protection des victimes et témoins mineurs, il manque des moyens et du personnel supplémentaires, ainsi que l'inscription dans la loi de ce que l'on appelle un «barnahus», qui était encore promis dans le programme gouvernemental.

Dans ce système, tous les services concernés sont réunis sous un même toit pour recueillir la déclaration d'une victime ou d'un témoin mineur, l'examiner sur le plan médico-légal et lui apporter un soutien psychologique et médical afin qu'il ne doive pas revivre son traumatisme. Cela existe dans 20 pays de l'UE. «Cela permettrait en outre de renforcer la communication et le flux d'informations entre les instances», a souligné Charel Schmit. 

Incohérence dans la dénonciation des délits

A l'instar de la Commission consultative des droits de l'homme, l'Okaju dénonce l'incohérence dans le signalement des actes menaçant l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est régi différemment pour le parquet et l'Office national d'enfance (ONE ; service de la jeunesse).

«L'obligation de signalement, punie par la loi, lorsque des enfants sont victimes de délits ou de crimes, est étendue à tous les citoyens. Cela vient s'ajouter et n'est pas forcément nécessaire pour renforcer les droits des témoins et des victimes», dénonce Charel Schmit, qui demande des directives sur ce qui doit être signalé ou non. «C'est surtout dans le domaine du sport et des loisirs que des jeunes peuvent s'affronter sans qu'il s'agisse de délits.»

Le fait que l'ONE soit responsable de la protection des mineurs et ne transmette les cas à la justice que lorsque les familles ne collaborent pas est l'expression de la séparation des pouvoirs.

Charel Schmit, Okaju

L'Okaju ne trouve pas problématique la troisième loi - le renforcement de l'ONE, introduit en 2008, qui doit contribuer à la déjudiciarisation de la protection de la jeunesse. L'ONE, compétent en matière d'aide éducative auprès des enfants et des familles et comparable au Jugendamt allemand, doit être responsable de la protection des mineurs tant que les familles coopèrent volontairement à la recherche de solutions et ne transmet les cas à la justice que lorsque les familles refusent de coopérer.

«Nous considérons cela comme l'expression de la séparation des pouvoirs» . Le défenseur des droits de l'enfant est particulièrement satisfait qu'il soit inscrit dans la loi que les enfants doivent si possible rester dans leur milieu familial - ou être placés dans des familles d'accueil. «Cela correspond à la Convention des droits de l'enfant et manque jusqu'à présent.»

Cet article est paru initialement sur le site du Luxemburger Wort.

Adaptation: Thomas Berthol

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