«Il ne peut y avoir qu’un chef de l’État»
«Il ne peut y avoir qu’un chef de l’État»
La création de la Maison du Grand-Duc a été la réponse politique aux dysfonctionnements relevés à la Cour par le rapport Waringo, premier du nom. 18 mois plus tard, l'ambition réformatrice est-elle, selon vous, achevée ?
Yuriko Backes, Maréchale de la Cour - «Le rapport Waringo, et les pourparlers entre la Cour grand-ducale et le gouvernement qui ont suivi, ont débouché dans l’arrêté grand-ducal du 9 octobre 2020 portant institution de la Maison du Grand-Duc. Les réformes entreprises sont définies dans cet arrêté. Nous continuons à les mettre en place et cela fonctionne très bien.
Quelles sont les applications tangibles de ces recommandations?
«Nous avons mis en place la comptabilité de l’État, y compris le contrôle financier, c’est-à-dire que nous fonctionnons au niveau financier comme toutes les entités de l’État. Nous avons constitué un comité de direction et élaboré un organigramme fonctionnel et nous avons transféré l’ensemble du personnel au service officiel de la Cour à la fonction publique, à la date limite du 30 juin. Le site internet officiel de la Cour a été modernisé, avec celui de la Grande-Duchesse intégré au sein de ce nouveau site lancé en fin d’année dernière. Nous n’avons pas chômé. Nous travaillons aussi sur le rapport d’activité que nous devons présenter une première fois au cours du premier semestre de 2022 pour l’exercice 2021.
Vous avez fréquemment utilisé le terme de transparence pour qualifier la nouvelle orientation donnée à cette nouvelle administration. Pourtant, l'administration au service du chef de l'Etat ne pourra jamais l'être à 100%, par nature. Où se trouve, selon vous, le juste équilibre?
«L’administration dont vous parlez, la Maison du Grand-Duc, se doit d’être transparente sur le plan administratif et financier. Et cette transparence résulte de l’application des réformes prévues à l’arrêté grand-ducal. Nous sommes aujourd’hui aussi transparents que toutes les autres instances de l’État.
Mais il faut aussi être conscient que la monarchie ne remplit pas seulement le rôle de chef de l’État, mais qu’il y a également un volet dynastique qui n’est pas du domaine public puisque le Grand-Duc est le chef de la famille de Nassau et la famille grand-ducale a également une vie privée dans laquelle elle jouit des mêmes droits et protections que n’importe quelle famille ou n'importe quel citoyen.
Pour la deuxième fois en moins d'un an, vous avez lancé de nouvelles annonces d'emploi. Parmi elles figurent des postes toujours non affectés, comme responsable de la communication ou archiviste. Que manquaient-ils aux candidats qui ont pourtant afflué?
«Lors du dernier recrutement en automne, huit des 15 postes ont été pourvus. Je trouve que ce n’est déjà pas mal... Pour d’autres, on a préféré se donner plus de temps parce que les candidatures ne correspondaient pas vraiment aux profils recherchés. Vous mentionnez deux postes en particulier : en ce qui concerne le responsable communication, nous recherchons un profil particulier qui soit à même de développer des concepts et d’avoir une vision à long terme.
Pour ce qui est de l’archiviste, nous avons eu beaucoup de candidatures d’historiens. Or, le métier d’archiviste est bien particulier et le profil recherché pour les archives de la Cour grand-ducale est plutôt une personne avec une formation en archivistique ainsi qu’une expérience dans le domaine.
Vous cherchez donc un mouton à cinq pattes ou vos «tests de personnalité» sont-ils fixés à un niveau trop élevé?
«Non et non. Mais les personnes retenues doivent nous apporter une réelle plus-value. Nous n’allons pas pourvoir un poste juste pour accomplir l’exercice d’y pourvoir. Le mouton à cinq pattes n’existe pas, mais nous sommes preneurs de perles rares. En ce qui concerne les tests de personnalité, il n’y a pas de 'trop élevé'. Par définition, ces tests nous fournissent de bonnes indications sur le caractère d’un(e) candidat(e) puisque certaines «tendances» peuvent être bénéfiques pour un job, mais pas pour un autre. Certains emplois requièrent plus un sens organisationnel, d’autres plus de créativité. Par ailleurs, ce sont les mêmes tests qui sont utilisés partout dans la fonction publique, voire dans le secteur privé également.
