«L'incertitude des tests n'est pas dramatique»
«L'incertitude des tests n'est pas dramatique»
Propos recueillis par Didier Hiégel
Dr Schmit, la fourchette des chiffres officiellement avancés du nombre de faux négatifs au covid-19 est passée de 20% à 0,2%... Une variation très importante. Expliquez-nous ce qu'il en est réellement.
Dr Jean-Claude Schmit - «L'estimation d'une sensibilité clinique des tests de 80% (donc d'un taux de faux négatifs pouvant aller jusque 20%,) est en soi correcte. Ce ratio est basé sur une littérature médicale, mondiale et reconnue. Pour être davantage précis, la sensibilité clinique inclut des facteurs comme la qualité du prélèvement de l'échantillon et le moment du prélèvement dans l'évolution de l'infection chez le malade. Ces éléments peuvent largement influencer la chance d'avoir un test fiable.
Il faut distinguer ce chiffre de la sensibilité analytique pure d'un test effectué dans un laboratoire. Ce taux, pour la plupart des tests sur le marché, est de l'ordre de 96 à 98%. Ce qu'il faut cependant bien comprendre c'est que l'impact de cette sensibilité clinique sur les résultats au niveau d'une population dépend aussi de la fréquence de la maladie au sein même de cette même population.
Si une maladie est rare, il y aura peu de malades dans cette population. Par exemple, avec une fréquence de maladie de 1%, il y a 10 malades sur 1.000 personnes. Si on teste ces 1.000 personnes et sur les 10 malades il y a 20% de faux négatifs, ceci correspond «seulement» à deux tests faussement négatifs sur les 1.000 tests effectués.
Pour revenir au chiffre d'une sensibilité de 0,2 % qui a été cité dernièrement par la ministre de la Santé, c'est une sorte de raccourci qui a été fait. Par ailleurs, le chiffre de 1% que j'ai cité, lors de la commission parlementaire mardi, n'est pas quelque chose mesuré au Luxembourg car on ne connaît pas la prévalence exacte de la maladie. Ce sont peut-être des détails, mais ils sont importants car il y a déjà beaucoup de discussions autour de ce sujet difficile à comprendre.
Sur les 669.000 tests effectués à ce jour, peut-on avoir une estimation des personnes infectées qui n'ont pas été détectées?
«Non, car notre test n'a jamais été prévu en tant qu'étude pour vérifier la sensibilité d'un test. Pour ce faire, il faudrait alors le comparer à un deuxième test que l'on considérerait alors comme un échantillon de référence. Cela n'a jamais été fait au Luxembourg et, d'ailleurs, ce n'était pas le but.
Le message demeure qu'il existe une certaine incertitude dans ces tests, mais ce n'est pas dramatique en soi car ça ne met pas en doute les bénéfices du test. Nous trouvons beaucoup de personnes positives et nous pouvons alors les mettre en isolement.
Les tests apparaissent difficiles à effectuer puisque tester des personnes trop tôt dans le cours de l'infection est susceptible d'entraîner un faux négatif…
«...effectivement, mais ceci est valable pour tous les tests. Prenez un test de grossesse, faites-le trop tôt et le résultat sera aussi négatif. Cela alors que la femme est bel et bien enceinte.
Ici en Europe, le virus se transmet un peu plus facilement
Certaines équipes médicales évoquent une adaptation possible du covid-19 à son hôte et à son environnement. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il en est?
«C'est quelque chose de commun aux virus et aux bactéries. Ces derniers n'ont pas intérêt à tuer les gens car ils veulent survivre et se multiplier. En ce sens, il existe une pression évolutive naturelle. C'est pourquoi, avec le temps, ils deviennent moins agressifs. Voilà du moins la théorie. En pratique, nous ne pouvons pas affirmer que le virus a beaucoup changé à l'heure actuelle.
La seule chose que nous avons pu observer concerne le virus initial, en Chine. Il se transmettait moins bien d'une personne à l'autre. Actuellement, ici en Europe, il se transmet un peu plus facilement. C'est une adaptation favorable au virus. C'est bon pour lui… donc mauvais pour nous.
La rentrée scolaire approche. Que préconisez-vous?
«Comme pour les personnes qui rentrent du congé collectif et auxquelles nous proposons des tests à grande échelle, il y aura certainement ce même type de procédé pour les écoles. Mais les dernières décisions ne sont pas encore prises. La ministre Paulette Lenert annoncera le programme pour les semaines à venir, certainement dans le courant de cette semaine, vendredi.
Qu'en est-il des vacanciers susceptibles de revenir de zones à risque?
«C'était effectivement un des points discutés à la Chambre. La commission Santé nous a rappelé que les députés avaient voté une motion, en juillet, pour que tous les vacanciers rentrant au pays puissent se faire tester gratuitement. Nous sommes en train de mettre cela en place. La ministre annoncera les modalités pratiques là encore d'ici quelques jours.
Alors que la Russie annonce la découverte d'un vaccin contre le covid-19, êtes-vous optimiste pour les mois à venir?
«Je suis optimiste de nature! Pour ce qui est du vaccin russe, il a été développé très rapidement. S'il est testé à plus grande échelle, je ne dis pas qu'il ne sera pas un candidat valable pour nous. Mais pour l'instant, faute de recul suffisant, ce n'est pas une solution possible.»
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