Henri le Navigateur, Henri le Grand-Duc
Henri le Navigateur, Henri le Grand-Duc
Les visites d'État ont leur langage bien particulier: le son des hymnes nationaux, les honneurs militaires, les courbettes respectueuses, les coups de canon tonitruants, les commémorations silencieuses et, pour l'histoire, l'inscription dans des livres d'or. La visite actuelle du chef d'État luxembourgeois au Portugal ne déroge pas à cette règle.
La somptueuse Praça do Império et le monastère des Hiéronymites constituent le cadre solennel de l'ouverture de la visite de trois jours au Portugal. C'est là que le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa a accueilli ses hôtes, le grand-duc Henri et la grande-duchesse Maria Teresa, ce mercredi matin, sous le soleil et par 26 degrés.
Un pays construit sur la mer
La place emblématique de Lisbonne a été aménagée à l'occasion de l'«Exposition du monde portugais» en 1940. À l'époque, le Portugal fêtait ses 800 ans d'indépendance. La Fonte Luminosa déploie ici, à la nuit tombée, tout son mystère de lumière et d'eau. La fontaine lumineuse est soutenue par deux imposants groupes de sculptures représentant des personnages mythiques, des chevaux et des animaux marins.
Oui, la mer, l'Atlantique ! Lisbonne n'est pas seulement amoureuse du Tage, mais aussi de l'océan. «Meu ser ciclónico e atlântico», c'est ainsi que le poète portugais Fernando Pessoa décrit son «être cyclonique et atlantique» dans le poème «Ode marítima». Le brillant Portugal est construit sur la mer, et les mers du monde ont apporté au pays richesse et prestige. Tout ce que la nation maritime a découvert, conquis, arraché et exploité est passé par les mers. Le monastère des Hiéronymites, Mosteiro dos Jerónimos en portugais, que les invités luxembourgeois visitent après l'ouverture protocolaire, en témoigne. Il est donc temps de faire un peu de culture : une bonne heure, mais pas plus !
Le monastère, construit en 1502, d'abord dans le style gothique, puis dans le style manuélin, a été surnommé «le bonheur construit», «le rêve pétrifié» ou encore «la prière engloutie d'un roi». Il se trouve à l'ouest de Lisbonne, dans le quartier de Belém, là où le Tage se jette dans l'Atlantique.
Autrefois, il y avait à cet endroit un ermitage fondé par Henri le Navigateur, peu après le retour de Vasco de Gama de son premier voyage en Inde. L'opulent monastère était destiné à l'ordre des Hiéronymites et était en grande partie financé par les bénéfices du commerce des épices et les richesses provenant des grands voyages d'exploration portugais du XVIe siècle.
Des éléments d'Occident, d'Orient et d'Extrême-Orient
Des couronnes ludiques de coquillages, de coraux et de monstres marins ornent les colonnes en grès calcaire jaunâtre, des ornements indiens et orientaux inspirés par les navigateurs décorent le cloître carré et à deux étages, des rois et des reines ont trouvé leur dernière demeure dans les chapelles de l'église.
Ainsi, la croix des chevaliers du Christ, la sphère des sphères et les armoiries royales apparaissent régulièrement dans cette architecture, symbolisant la prétention au pouvoir religieux et temporel de la maison royale portugaise sous Manuel Ier. Mais aussi des éléphants qui, à Goa, en Inde, transportaient autrefois des cargaisons d'épices vers les caravelles portugaises, mais qui, aujourd'hui, font l'effet d'un troupeau perdu de pachydermes dans le Portugal moderne.
La mission spirituelle des Hiéronymites consistait à orienter les marins et à prier pour le salut de l'âme de tous ceux qui avaient trouvé leur dernière demeure dans le monastère. Deux imposants sarcophages à l'entrée illustrent l'audace conquérante et civile des Portugais. Un explorateur d'un côté, un poète de l'autre y sont (ou plutôt devraient y être) couchés : Vasco de Gama et Luis de Camões. Les ornements des tombes, posés sur des têtes de lions féroces, parlent un langage clair : caravelles, armoiries, coquillages et étoiles de mer pour Vasco de Gama, lyre et laurier pour Luis de Camões.
Ce n'est pas devant l'explorateur du monde et le «Navegador», mais devant le poète Luís Vaz de Camões, surnommé «le Camõens», que le grand-duc Henri et la grande-duchesse Maria Teresa s'inclinent et déposent également des fleurs devant le sarcophage. Cet illustre homme de lettres portugais, né vers 1525 à Coimbra et mort en 1580 à Lisbonne, fils de marin et descendant de troubadour, a composé des poèmes de tradition médiévale (redondilhas) ou pastorale, des sonnets inspirés de la Renaissance italienne et surtout l'épopée nationale des Lusiades (1572).
Son génie est comparable à celui de Virgile, Dante ou Shakespeare. Il est le poète préféré des Portugais, qu'ils glorifient depuis toujours. Mais repose-t-il vraiment dans ce cénotaphe devant lequel les invités luxembourgeois s'arrêtent un instant ? Camões est mort de la peste, appauvri et aigri, dans un hôpital d'Alfama. Son corps n'a jamais été retrouvé et le sarcophage est vide. Ce n'est que tardivement que l'on a découvert son œuvre et qu'on l'a acclamée.
Par ces mots, le poète a immortalisé le début de la mondialisation de l'époque :
«... ils cherchaient des marchandises comme celles qui poussent en Orient. On y trouve des épices en abondance mais aussi des clous de girofle, de la cannelle et des médicaments rares, des rubis, des diamants et d'autres pierres».
Bien des années après Camões et Vasco de Gama, le monastère des Hiéronymites a de nouveau acquis une importance mondiale. Le 13 décembre 2007, les 27 chefs d'État et de gouvernement européens y ont signé le traité de Lisbonne, l'ersatz de constitution d'une Europe qui vient de s'élargir vers l'Est.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
