Digibus, pas d'âge pour se mettre à la page
Digibus, pas d'âge pour se mettre à la page
Avec sa chevelure grise frisottante, ses lunettes cerclées de métal et son t-shirt vert orné de cassettes audio datées «1986», Lucien a des (vrais?) airs de baba cool. Une chose est sûre, il n'est pas né avec un smartphone dans la main. Rien de surprenant à le voir donc ce mercredi, place de l'Hôtel de ville de Hesperange, au pied du Digibus. «D'habitude, confie le sexagénaire, j'arrive à faire ce que je veux, mais là, ça concernait le portable de ma femme et j'étais inquiet...»
Lucien correspond au cœur de cible de l'initiative de Gero. Cette association, dont l'ambition est de «rester à la pointe des connaissances sur le thème du vieillissement», propose de venir se familiariser au numérique dans le cadre d'une tournée à travers tout le pays. Entamée donc ce 18 mai, celle-ci devrait compter une trentaine de dates jusque septembre.
Directeur de l'association, Alain Brever explique les raisons de cette initiative : «L'an passé, nous étions à la recherche d'une nouvelle idée. Alors, nous avons effectué une grande enquête téléphonique auprès de 386 membres sur la question du numérique. Il en est ressorti qu'une grande majorité n'utilisait pas ou peu cet outil. D'ailleurs, un quart nous a affirmé préférer recevoir notre documentation par courrier...» Et pour cause, 84% des personnes interrogées affirmaient ne pas avoir d'adresse e-mail.
Moi, je ne touche pas à ça. C'est Fernand qui s'en occupe
Marianne (79 ans)
Guère surprenante, la statistique est révélatrice d'un chantier pour le moins prioritaire : lutter contre la fracture digitale. Cofondateur de Computerhouse, société basée à Bettembourg et partenaire de l'événement, Patrick Schmit rappelle que «de nos jours, la plupart des démarches administratives se font en ligne». Une réalité qu'une partie de la population préfère ignorer. Mais pas forcément pour les mêmes raisons...
Si 57,9% des personnes interrogées déclarent ne pas avoir besoin d'adresse mail, près d'un tiers (28,3%) estiment manquer soit de connaissances suffisantes en informatique (20,8%); soit ne pas avoir suffisamment confiance en elles pour y remédier (7,5%). Marianne (79 ans) est de celles-ci. «Moi je ne touche pas à ça. C'est Fernand qui s'en occupe.» Fernand, c'est son mari. La moustache florissante, ce dernier acquiesce : «C'est normal, avant je travaillais à l'ARBED, j'utilisais déjà les ordinateurs...»
Quand on gratte un peu, on s'aperçoit bien souvent qu'ils l'utilisent par le biais de leurs enfants...
Alain Brever (directeur de l'association GERO)
Pour l'heure, difficile d'établir vraiment une liste précise des demandes. «Ça peut aller de l'exportation de photos prises par son téléphone vers l'ordinateur, à l'utilisation de Google Maps en passant par une réinitialisation du compte Facebook», confie Patrick Schmit. Qu'en est-il également de la sécurité? «Les gens de cet âge n'ont absolument aucune idée des risques encourus sur internet. Alors, on leur installe un anti-virus, etc.»
Le risque, c'est par exemple de tout perdre. Lucien pensait que ses données s'étaient envolées lorsqu'il égara, il y a peu, son téléphone portable. «C'est un Androïd et je ne savais pas comment les récupérer via Google. Bon, j'y suis finalement arrivé grâce à mon fils qui habite à Berlin...» Ce témoignage fait sourire Alain Brever, diplômé en gérontologie. «Parfois, les gens nous disent ''Oui oui, je sais utiliser Internet'', mais quand on gratte un peu, on s'aperçoit bien souvent qu'ils l'utilisent par le biais de leurs enfants...»
Au fond, le programme Digibus permet aux seniors de s'émanciper d'une autre forme de dépendance.
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