Jusqu'à 88 polluants dans les cheveux des enfants
Jusqu'à 88 polluants dans les cheveux des enfants
S'il y a bien une partie du corps qui en dit long sur une personne, ce sont les cheveux ! Hygiène de vie, alimentation, mais aussi et surtout la pollution. En octobre 2020, le Luxembourg Institute of Health (LIH) lançait un vaste appel à la population dans le cadre d'une étude pour le moins innovante. L'institut luxembourgeois souhaitait en effet obtenir 200 mèches de cheveux pour analyser le degré de pollution dans celles-ci et avoir une idée plus globale du phénomène à l'échelle du Grand-Duché. Mais attention, il ne s'agissait pas de n'importe quelle mèche, le LIH souhaitait récolter des échantillons de jeunes résidents uniquement âgés de un à douze ans.
Il faut dire que l'expérience avait déjà été tentée sur des mèches de personnes adultes il y a quelques années. Les résultats de l'étude étaient interpellants: sur un échantillon représentatif de 497 personnes, les analyses menées ont permis de découvrir en moyenne 19 polluants par tête. Certains étaient d'ailleurs présents chez tous les individus.
Ce mardi, ce sont les résultats des analyses visant les cheveux des plus jeunes qui ont ainsi été révélés. Un travail de fourmi mais ô combien utile, comme l'explique le professeur Brice Appenzeller, chef de groupe de l'unité de recherche en biosurveillance humaine du LIH. «Les effets de l'exposition aux produits chimiques chez les enfants peuvent différer fortement de ceux des adultes en raison de leurs différences comportementales et physiologiques. Bien que les enfants soient plus petits, leur rapport surface/volume est trois fois plus élevé que chez les adultes, ils ont des périodes de croissance rapide et ils ont tendance à consommer plus de nourriture par unité de poids que les adultes.»
Un échantillon global de 256 chevelures
L'équipe du professeur Appenzeller a cherché à mieux comprendre les polluants chimiques auxquels les enfants étaient exposés. L'étude entièrement luxembourgeoise a donc pu recueillir des échantillons de cheveux auprès de 256 enfants résidents âgés de moins de 13 ans. Les échantillons ont été testés pour 153 composés, y compris des pesticides et d'autres produits chimiques trouvés dans la fabrication comme les biphényles polychlorés (BPC), le décabromodiphényléther (DeBDE) et les bisphénols, tous des polluants donc.
Un questionnaire a également été utilisé pour recueillir des informations sur le mode de vie des enfants, notamment pour savoir s'ils avaient des animaux domestiques à la maison, où ils vivaient et ce qu'ils mangeaient. «La présente étude démontre que les enfants sont exposés simultanément à de multiples polluants appartenant à différentes classes chimiques», a souligné Alba Iglesias-González, première auteure de l'étude.
Concrètement, les résultats ont montré que chaque enfant avait un nombre moyen de 61 polluants dans ses cheveux, allant de 29 à 88 par échantillon, ce qui est bien plus que chez les adultes. La concentration la plus élevée était celle du bisphénol A (BPA), couramment utilisé dans la fabrication des plastiques. Bien que les polluants organiques persistants soient interdits en Europe depuis plus de 20 ans, ils ont été trouvés dans plus de la moitié des échantillons, ce qui suggère que le fort passé industriel du Luxembourg, combiné à la longue durée de dégradation de ces produits chimiques, pourrait être à l'origine d'une exposition continue chez les enfants.
Les garçons plus exposés que les filles
Des pesticides ont également été fréquemment détectés dans tous les échantillons. Il est intéressant de noter que l'exposition aux polluants est plus élevée chez les jeunes, et que les garçons sont plus exposés aux pesticides non persistants que les filles. «On soupçonne que cela est dû au dimorphisme physiologique et comportemental entre les sexes», précise l'étude.
En outre, les enfants ayant une alimentation essentiellement biologique présentaient une concentration significativement plus faible de 17 types de polluants dans leurs cheveux. Le fait que les enfants vivent dans des zones urbaines ou rurales a eu une incidence sur le type de polluant auquel ils étaient exposés, plutôt que sur la quantité. Parallèlement, il a été constaté que la présence d'animaux domestiques à la maison exposait les enfants aux produits chimiques présents dans les antiparasitaires appliqués sur les animaux, ces derniers présentant des risques tels que des réactions oculaires, cutanées et respiratoires, même en cas d'exposition de courte durée.
Sur les 153 composés testés, seuls 17 polluants n'ont été détectés dans aucun échantillon. «Le grand nombre de polluants détectés démontre que, comme les adultes, les enfants sont soumis à une exposition simultanée à de multiples polluants issus de différentes familles chimiques», conclut le professeur Appenzeller. «Les résultats obtenus ici jettent les bases d'autres investigations visant à mieux comprendre la contribution des différentes sources d'exposition aux polluants chez les enfants. En outre, le présent travail donne des indications sur l'identification des facteurs d'exposition et suggère des possibilités d'interventions visant à la réduire.»
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
