«Il manque un volet social à ce budget»
«Il manque un volet social à ce budget»
Verre à moitié plein. En ce jour de beaujolais nouveau, la Chambre des salariés (CSL) a délivré son avis sur le budget du Luxembourg pour 2020. Et même si elle reconnaît certains efforts, la présidente de la CSL s'attendait à mieux. «C'est aujourd'hui que le pays soit se montrer audacieux et généreux. Cela, je ne l'ai pas retrouvé dans les chiffres présentés». D'autant que dans le budget record annoncé à hauteur de 20 milliards d'euros par le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), «il y a des marges de manœuvres».
Le PIB du pays compte toujours sur une bonne croissance (+2,4% pour l'an prochain), la productivité par emploi augmente, les recettes fiscales sont plus que correctes, le pays emprunte désormais à taux négatif et l'ensemble des critères budgétaires fixés par l'Union européenne sont respectés en termes de déficit ou dette publics. Aussi, la Chambre des salariés estime que la redistribution doit se faire maintenant. «Il y a des avancées appréciables, mais non suffisantes, comme la gratuité des transports publics prévue dès mars prochain, celle des manuels scolaires, le développement du chèque-service accueil, l'accessibilité plus ouverte aux maisons relais, etc».
Car ce qui inquiète la CSL, c'est bien de voir le pays se porter bien, mais pas sa population. Et de pointer avant tout le risque de paupérisation qui frappe de plus en plus de résidents. Comment comprendre que le Luxembourg compte 12,8% de travailleurs pauvres, alors que la moyenne de l'UE est de 7,9%? Comment accepter que l'endettement des ménages part à la dérive avec plus d'un tiers des familles ayant -a minima- l'équivalent de trois ans de revenus à rembourser? Comment supporter que les organismes sociaux voient de plus en plus de personnes frapper à leur porte alors que la richesse nationale croît?
Pour toutes ces raisons, la CSL attend de nouvelles orientations de la part du gouvernement Bettel pour 2020. «Les prestations sociales financières directes ont perdu 20%, selon nos calculs, depuis 2006. La gratuité de certains services ne compense pas cette chute, note Nora Back. Il faut donc revoir le mécanisme d'adaptation des aides le plus vite possible.» Et la responsable, relayée par le vice-président de la Chambre des salariés Jean-Claude Reding d'insister: «Le Luxembourg n'investit que 22,5% de son PIB dans les dépenses sociales, c'est un niveau moyen à l'échelle de l'Europe et surtout des moyens disponibles.»
Dans quelles réserves ponctionner alors? La CSL en désigne une directement : systématiquement, les prévisions de budget sous-estiment le solde des administrations publiques. Il y a là un trésor qui pourrait être utilisé «à l'amélioration de la qualité de vie». Et la CSL d'annoncer qu'en 2018 par exemple, l'écart entre projet et réalité budgétaire approchait tout de même un solde positif de 1,27 milliard d'euros. «Affectons-les là où il y a des besoins!»
Trop d'étudiants s'endettent
Des pistes concrètes, la Chambre des salariés en a envisagé plusieurs dans son avis. Comme l'augmentation de l'allocation de vie chère «qui accuse un retard de 19% (250 euros) sur l'inflation». Mais aussi une transformation de l'abattement pour frais de déplacement «qui deviendrait un crédit d'impôt de 39€/km avec une adaptation sur l'index».
Il conviendrait également de revoir l'étendue du chèque-service accueil pour les ménages les moins favorisés ou mieux adapter certaines prestations familiales en fonction du coût réel de la prestation utilisée par les foyers.
Même effort à envisager du côté des bourses pour études supérieures. Si leur champ vient d'être élargi à plus de bénéficiaires, il n'en reste pas moins que de plus en plus de jeunes étudiants doivent s'endetter pour suivre leur cursus, le plus souvent à l'étranger. Une réforme du montant est donc préconisée par la Chambre des salariés.
Et l'habitat dans tout cela? La CSL n'ignore pas ce qui reste la plus forte préoccupation des résidents. Regrettant au passage de voir la frilosité affichée dans l'augmentation du budget alloué au ministère du Logement (+2,7%). Au lendemain de l'annonce du nouveau Pacte Logement, «nous revendiquons une politique d'investissement plus ambitieuse afin de financer une augmentation du nombre de logements locatifs sociaux et à coût modéré.» L'accès à un toit devenant un facteur d'exclusion de plus en plus sensible au Luxembourg, il est urgent d'agir.
Tout comme la Chambre des salariés plaide pour des investissements plus soutenus, notamment, en faveur de l'environnement. «Le pays s'était engagé à réduire pour 2020 d'au moins 20% ses émissions de gaz à effet de serre et à faire passer à 11% la part d'énergies renouvelables dans sa consommation, on est encore loin du compte».
