«Il faut se souvenir, il en va de notre démocratie»
«Il faut se souvenir, il en va de notre démocratie»
«Nous devons combiner le devoir de mémoire au devoir de veiller sur ce qui se passe aujourd'hui.» Tel est le message que souhaite faire passer le président de MemoShoah Jim Goerres à l'occasion de la Journée mondiale de la Shoah ce jeudi. Une date symbolique choisie en 2005 par l'ONU qui marque la libération du camp d'Auschwitz (27 janvier 1945) et qui est dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste. Pour Jim Goerres, il n'est pas acceptable que des personnes, notamment lors des manifestations opposées aux mesures sanitaires, «bafouent et banalisent» l'Holocauste.
Etoile jaune ou encore pancartes en référence à la période nazie, «ces comparaisons employées sont trop graves», souligne le président de l'association, qui appelle à ne pas sous-estimer ces tendances antidémocratiques. Il rappelle que sur les 4.000 Juifs présents au Luxembourg avant la Seconde Guerre mondiale, 1.300 ont été tués par les nazis. Soit 30% de la communauté juive décimée. La pandémie n'a fait que réveiller des tendances qui existaient déjà dans la société, estime Jim Goerres.
«C'est quoi l'étape suivante ?»
Un constat partagé aussi par Bernard Gottlieb, président de l'association de recherche et information sur l'antisémitisme au Luxembourg (RIAL): «Avec la pandémie qui dure, les propos deviennent de plus en plus agressifs et blessants.» Il se dit également choqué par la banalisation de la Shoah, «même si les actes restent assez mineurs», et rappelle que ses grands-parents ont dû porter l'étoile jaune.
«C'est quoi l'étape suivante ?», s'interroge le retraité. Il observe sur les réseaux sociaux de multiples références au nazisme ou des messages comparant l'infectiologue Gérard Schockmel au Dr Mengele, médecin exerçant dans le camp d'Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour l'année 2021, RIAL recense 80 actes antisémites, soit 24 de plus qu'en 2020. Selon Bernard Gottlieb, cette hausse s'explique avant tout par une meilleure remontée du terrain plutôt que par une augmentation des actes antisémites. Mais il reste néanmoins difficile à déterminer l'ampleur réelle du phénomène. Le président du RIAL indique ne pas avoir relevé d'agressions physiques, mais plutôt des discours de haine ou des tags.
Parmi les cas enregistrés en 2021, il y a notamment une croix gammée sur un ascenseur dans un immeuble à Moutfort dans lequel habite une personne juive ou encore une personne d'origine palestinienne faisant l'apologie du Hamas et appelant à la destruction d'Israël. Voire même quelqu'un dénonçant le «complot judéo-satanique». Bernard Gottlieb reprend à son compte la définition de l'IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance): l'antisémitisme traditionnel, la négation de la Shoah et la volonté de détruire Israël.
«Aiguiser le regard critique»
Face aux discours de haine, il appelle les pouvoirs publics à passer à l'action et à se donner les moyens pour lutter contre ce fléau. Il regrette par ailleurs le retard pris depuis deux ans sur la présentation d'un plan national contre l'antisémitisme. Bernard Gottlieb souhaiterait la mise en place d'une structure officielle comme la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) en France.
Pour cette journée de commémoration de la Shoah, le président de RIAL appelle à la vigilance et à veiller que des lignes ne soient pas franchies: «Il faut se souvenir, il en va de notre démocratie, il faut continuer à soutenir la digue contre l'antisémitisme». Pour réussir cet objectif, il n'y a qu'un seul moyen selon le président de MemoShoah Jim Goerres : l'éducation. Une mission qui passe par les plus jeunes, mais aussi par l'ensemble de la population, afin de permettre d'«aiguiser le regard critique» des citoyens. Mais aussi d'éveiller une prise de conscience pour éviter de tomber dans les manipulations de la part des complotistes ou de ceux qui propagent de fausses nouvelles.
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