Être jeune maman et frontalière, un pari impossible?
Être jeune maman et frontalière, un pari impossible?
Alors que le bilan de la politique de soutien à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, présenté en août dernier, est pour le moins mitigé, le LISER, l'institut de recherche luxembourgeois, s'est penché sur l'impact d'une naissance sur le travail, en comparant hommes et femmes. L'idée principale étant de comprendre pourquoi, après un heureux événement, les femmes sont moins présentes sur le marché du travail que les hommes.
Dans cette étude conjointe avec d'autres institutions internationales, les trois chercheurs du LISER ont expliqué que les femmes assument toujours des responsabilités familiales plus importantes que les hommes. «Comme la naissance d'un enfant accroît les responsabilités familiales, les femmes disposent de moins de temps et certaines d'entre elles veulent arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants», explique l'étude.
Ce n'est toutefois guère une surprise. Ce constat est toujours bien vivace malgré le fait que, selon Eurostat, l'écart entre les sexes dans l'emploi a été réduit de 18,8% en 2002 à 11,3% en 2021 dans les pays de l'Union européenne. «Toutefois, dans le même temps, l'écart entre les sexes dans les emplois éloignés a augmenté de 25%. Étant donné que l'accès à des emplois mieux rémunérés nécessite souvent des trajets domicile-travail plus longs, cette tendance est une source de préoccupation pour l'égalité des sexes», alerte le LISER.
Une analyse sur les habitants du Luxembourg belge
L'étude d'Andrea Albanese, Adrián Nieto et Konstantinos Tatsiramos, les trois chercheurs, a donc analysé si la naissance d'un enfant est directement responsable de l'écart entre les genres dans les emplois éloignés, qui peut se produire en raison des responsabilités plus élevées que les femmes ont tendance à assumer dans le ménage. «En utilisant les données administratives de la sécurité sociale belge, les auteurs ont analysé les trajectoires professionnelles de 86.500 résidents belges qui, entre 2007 et 2017, ont pu avoir leur première naissance alors qu'ils vivaient dans la province de Luxembourg».
En raison de la proximité géographique avec le Luxembourg, les individus de l'étude peuvent accéder à de meilleures opportunités professionnelles en travaillant au-delà de la frontière (au Grand-Duché à tout hasard), ce qui nécessite toutefois de passer beaucoup de temps dans les déplacements quotidiens en raison des bouchons incessants. «Les résultats de l'étude montrent que la naissance d'un enfant génère un écart important entre les sexes en matière d'emploi, qui se concentre dans les emplois non locaux», écrit l'étude.
Comment cela se traduit donc dans les faits? Concrètement, les mères ont tendance à passer moins de temps dans les transports et ainsi à renoncer aux emplois mieux rémunérés au Luxembourg pour rester plus près de leur lieu de résidence. «En outre, les ménages connaissent une réduction substantielle de la probabilité de changer leur arrondissement administratif de résidence, ce qui rend le taux d'emploi des femmes plus vulnérable aux conditions défavorables du marché du travail local».
L'étude montre également qu'après la naissance d'un enfant, les hommes se rendent dans des emplois éloignés s'ils peuvent gagner un salaire plus élevé, tandis que les femmes cessent de travailler dans des emplois éloignés quel que soit leur niveau de salaire. En outre, les hommes continuent à travailler dans des emplois éloignés lorsqu'ils ont un partenaire inactif qui peut s'occuper de la garde des enfants, tandis que la baisse de l'emploi non local des femmes est observée indépendamment du statut professionnel du conjoint.
Bref, étant donné que la distance domicile-travail est importante pour l'impact de la naissance d'un enfant sur l'écart entre les sexes dans l'emploi, cette recherche suggère que les décideurs politiques devraient «tenir compte du rôle de la localisation de l'emploi dans la conception des politiques du marché du travail visant à réduire l'inégalité entre les sexes sur le marché du travail, ainsi que des caractéristiques individuelles, familiales et régionales qui contraignent les mères à quitter un emploi non local après la naissance de leur enfant».
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