Discriminations au travail: ce qu'il faut savoir
Discriminations au travail: ce qu'il faut savoir
Par définition, la discrimination se caractérise par le «fait de distinguer et de traiter différemment (le plus souvent plus mal) quelqu'un ou un groupe par rapport au reste de la collectivité ou par rapport à une autre personne», d’après ce qu'en dit le Larousse. Par exemple, le sexisme est une discrimination fondée sur le sexe. S’ajoutent à cet exemple les discriminations afférentes à l’orientation sexuelle, les opinions religieuses ou politiques, les discriminations raciales, relatives à l'âge, la situation familiale ou encore matrimoniale.
Trois experts sont intervenus sur cette thématique au cours de la conférence du Jeune Barreau de Luxembourg, à savoir, Fideline Wampach, titulaire d’un Master 2 en droit et contentieux de l’Union européenne et membre de l’asbl Lëtz Rise Up, Patrick Hurst, président du Centre pour l’Égalité de Traitement (CET), et Me Karim Sorel, avocat à la Cour.
Au Luxembourg, l’ensemble des lois internationales et européennes en vigueur en la matière ont été transposées dans le droit national, mais au contraire de ses voisins, notamment la France, le Grand-Duché ne s’est pas pleinement approprié ces lois.
Ainsi, pour la discrimination en matière de travail et d’emploi, il n’y a pas de principe d’égalité générale comme en France. Au contraire du droit européen «foisonnant» en jurisprudences sur des questions préjudicielles, le droit luxembourgeois est beaucoup moins fourni… A toutes fins utiles, il existe quelques points à connaître lorsque l’on s’estime victime de discrimination au travail.
Prévenir son employeur
Selon Me Karim Sorel, il est absolument primordial avant d’engager toute procédure légale, que la personne qui s'estime discriminée prévienne les délégués de l’égalité, les représentants du personnel et le comité mixte s’il y en a. Le Centre pour l'égalité de traitement et l'Inspection du travail et des mines (ITM) peuvent également être sollicités.
Il est important de garder à l’esprit qu'une discrimination peut être autant horizontale que verticale en entreprise. Donc l’employeur n’est pas toujours forcément au courant de ce que peuvent vivre ses employés. Ce dernier a toutefois le devoir légal du respect du droit à la santé de ses salariés, pour cela, il a donc le droit de savoir s’il y a des reproches faits avant toute action en justice.
Ceci étant posé, toute personne doit savoir qu’elle bénéficie de la preuve allégée, c’est-à-dire que le législateur n’a pas besoin de preuve parfaite pour prendre en compte le litige: l’employé a simplement besoin d’établir des faits qui font présumer qu’il y a eu ou qu’il y a discrimination. La simple présomption suffit à faire en sorte que l’employeur doive ensuite démontrer qu’il n’y a pas discrimination. Ou le cas échéant, s'il y en a une, justifier du fait qu'elle soit légitime...
Bémol sur le harcèlement moral
Attention toutefois en ce qui concerne le harcèlement moral: au contraire du harcèlement sexuel qui est assimilé à la discrimination car fondé sur le sexe de la personne victime, ce n’est pas d'emblée une cause de discrimination au regard de la loi luxembourgeoise.
Pour que ça le soit, il faut réussir à établir que ce harcèlement est corrélé à un argument de discrimination, par exemple sur la couleur de peau. Là et seulement là, on retombe dans le cadre d'un litige discriminant et sur le principe de la preuve allégée.
L’importance de récolter des preuves
Autre point important à considérer pour Me Sorel: il est plus facile de récolter des preuves quand on est salarié que quand on ne l’est plus, notamment auprès des collègues qui pourraient en être témoins.
Pour ces derniers, il y a deux cas de figure envisageables: il peut y avoir des déclarations testimoniales spontanées, apparentées à une prise de position franche ou les convocations au tribunal. Pour le premier type de preuves, chacun doit savoir qu’il est protégé par la loi: on ne peut être licencié sur motif de témoignage en représailles. Si cela se produit, la personne peut obtenir la nullité du licenciement qui serait alors abusif.
Dans le cas des convocations au tribunal, elles rassurent la plupart des gens car on ne peut refuser celles-ci, sous peine d’amende. En prêtant serment, on s'engage d'ailleurs à ne pas trahir la vérité. L’approche psychologique est fondamentalement différente.
Au-delà de tout ceci, toute trace écrite, email ou sms faisant état de discrimination sont à conserver et peuvent bien évidemment s'ajouter au reste des preuves.
Le verdict final ne sera peut-être pas celui espéré
Dernier point, le résultat ne sera pas toujours celui escompté, même si tout porte à croire que toutes les chances sont de votre côté. Me Sorel a illustré cette réalité par un cas concret ayant eu lieu au Luxembourg en 2021.
Une plaignante est allée au tribunal contre son employeur sur un postulat accablant: un mail de son employeur à l'adresse d'un client établissait clairement le fait qu'elle ne soit pas encore passée manager en raison d'un congé maternité.
D'abord déclaré coupable pour discrimination envers la plaignante, l'appel disculpera l'employeur, car ce dernier aurait justifié ses propos de la façon suivante: si le statut de senior et non de manager était mis en avant dans le mail écrit au client, c'était pour vanter le fait que le service proposé était moins cher, du fait précis que la plaignante n'était pas manager... A laisser à l'appréciation de chacun...
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