L'éthique sur la route du déconfinement
L'éthique sur la route du déconfinement
En finir avec ce virus. Veiller à ce que l'économie ne flanche pas. Etre réactif pour que les individus ne perdent pas tout. Surveiller les comptes de la nation. Prendre des mesures aussi inédites que cette crise. Respecter la voix des parlementaires. Pas simple de diriger un pays actuellement. Ce que l'éthique vient faire dans tout ça? «Elle tient le même rôle qu'un phare pour les marins. Elle guide, rien de plus». C'est ainsi qu'Erny Gillen perçoit sa fonction au sein du comité de suivi de déconfinement auquel le gouvernement de Xavier Bettel l'a invité.
Autour de lui, des représentants de la Chambre de commerce, Chambre des salariés, des Jeunes artisans, l'Ombudsman, des psychologues aussi. «Et moi, l'éthicien, qui viens là pour glisser quelques notions morales.» Pas si futile, même dans un temps où les esprits se concentrent plus sur la santé et les finances. Pour Erny Gillen, «c'est en effet dans les périodes de tâtonnements, de doutes, qu'il faut se retourner vers les fondamentaux de la morale. Cela permet d'asseoir les décisions et leur argumentation sur ce qui fait le socle commun de notre société.»
Ainsi quand d'autres débattront des règles à respecter dans les usines, des aides à prescrire à tel secteur, des priorités à donner aux soignants, l'éthicien devra rappeler les bornes à ne pas dépasser. Des exemples? «Quand on restreint trop le droit de contact avec les résidents de maisons de soins ou de santé, il faut que quelqu'un rappelle que ces homes ne peuvent se transformer en prisons.» Idem quand l'Etat demande à ses concitoyens de rester à la maison, de ne pas se réunir, c'est une privation de liberté qu'il convient de modérer. Quand un état d'urgence est décrété et que la Chambre n'a plus forcément la main sur les lois, là encore l'éthique est là pour rappeler «les bons usages».
Au cours des visioconférences du comité de suivi, Erny Guillen apporte donc cette sagesse que l'urgence peut faire oublier à l'approche du déconfinement général. «La loi va gérer l’extrême, l'interdit. L'éthique, elle, rappelle les responsabilités et les libertés de chacun.» Pour les jours à venir, l'éthicien va donc veiller -notamment- à ce que des discriminations ne soient pas faites quand les détails du déconfinement seront proposés. Discrimination à l'âge, à l'origine sociale ou géographique. Que le respect des libertés des salariés, des parents, des employeurs à agir soit parfaitement encadré.
Un vaste champ d'action
Ainsi, la puissance publique peut estimer que les tests de dépistage au covid-19 sont une mesure primordiale; que le masque constitue une protection utile; mais comment les imposer ou plutôt en faire accepter l'usage? Comment sécuriser les données collectées? Il faut également veiller à ce que le politique, dans l'urgence d'agir, ne dédaigne pas le rôle du Parlement. Un rappel de l'éthique permet ainsi de refixer l'échelle des valeurs communes. «Croyons-nous au respect des libertés individuelles? Respectons-nous la santé des travailleurs comme celle des écoliers quand on leur fait reprendre le travail? Voulons-nous un pays basé sur l'échange de points de vue ou l'autorité ? Voilà ce à quoi je dois répondre dans ce comité de suivi.»
A charge maintenant aux partenaires rassemblés dans ce groupe comme au gouvernement d'entendre cette petite voix. Mais Erny Gillen ne doute pas qu'il aura l'oreille des participants et des dirigeants. «Mine de rien, constate l'ancien vicaire général, voilà maintenant au moins deux décennies que le Luxembourg a compris combien l'éthique pouvait être une base dans ses réflexions pour l'avenir comme pour son quotidien.» Ainsi d'autres comités d'éthiques sont-ils déjà en place aussi bien pour encadrer la pratique médicale, le rôle des ministres ou la recherche spatiale, c'est dire si les champs d'action sont vastes.
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