L'audit du Film Fund en dix points
L'audit du Film Fund en dix points
Si Xavier Bettel, ministre des Communications et des Médias (DP) s'est senti obligé de rendre public l'audit sur d'éventuelles faiblesses du Fonds national de soutien à la production audiovisuelle (Film Fund),c'est probablement aussi dû à la pression exercée par Félix Eischen. En juin, le député (CSV), avait écrit au ministère public pour lui signaler d'éventuelles irrégularités liés au fonds. A sa lettre il avait pris soin de joindre une copie de l'audit.
Les auditeurs de Value Associates et son fondateur Manuel Baldauff - anciennement chez BGL BNP Paribas, puis chez Deloitte et aujourd'hui propriétaire de sa propre société d'audit - ont examiné de près l'institution et ont relevé les points suivants :
- Le budget annuel d'environ 34 millions d'euros mis à la disposition du Fonds n'est plus suffisant pour soutenir les projets de films qui lui sont soumis. En 2018, les aides étaient déjà épuisées au milieu de l'année. Il y a deux solutions: réduire le nombre de bénéficiaires et simplement réduire les montants alloués, ou au contraire, augmenter les subventions mais les conditionner plus étroitement à la qualité et au succès du film.
Les 59 millions d'euros de réserve du Fonds pourraient également être utilisés.
L'impact économique du secteur cinématographique est difficile à calculer, selon l'audit. Ni les acteurs de cette industrie, ni le Fonds lui-même, ni le Statec, ne peuvent fournir des informations concrètes à ce sujet. Preuve pour les auditeurs que l'impact économique est faible. Ils relèvent le faible nombre de spectateurs de nombreux films dans les salles luxembourgeoises.
Néanmoins, les subventions à l'industrie cinématographique profiteraient à l'économie locale même si une grande partie des salaires des cinéastes sont dépensés à l'étranger, comme c'est le cas dans d'autres secteurs.
Les auditeurs estiment que des 127 millions d'euros consacrés aux productions de cinéma depuis 2014 à la loi sur le Fonds du film, 30,5 millions ont été reversés directement à l'État sous forme d'impôts et de cotisations sociales. Si l'on y ajoute la TVA, l'État a contribué à soutenir le cinéma à hauteur de 89 millions d'euros nets. Cela représente 70% de l'ensemble de l'aide versée.
Si ces subventions cessaient, le gouvernement devrait dépenser temporairement le même montant sous forme de prestations de chômage.
Les auditeurs relèvent que le versement des aides n'est ni lié à des objectifs économiques, ni à des objectifs culturels. De sorte que les producteurs de films peuvent toucher de l'argent, indépendamment du succès du film.
Il est également critiqué que 90% des subventions aillent à la production, mais que la distribution est négligée.
Le fait que le directeur du Fonds, Guy Daleiden, ait également son mot à dire au sein du comité de sélection concernant l'attribution des subventions n'est pas vraiment un obstacle pour les auditeurs. Afin de réduire son poids, deux membres supplémentaires pourraient être nommés. Les auditeurs sont plus critiques par rapport au contrat qui lie le producteur Paul Thiltges au Fonds. Il a travaillé pour le compte du Fonds mais reçoit également des aides en tant que producteur. Selon les examinateurs, il existe un «risque de conflits d'intérêts».
80 pourcents des subventions vont à dix sociétés de production, ce qui correspond à une règle économique. Le nombre de productions cinématographiques augmente de façon explosive mais pas le nombre de spectateurs de films luxembourgeois dans les salles. Les auditeurs y lisent un impact économique minime, voire le gaspillage de l'argent public mais oublient que les films coproduits sont aussi montrés dans les salles à l'étranger, tournent sur des plates-formes et sont projetés dans des festivals internationaux et ont donc aussi un impact social, ce qui n'intéresse pas l'audit, visiblement.
