L'Europe de moins en moins «luxembourgophile»
L'Europe de moins en moins «luxembourgophile»
(pj avec Diego Velasquez) - Luxembourg craint de voir s'envoler le titre très prisé, mais non officiel, de «Capitale de l'Union européenne». La raison : la Commission européenne a récemment décidé de retirer du Grand-Duché l'Agence exécutive pour les consommateurs, la santé, l'agriculture et l'alimentation (Chafea), installée à Gasperich depuis quatorze ans. L'agence compte environ 80 personnes et, jusqu'à présent, gérait les programmes de l'UE dans les domaines indiqués. Charles Goerens, député DP au Parlement européen, trouve cela suspect : «La décision est-elle un cas isolé ou est-ce le début de l'érosion du Luxembourg en tant que site de l'UE ?»
«La décision n'a pas été facile à prendre», commente un porte-parole de la Commission européenne à propos de ce déménagement. Toutefois, cette délocalisation s'inscrit dans le cadre d'une restructuration générale des agences exécutives de l'UE. Agences qui, désormais, seront toutes établies à Bruxelles, la rivale. La Chafea, elle, fait les frais de cette réorganisation et sera même dissoute d'ici peu...
Charles Goerens et le gouvernement luxembourgeois craignent que cette décision constitue une étape claire vers le démantèlement actif du Luxembourg en tant que site stratégique de l'Union. Et de critiquer le manque de transparence dans ces décisions de relocalisation.
Jusqu'en 2015, Commission européenne et gouvernement luxembourgeois avaient pourtant convenu de promouvoir la présence de l'UE au Grand-Duché. Le Luxembourg devait servir de capitale de l'UE dans trois domaines principaux : la justice, les finances et les affaires numériques. L'accord Asselborn-Georgie prévoyait également des transferts de personnel de la Commission et la création de postes au Grand-Duché. Le départ de la Chafea apparaît difficilement en lien avec cet accord, critiquent les dirigeants luxembourgeois en coulisses.
Les fonctionnaires boudent
Reste qu'officiellement, «la Commission européenne maintient sa présence au Luxembourg». Environ 3.700 personnes travaillent pour la seule Commission et la présence de l'UE dans la ville comprend également certains services du Parlement européen, de la Banque européenne d'investissement, de la Cour de justice européenne, de la Cour des comptes européenne, du mécanisme de stabilité européen (MSE) et du nouveau ministère public de l'UE.
N'empêche, il semble que le Grand-Duché soit de moins en moins apprécié des fonctionnaires de l'UE, eux-mêmes. A cela plusieurs raisons. Ainsi les loyers inabordables découragent les jeunes fonctionnaires et agents contractuels des institutions européennes à venir s'installer. Sans parler des difficultés de trajets au quotidien pour qui habite en périphérie de Luxembourg ou dans un pays voisin. Résultat, même de hauts fonctionnaires finissent par délaisser la vallée de la Pétrusse pour la capitale belge. Et sans cette présence de haut rang, l'intérêt d'une mutation ici devient moins pertinent pour certains profils...
Pour Miguel Vicente Nuñez, chef de l'Union des fonctionnaires européens luxembourgeois (USL) : «Plus personne ne veut venir au Luxembourg». C'est dire si les perspectives s'assombrissent. D'autant plus que les gouvernements de l'UE se disputent, depuis vingt mois, autour du budget de l'Union pour les sept années à venir. Et des économies doivent être faites pour financer de nouvelles priorités telles que la protection du climat. Aussi peu d'élus de l'UE seraient enclins à augmenter les salaires des fonctionnaires mutés au Grand-Duché pour compenser les difficultés locales...
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