En train, en voiture, à moto: quel est le moins galère?
En train, en voiture, à moto: quel est le moins galère?
Par Dominique Nauroy
Frontalier émérite, j'ai testé trois moyens de transport me reliant du domicile au travail, laissant pour l'heure de côté hoverboard, hélicoptère et catapultage. Bilan.
Bertrange... en France ?
J'habite Bertrange. Quand j'annonce fièrement mes ares de carottes, radis, mirabelliers et cucurbitacées, je précise : l'autre Bertrange. La commune se situe de l'autre côté de la frontière, au sud de Thionville, à 40 kilomètres de la rédaction du Luxemburger Wort.
J'ai arpenté l'A31 pendant huit années, dont les premières furent relativement sereines. Pour les quatre dernières, revenu dans le créneau des heures de pointe, c'est une autre histoire.
En voiture
Trajet sans bouchon : 28 minutes, de porte à porte. En heure de pointe, cela n'arrive jamais. L'aller prend une heure, le retour trois quarts d'heure.
Cette moyenne lissée sur l'année – vacances scolaires comprises – tient compte des pièges que mon GPS m'a appris à déjouer et des réseaux secondaires – voire des chemins agricoles – vaillamment empruntés quand l'autoroute n'est plus qu'un indescriptible chaos.
Avantage
- Disposer d'un moyen de transport pendant sa journée de travail, rentrer au moment qu'il convient.
Inconvénients
- Stress, fatigue nerveuse.
- Pollution, produite et subie.
Temps consacré
- 1h45
En moto
En heure de pointe, impossible de trouver plus rapide destrier. La destination est atteinte en 33 minutes, en acceptant de se glisser entre les files.
Avantage
- La certitude d'être à l'heure.
Inconvénients
- Remonter les files est interdit en France, toutefois le procédé est officiellement permis depuis février dans quatre régions françaises – mais pas le Grand Est. Au Luxembourg, un groupe de travail qui planchait sur la question a récemment retenu de ne pas légaliser la pratique.
- L'hiver, même les plus aguerris préféreront éviter.
- Pollution, produite et subie.
- C'est un exercice fatigant, qui oblige à une attention de tous les instants et, parfois, à tutoyer la mort. Dans leur immense majorité, les automobilistes s'évertuent à élargir le couloir en pointillés qu'empruntent les motards, et certaines crampes arrivent sans prévenir à force de remercier une jambe en l'air.
Temps consacré
- 1h06
En train
Le 1er octobre, je me suis adonné aux joies du cadencement vanté par la SNCF. La conscience écolo solidement chevillée au corps, j'ai payé mon abonnement mensuel. Prix du comportement écolo : 85,80 euros. Si l'on met en balance ce Flexway avec le prix de l'essence, l'amortissement de la voiture et l'obligation de pneus hiver au Luxembourg, cet abonnement ne représente en réalité, pour ma part, qu'un investissement de quelques euros supplémentaires.
Mais le vrai test consistait à savoir quel allait être le temps consacré total, de mon domicile à la rédaction du Luxemburger Wort. Et j'additionnais deux handicaps : primo, j'habite à 6,6 kilomètres au sud de la gare de Thionville. Secundo, arrivé à Luxembourg, je dois monter dans un bus pour effectuer les deux kilomètres restant jusqu'à Gasperich.
Temps consacré
- 2h07
Retrouver le plaisir de lire
Comme le montre l'infographie ci-dessous, en moyenne j'ai consacré au quotidien deux heures et sept minutes aux trajets domicile – travail en prenant le train. Mais il serait injuste de placer le train comme lanterne rouge de mon classement car, à deux exceptions près, il m'a été possible de voyager assis, profiter d'une tablette, lire et écrire.
Une heure de mon temps de trajet a pu être consacrée à la lecture d'ouvrages que j'aurais de toute façon dévoré en d'autres occasions. Il est donc honnête de ramener le temps réellement perdu au transport à 1h05 – plus intéressant que la moto. Pourvu, bien entendu, qu'une place assise soit disponible.
La gare de Luxembourg, immuable goulot d'étranglement
Le bilan est plutôt positif. Mais il est clair que les trains qui mettent en moyenne 26 minutes pour revenir à Thionville le soir venu mettent, le matin, dix minutes de plus. L'éternelle pause à proximité du rond-point Gluck et des ateliers Neuhaus a ainsi pris dix-huit minutes le 13 octobre.
Madame, Monsieur, la gare de Luxembourg a visiblement des soucis ce matin.
En fonction des différents trains utilisés (le 07h33, le 07h57 ou le 08h03 au départ de Thionville), le trajet devait prendre en moyenne 28'30". Il a en réalité duré un peu plus de 36', soit un voyage allongé de près de huit minutes.
La construction de deux quais supplémentaires en gare de Luxembourg promet de fluidifier le trafic. Mais pas avant 2020, au minimum. De quoi éviter au contrôleur désabusé ces constats réguliers : « Madame, Monsieur, la gare de Luxembourg a visiblement des soucis ce matin. »
Quelles autres marges de progression ?
Autre maillon faible : le bus. L'app mobiliteit.lu permet de gratter quelques minutes en partant du bureau pile au moment où le prochain bus doit se présenter. En revanche, même avec ladite app, on courra toujours le risque de poireauter dix minutes le matin avant de monter dans un bus. Il est probable que la future gare de Howald fera gagner de précieux instants.
Jouer des coudes ou parier sur le coup de bol
Reste l'autre défi : trouver une place assise. Le matin, seuls les trains qui partent de Thionville en garantissent une. Ceux venant de Metz sont déjà bondés lorsqu'ils approchent des quais. Le soir, il faut croire en sa bonne étoile... et voir les portes de la rame s'ouvrir pile en face de soi. Cette semaine, les usagers ont fait part de leur exaspération devant cette loterie quotidienne, fatigués d'être considérés comme du «bétail».
La petite blague de fin de journée
Jeudi 27 octobre, le 18h27 accuse un retard de 20 minutes. Les voyageurs en souffrance envahissent le quai 9 pour attraper le 18h38. La voie reste déserte. Quelques instants plus tard, un TER entre voie 5, il est censé repartir à 18h43. Une poignée de voyageurs prend l'escalier pour s'y installer, je les suis. La majorité préfère toutefois rester fidèle à un hypothétique 18h38... qui ne viendra pas ; nous les regarderons navrés, au moment où notre TER partira à l'heure prévue.
Fluidifier les réseaux passe aussi par le télétravail
Élargissement de l'A31 et de l'A3, covoiturage, horaires décalés, trains aux capacités multipliées : seule l'addition de ces solutions peut véritablement dessiner un avenir pour des frontaliers en nombre toujours croissant.
Mais quelle est la marge de manœuvre de ces curseurs ? L'A31 à 2x3 voies ne se fera pas avant une dizaine d'années au mieux et le réseau ferré ne pourra éternellement accueillir toujours plus de trains aux rames toujours plus larges.
Reste l'option du télétravail qui, doucement, fait son chemin. Les fonctionnaires de la Commission européenne peuvent, à Luxembourg comme ailleurs, et sous conditions, travailler de chez eux à raison de 60 jours ouvrables par an dans le cadre d'un télétravail circonstanciel, ou jusqu'à 20 heures par semaine dans le cadre d'un télétravail structurel.
