Des témoignages voués à entrer dans l'histoire
Des témoignages voués à entrer dans l'histoire
«C'est à la fois un témoignage pour les générations futures, mais aussi une forme de thérapie pour aujourd'hui.» C'est ainsi que Christoph Brüll, professeur d'histoire sur le campus de Belval, décrit le projet covidmemory.lu voué à détailler la manière dont le covid-19 a changé la vie au Grand-Duché. Pour ce faire, la douzaine d'historiens du Centre d'histoire contemporaine et digitale (C2DH) souhaitent compiler photos, vidéos, récits et témoignages liés à la crise sanitaire.
D'où vient l'idée de créer une plateforme de collecte des données sur le covid-19?
Dr Christoph Brüll - «L'idée originelle appartient à un de nos collègues, Sean Takats, qui a rejoint le C2DH depuis octobre dernier. En tant qu'Américain, il a déjà travaillé sur des événements marquants, tels les attentats du 11-Septembre, en 2001 ou encore lors de l'ouragan Katrina en 2005. Pour notre projet, plusieurs dimensions existent. La première vise à documenter l'événement de manière directe, avec une forme de thérapie qui n'est pas à passer sous silence car elle est importante. La deuxième est de servir de base à un travail plus spécifiquement d'historien.
A qui s'adresse votre plateforme?
«Aux personnes qui vivent au Luxembourg, mais aussi à celles qui y travaillent, car la problématique des frontaliers est importante. Je dois même avouer que la majorité des personnes derrière ce projet le sont. Qu'elles habitent en Allemagne, en Belgique, et même à Paris.
Tous les supports sont-ils acceptés sur votre plateforme?
«Bien entendu, de la poésie à la vidéo, même si certains sont plus difficile à montrer. Mais, avec un peu de temps, nous trouvons toujours les solutions techniques pour les faire paraître. Le champ est vaste puisque tous les contenus liés au covid-19 nous intéressent, des communications officielles des autorités à l'organisation du télétravail ou encore à des avis thérapeutiques.
A ce jour, la plateforme est disponible en allemand, français et anglais, mais nous pouvons aussi bien recueillir des documents en luxembourgeois, portugais, italien ou autres. Nous ne nous interdisons rien et nous avons, à ce jour, récolté environ 70 documents.
Quand allez-vous commencer à travailler sur la matière brute?
«En réalité, nous avons déjà commencé. Et peut-être que nous allons lancer des mini expositions dès la fin de cette semaine. Nous allons aussi peut-être pouvoir en donner une première interprétation. Mais il est évident que le gros travail d'analyse se fera par après. Quant à la fin du fonctionnement du site, elle deviendra effective quand les gens arrêteront d'y contribuer.
Un mois après le début du confinement, avez-vous déjà déterminé les grands thèmes de votre étude?
«Ils ne sont pas très surprenants et ont trait évidemment en premier lieu à la modification de notre quotidien, sous toutes ses dimensions. Que ce soit au sein de la famille, mais aussi de l'organisation du travail ou de l'enseignement à distance avec notamment le rôle des parents. La dimension sanitaire sous toutes ses formes évidemment ainsi que la représentation sociale de la pandémie. Autrement dit, la manière dont les gens voient cette crise sanitaire. Une autre question, peut-être plus intellectuelle, mérite aussi d'être posée: celle de la restriction des libertés.
Est-il d'ores et déjà possible de dire si cette pandémie possède une particularité par rapport à ses devancières?
«Le confinement à échelle massive - et à travers le monde - n'était pas la règle jusqu'à présent. Il y a bien entendu aussi toute la communication qui va avec puisque le monde numérique n'existait pas. Mais il y a aussi beaucoup de ressemblance, notamment dans le vocabulaire. Le virus est toujours un «intrus», quelque chose qui vient de l'extérieur, alors que du point de vue scientifique c'est quelque chose de «naturel». D'autre part, le débat santé vs économie a toujours existé.
Qu'est-ce qui va changer, selon vous, à l'issue de cette crise sanitaire?
«Les historiens sont très mauvais en termes de prédictions... Mais force est de constater que ce qu'on nous faisait miroiter - comme l'enseignement à distance ou encore le télétravail - est devenu aujourd'hui une réalité. Et ce, en très peu de temps. En tant qu'historien spécialiste des frontières, j'observe que ces dernières ont recouvré une importance qu'elles n'avaient peut-être plus. Notamment avec l'Allemagne. Cette question sera immanquablement matière à débat.»
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