Des arbres déjà parés des couleurs de l'automne
Des arbres déjà parés des couleurs de l'automne
En juillet déjà, la capitale française vivait ce que les experts sylvicoles appellent «un automne anticipé», causé par les vagues de chaleur à répétition survenues tout au long du mois et à la sécheresse.
À Paris, les platanes et les marronniers, sont en effet les premiers feuillus à avoir perdu leurs feuilles bien avant la rentrée. Au Luxembourg, le constat est similaire, que ce soit dans les villes ou dans les forêts.
Interrogée sur le sujet, Martine Neuberg, cheffe du service des forêts pour le ministère de l'Environnement, du Climat et du Développement durable, affirme qu'il est «clair que cet été a eu un impact sur les arbres. C'est le cas notamment dans l’Ardenne dans le coin de Kiischpelt et de Wilwerwiltz où c'est déjà l'automne. C'est vraiment gris rouge, les arbres n'ont pas eu assez d'eau et en réaction ils laissent tomber leurs feuilles».
Des observations inquiétantes
Un phénomène qui n'a rien de fortuit, puisqu'il s'agit «d'une protection des arbres pour qu'ils ne transpirent plus et ne laissent pas évaporer de l'eau». Comprenons donc que lorsque «les arbres ne peuvent pas récupérer assez d'eau depuis la terre, ils font tout pour laisser tomber leurs feuilles pour ne pas continuer à perdre de l'eau par leur transpiration végétale. Ce n'est pas normal, d'habitude les feuilles tombent fin septembre ou au mois d'octobre, pas maintenant. Le marronnier d'Inde par exemple se porte très mal cette année!»
Que cet état de fait ne soit pas si naturel et habituel est également partagé par Eike Jablonski, professeur au Lycée technique agricole (LTA) et spécialiste de l'observation à long terme d'espèces d'arbres en Europe centrale, avec un accent particulier sur les paramètres du sol et les facteurs climatiques (températures minimales, précipitations).
Les arbres réagissent différemment selon les espèces, mais il est clair qu'ils sont en état de stress.
Eike Jablonski, professeur au Lycée technique agricole
«Les arbres réagissent différemment selon les espèces, mais il est clair qu'ils sont en état de stress. Cela peut entraîner des dommages permanents si l'eau n'est pas renouvelée. Dans les villes, on est conscient de ce problème et on donne plus d'eau quand c'est possible.» La cheffe du service des forêts précise d'ailleurs qu'«on ne peut pas empêcher un arbre malade de ne pas mourir. Avec la sécheresse, ce n'est pratiquement pas possible non plus d'arroser. Les grands arbres ont besoin de tellement d'eau qu'arroser n'est qu'une goutte dans l'océan, ça ne résout pas tout».
Des solutions à envisager au plus vite pour l'avenir
L'eau n'est en effet qu'une partie de la solution, et à «court terme» qui plus est selon le professeur du LTA. Pour assurer la bonne santé des arbres, il convient de penser à «la protection des troncs par des peintures spéciales, mais aussi à la réduction de la surface d'évaporation (comprenez les feuillages) par des mesures de taillages spécifiques».
À moyen terme, l'expert ajoute également qu'il faudra bien veiller à la qualité des sols où sont plantés les arbres, afin qu'ils offrent suffisamment d'espace de stockage pour l'eau de pluie sur une longue période.
Actuellement, les experts constatent à nouveau des «coups de soleil» sur l'écorce de certains arbres suite à la tombée des feuilles, une cause directement liée au réchauffement climatique pouvant rendre les arbres vulnérables à certains parasites et maladies. «Ces symptômes sont apparus pour la première fois en 2018 et en 2020 à grande échelle, et sont à présent visibles de manière extrême. À partir de 35 degrés et plus, les feuilles 'cuisent' et meurent. Sans compter les dommages causés par l'ozone et d'autres polluants», déplore Eike Jablonski.
Une intervention humaine nécessaire
Un inventaire est réalisé chaque année concernant l'état des arbres. Martine Neuberg expose ainsi que lorsqu'il est constaté que certaines espèces «sont en train de mourir», il ne reste plus grand-chose à faire, hormis voir «comment traiter les forêts pour qu'elles ne soient pas davantage endommagées ou de planter des types d'arbres différents qui sont plus adaptés à la terre».
Le professeur du LTA assure que les experts locaux recherchent «depuis quelques années déjà de telles espèces d'arbres, et qu'il en existe quelques-unes qui supportent mieux le climat sec et chaud tel que nous le vivons aujourd'hui et qui pourrait bien devenir la norme...»
Des arbres qui proviendraient donc de régions où le temps «est tel que nous l'avons actuellement ici». Martine Neuberg cite à ce propos l'exemple de l'Allemagne où «les villes ont une liste d'arbres à planter plus adaptés au changement climatique, ils viennent souvent de la région de l'Europe du Sud-Est comme la Bulgarie ou encore la Turquie et la Géorgie, ainsi que d'Amérique et des pays asiatiques.» Cependant, «il faut aussi faire attention à ce que ces arbres ne gèlent pas pendant l'hiver».
Les villes sont également concernées
Côté ville, il convient surtout de réaliser l'importance de la prise en considération de la configuration des sites en zone urbaine et de la qualité du sol comme le rappelle le professeur du LTA. «C'est extrêmement important, car les arbres fournissent de très nombreuses fonctions importantes en ville: production d'oxygène, filtrage des poussières fines, augmentation de l'humidité de l'air, effet d'ombre (de plus en plus important, il fait jusqu'à 5 degrés de moins sous un arbre).»
Selon lui, il faudrait aussi «créer beaucoup plus de places de parking grâce à de grands arbres», taillés de façon à offrir une plus grande ombre et donc une meilleure protection pour les véhicules sur lesquels le soleil cogne. Quant à la question de l'introduction d'espèces non indigènes et ses conséquences dans les années à venir, Eike Jablonski assure que le LTA «possède une grande collection d'arbres à Ettelbruck, dans laquelle de nombreuses espèces d'arbres sont observées depuis 20 ans».
Un espace qui est donc très important pour le Luxembourg, puisqu'il sera possible de «tester des espèces d'arbres qui ne sont pas encore connues ici ou qui le sont à peine. J'espère que l'importance de ce site sera mieux reconnue à l'avenir».
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