Gaspillage alimentaire: manger mieux, jeter moins
Gaspillage alimentaire: manger mieux, jeter moins
La restauration dans les collectivités est l'un des milieux où le gaspillage alimentaire est le plus important: parce que les usagers laissent parfois une partie de leur repas dans l'assiette, mais aussi en raison de drastiques normes d'hygiène. Tout est affaire de gestion, de bon sens, et de sensibilisation des usagers de ces restaurants.
124 kilos par personne et par an: c'est le triste chiffre des déchets alimentaires au Luxembourg. Énorme. Ce constat vient d'une étude effectuée en 2013-2014, «Aufkommen, Behandlung und Vermeidung von Lebensmittelabfällen im Großherzogtum Luxemburg» («La génération, le traitement et la prévention des déchets alimentaires au Grand-Duché de Luxembourg»).
Le gaspillage, c'est ce que l'on jette et qui aurait pu être consommé. Il provient surtout des fruits et des légumes, des parties comestibles et non comestibles. On le retrouve à différents niveaux, de la production à la consommation des produits.
Toujours selon cette étude, «46% de ces déchets au Luxembourg pourraient être évités». Soit 56 kg par personne et par an. Ces déchets évitables sont les fruits, les légumes, le pain, ou les aliments conditionnés.
Les ménages sont les principaux producteurs de déchets alimentaires. Des campagnes de sensibilisation sont régulièrement effectuées afin de nous faire prendre conscience du gâchis. Le ministère de l'Agriculture a notamment lancé le site antigaspi.lu, une mine de conseils et idées (en luxembourgeois, allemand ou français, selon les articles) pour consommer de façon intelligente et durable. La prise de conscience est récente, les actions aussi.
Après les ménages, ce sont donc les cantines, dans les poubelles desquelles on trouve le plus de déchets alimentaires. Dans la restauration collective (écoles, garderies, hôpitaux, maisons de retraite et restaurants d'entreprises), on estime la production de déchets alimentaires entre 6 et 9.300 tonnes par an, soit environ 11,2 pour cent des déchets alimentaires du pays. Les contraintes d'hygiène y sont importantes, les actions de sensibilisation et de meilleure gestion ont déjà porté leurs fruits.
Sensibiliser les clients
«Il faut distinguer les invendus liés à la surproduction et les déchets que l'on retrouve dans l'assiette du consommateur, ce qui n'a pas été consommé», précise Cécile Gérard-Anderbourg, responsable QHSE (Qualité Hygiène Sécurité Environnement) chez Compass Group. Ce type de restaurants est soumis à des règles d'hygiène très strictes qui obligent à jeter certains aliments.
«Il est nécessaire pour nous de faire une analyse très fine car l'évaluation du gaspillage alimentaire est complexe», nuance Laurence Graff, directrice marketing et communication chez Sodexo. «Cela dépend des sites et de la façon dont on travaille. Plus on utilise de produits frais, plus on aura de déchets d'épluchures notamment.» La façon de consommer n'est pas la même dans les cantines scolaires, les restaurants d'entreprises ou les maisons de retraite. Le jour où l'on sert des brocolis aux enfants, c'est un peu la soupe à la grimace, précise encore Laurence Graff.
La communication envers les consommateurs est primordiale. Car elle va influencer leur comportement à la cantine et, plus largement, dans d'autres circonstances. La quantité de déchets sur assiette pèse lourd dans la balance. Dans les restaurants de Sodexo et de Compass Group, ces déchets sont pesés et le résultat est affiché afin de sensibiliser les clients. Les équipes ont elles aussi été formées pour sensibiliser les convives. Résultat: 26 pour cent de déchets en moins ont été constatés en l'espace de trois ans chez Compass entre 2014 et 2017, selon Adeline Kazek-Merck, responsable marketing du groupe au Luxembourg.
Les invendus liés à la surproduction sont eux aussi pesés et font l'objet d'une gestion minutieuse. Il reste cependant difficile d'anticiper la fréquentation d'un restaurant.