Interrogée sur ce sujet en début d'année, vous avez affirmé attendre «les bonnes personnes». Comment définissez-vous cette notion?
«Le 'bon' candidat doit non seulement posséder les aptitudes techniques au poste auquel il postule, mais il doit également pouvoir s’intégrer dans une équipe. Les caractéristiques comportementales sont au moins aussi importantes que les compétences. Nous sommes au service du chef de l’État et nous sommes en droit d’être exigeants.
Par ailleurs, il faut laisser le temps à cette nouvelle administration de se constituer et de trouver ses repères. Oui, je suis pressée à mettre en place un système qui puisse rendre le meilleur service au chef de l’Etat, à la Grande-Duchesse, au Grand-Duc héritier et à la Grande-Duchesse héritière. Mais on travaille dans la durée, et je suis persuadée que 'les bonnes personnes' vont nous rejoindre pour les profils que nous cherchons encore.
Quelle est la finalité de cette montée en puissance des effectifs? A quels besoins cela répond-il?
«'Montée en puissance', c’est vous qui le dites, car cette terminologie prête à confusion. D’abord, le gouvernement nous donne les moyens pour combler certaines lacunes dans le dispositif, tels que dans les domaines de l’IT ou de la gestion des ressources humaines. Il y a de nouveaux postes qui découlent de décisions prises ailleurs, comme la nouvelle loi sur l’archivage qui nous oblige à réorganiser complètement ce domaine. Puis, lorsque j’ai pris mes fonctions, il y avait une demi-douzaine de postes vacants. Enfin, il y a des départs en retraite à remplacer.
Parmi les objectifs de la Maison du Grand-Duc figure une séparation stricte entre les missions de chef de l'Etat et la vie privée du souverain. Force est de constater que cette frontière apparaît comme poreuse au vu de la vision du couple grand-ducal sur l'exercice du pouvoir...
«Au quotidien, même pour nous, cette séparation est difficile à réaliser. Il y a beaucoup d’évènements qui ont un caractère privé, mais qui sont néanmoins du domaine public. Le chef de l’Etat l’est 24 heures/24, 7 jours/7 alors même s’il y a une activité strictement privée, disons le Grand-Duc et la Grande-Duchesse vont dans un restaurant ou au cinéma, nous avons toujours l’obligation de les protéger, par exemple. La frontière n’est pas poreuse, mais il est parfois difficile de la tracer. L’exercice est le même pour nous que pour le couple grand-ducal, il nous faut simplement un temps de rodage pour fixer les bons jalons dans tous les domaines.
La place de la Grande-Duchesse se trouve au centre de cette discussion. Quel rôle cette dernière exerce-t-elle désormais puisque son rôle notamment dans la gestion des ressources humaines a été fortement réduit ?
«À l’épouse du chef de l’Etat revient un rôle qui n’est peut-être pas défini, mais qui est très important. Dans la représentation mais aussi dans les causes que S.A.R. la Grande-Duchesse défend et pour lesquelles elle s’engage de tout cœur. C’est important pour le Grand-Duc mais aussi pour le pays. La Maison du Grand-Duc est aussi là pour soutenir la Grande-Duchesse dans ses activités officielles.
La gestion des ressources humaines est une tâche administrative qui revient au Maréchal de la Cour qui en porte la responsabilité et qui, avec l’équipe de direction, fait tout pour assurer le meilleur service possible à LL.AA.RR. dans l’intérêt de l’institution, si importante pour le Luxembourg.
Ce rôle sera-t-il amené encore à évoluer à l'avenir, comme le recommandait Jeannot Waringo qui envisageait une réforme du fonctionnement de la monarchie sur ce point?
«Le Grand-Duc a raison de dire que le couple grand-ducal tient un rôle important dans le système monarchique. Sans couple, il n’y a pas de continuité de la monarchie dans le temps. Mais il ne peut y avoir qu’un chef de l’État - qu’il soit masculin ou féminin – comme nous l’avons connu pendant des décennies.»
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
