Des banquiers plutôt rassurés
Des banquiers plutôt rassurés
Qu'il semble loin le temps des prises de position tapageuses des banquiers luxembourgeois. Les coups de gueule d'Ernst Wilhelm Contzen et les sempiternelles lamentations de Jean-Jacques Rommes, sur l'indexation des salaires notamment, ont laissé place au ton décidément plus modéré du président, Yves Maas, et du CEO, Serge de Cillia.
Il faut dire que l'ABBL (Association des banques et banquiers, Luxembourg) a convoqué ce vendredi la presse dans un climat plutôt favorable. Pas de convention collective à négocier, zones de turbulences réglementaires a priori derrière et passage à la transparence digéré. L'association patronale, à l'image de ses banques membres et de leur clientèle, a changé.
La clientèle radicalement différente
Alors qu'en 2003, moins d'un quart des dépôts provenaient de résidents, contre 55% venant de la zone euro, les proportions étaient inversées fin 2014. 50% du liquide placé dans les coffres des banques appartenait à des clients locaux, seulement 29% à des non-résidents des pays voisins.
Avec le passage progressif à l'échange automatique d'informations fiscales (et donc bancaires) la banque privée, celle destinée à la clientèle aisée, est le pilier sur lequel repose principalement la place luxembourgeoise. Les segments de clientèle les plus aisés pèsent de plus en plus dans le volume total. Pour se donner une idée, aujourd'hui, le pourcent de la clientèle la plus riche concentre 47% de la valeur totale des actifs présents dans les banques luxembourgeoises.
Une somme des bilans stabilisés
Dans l'ensemble, les revenus des banques ne semblent plus sous pression outre mesure. La somme des bilans a trouvé un niveau d'équilibre autour de 730 milliards d'euros sur les trois dernières années, après avoir plafonné à 928 milliards fin 2008. Avec ce volume d'activité, les modèles d'affaires se stabilisent et le résultat net progresse. Depuis le plus bas de 2011 à 2,5 milliards d'euros de bénéfice (exception faite des 218 millions de 2008), les profits progressent. Ils ont augmenté de 14,8% en 2014 par rapport en 2013, passant de 3.631 millions d'euros à 4.169. Dans un environnement de taux peu propice, les marges d'intérêts continuent de chuter, passant de 5,09 milliards à 5. Mais la hausse des revenus de commissions, liée à cette fois un environnement de marché favorable, vient contrebalancer les marges sur les intérêts déclinantes. Entre 2012 et 2014, les revenus de commission sont passés de 3.727 millions d'euros à 4.072 millions.
Les consolidations et les externalisations de projets semblent ainsi porter leurs fruits. «Nous sommes en quelque sorte rentrés dans le cycle de l'industrialisation» a témoigné Yves Maas. Les frais administratifs et de personnel déclinent sensiblement de 2013 à 2014 passant pour les premiers de 2,5 milliards à 2,4 milliards, et pour les seconds de 2,745 à 2,623.
792 millions d'impôts
Mécaniquement, la contribution des banques aux recettes fiscales augmente puisqu'elle passe de 762 millions d'euros à 792 millions. Elle augmentera d'ailleurs encore plus quand les banques de Precision Capital, la BIL et KBL, ne seront plus assises sur un matelas d'actifs différés d'impôts. De 300 millions d'euros pour la première (soit quelques années de bénéfices confortables exemptés). Mais les établissements de crédit continuent surtout de peser par l'emploi. S'il continue de décliner depuis 2011, il s'établit tout de même à 25.785 personnes fin 2014 (contre 26.237 en 2013). La place financière dans son ensemble emploie autour de 44.000 personnes depuis trois ans maintenant.
Les banquiers luxembourgeois regardent donc l'avenir avec une certaine sérénité. S'ils continuent de se plaindre du coût réglementaire provenant principalement de Bruxelles, estimé autour de 400 millions d'euros, ils se sont faits à l'idée de la transparence, estimant même qu'elle les a «aidés»... en opposition au «système pas tout à fait transparent» précédemment.
Pierre Sorlut