Chez Sodexo, les restes constatés sur les plateaux ont diminué aussi, tout comme la surproduction. «Pour limiter les invendus, les bacs du buffet sont réduits en cours de service s'il est nécessaire de remettre certains aliments en présentation», explique Laurence Graff.
«Nous avons un cahier de production pour adapter les achats selon les statistiques des meilleures ventes, comme le vol-au-vent. Ce qui nous permet d'adapter les quantités achetées», ajoute Cécile Gérard-Anderbourg chez Compass, qui observe une réduction de 40% de la surproduction et des invendus. Une belle économie.
Les exigences du client pèsent aussi dans la balance. Plus le choix de plats chauds est large, plus le risque de gaspillage est élevé. La négociation passe donc encore par la sensibilisation lors de la signature ou de la révision du contrat.
Donner les invendus à une association?
Quant à donner ces invendus à des associations humanitaires, là aussi plusieurs problèmes se posent: «Il existe un problème de responsabilité: si quelqu'un est malade après avoir consommé un de ces plats, qui est responsable, le producteur ou l'association? Comment le plat a-t-il été conservé ou transporté?», souligne Cécile Gérard-Anderbourg. Le constat est le même dans toute la restauration collective: ce n'est pas une question de mauvaise volonté, mais de règles d'hygiène strictes. Un plat chaud doit être conservé à 65°C pour éviter le développement des bactéries. A une température inférieure, les bactéries se multiplient.
Sur les buffets d'entrées, les pinces de service passent bien souvent d'un bac à l'autre et entraînent des contaminations croisées d'aliments auxquels des clients peuvent être allergiques. Concernant les plats chauds, il n'est pas possible d'en faire des ventes à emporter. «Il faudrait pour cela une cellule de refroidissement qui permettrait de refroidir les plats à une température inférieure à 10°C en moins de deux heures», indique Adeline Kazek-Merck, responsable marketing chez Compass. De plus, il faudrait que les organisations humanitaires et sociales concernées soient équipées d'un véhicule frigorifique pour transporter ces denrées. Le jeu n'en vaut pas la chandelle (investissement dans l'appareil, quantité d'aliments aléatoire, temps et coût en énergie de l'appareil).
Rapporter des restes chez soi avec l'Ecobox
Certaines entreprises de restauration collective ont opté pour l'Ecobox, un système proposé par la SuperDrëckskescht en partenariat avec le ministère de l'Environnement. L'Ecobox permet d'emporter les restes de son repas à la maison ou au bureau. Elle peut être fournie avec des couverts lavables. Le système évite ainsi le gaspillage d'aliments et les emballages puisqu'elle est réutilisable.
«Le système ne fonctionne que pour emporter du frais et froid, toujours pour des raisons de sécurité alimentaire», souligne Cécile Gérard-Anderbourg. «Il ne fonctionne pas pour des ventes à emporter pour lesquelles nous allons passer aux emballages compostables en 2019. Et c'est à nos services de laver les Ecobox afin d'éviter tout risque de contamination.» Et, toujours dans le registre des contraintes d'hygiène, c'est le restaurateur qui prend en charge son nettoyage, afin de gérer les déchets.
Recyclage et valorisation des déchets
Fort heureusement, ces déchets alimentaires sont valorisés. Les huiles de friture sont acheminées par des entreprises spécialisées à la SDK (SuperDrëckskescht), et ce depuis les années quatre-vingt-dix. La SDK s'occupe des déchets dits problématiques, qui ne sont pas toxiques, mais difficiles à éliminer. Une partie de ces huiles alimentaires est utilisée pour se chauffer, le reste est acheminé en Autriche ou en Suisse pour être converti en biodiesel. L'écobilan est établi selon différents critères: la qualité du recyclage, la transparence et la qualité de la coopération. «Il existe une raffinerie plus proche géographiquement, en Allemagne. Mais la transparence ne correspond pas à ce que nous souhaitons», explique Thomas Hoffmann, responsable communication de la SDK.
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