Démonstration de force réussie
Démonstration de force réussie
Les mots n'étaient pas inscrits dans son discours. Mais, face à une salle du Parc Hôtel Alvisse comble, ce mardi soir, André Roeltgen n'a pu que s'enthousiasmer : «Près de 2.000 personnes: cela dépasse tous nos espoirs!» Et le président de l'OGBL de relayer par ces mots la satisfaction des coorganisateurs de cette grande manifestation, la CGFP et le LCGB. Si l'Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) voulait mesurer la force de son «adversaire», la voilà prévenue. Ces trois-là restent puissants quand il s'agit de défendre «le dialogue social à la luxembourgeoise».
Car, le 18 septembre dernier, en quittant la tripartite (Etat, syndicats, patronat), l'UEL a clairement fait savoir qu'elle remettait en cause les modalités même de la concertation en place depuis 40 ans. De quoi piquer au vif les trois syndicats et leurs militants qui ont réussi, ce 19 novembre, une belle démonstration de force. «L'attaque scandaleuse du patronat», évoquée par André Roeltgen, aura uni les trois formations, et même au-delà puisque l'assistance était également composée de représentants de l'ALEBA et du syndicat cheminot Landesverband-FNCTTEL.
Alors à la tribune, chacun s'enflamme contre l'organisation patronale et son président, Nicolas Buck. «Quelqu'un qui ne veut pas négocier n'est pas un partenaire mais un adversaire social», dixit André Roeltgen. «Est-ce que toutes les entreprises du pays apprécient la prise de position de leur représentant qui doute de la qualité du dialogue social qui a apporté la prospérité au pays», interroge Romain Wolff pour la CGFP.
Et Patrick Dury, du LCGB, de retourner l'argument de l'UEL au visage de celui qui l'a lancé: «En disant que depuis 40 ans, le modèle social n'a rien produit de bon, M. Buck renie tout le travail de ses prédécesseurs, MM. Kinsch, Wurth et Rommes».
Mais si le patronat a les oreilles qui sifflent sous les attaques des orateurs et les applaudissements de la foule, il n'est pas le seul visé par les colères. Les attentes portent aussi sur le troisième acteur de la tripartite : le gouvernement. Car c'est bien trop timidement, aux yeux des syndicats, que le ministre du travail Dan Kersch (LSAP) ou le Premier ministre Xavier Bettel (DP) ont signifié leur opposition à l'attitude de l'Union des entreprises.
Certes, le 2 décembre, une nouvelle réunion du Comité permanent du travail et de l'emploi est convoquée. Mais un peu plus de fermeté de ton des deux nommés aurait été appréciée. «Le gouvernement doit fournir des preuves de sa volonté de dynamiser le dialogue social, comme il l'a annoncé dans l'accord de coalition. Le faire avec une réaction claire et nette qui mette un terme à l'affront de l'UEL», peste Romain Wolff. A charge pour Patrick Dury d'enfoncer le clou: «Si le gouvernement ne fait rien, il deviendra complice du vandalisme social de l'UEL».
Un rappel haut et fort
Et le représentant du LCGB d'y aller de sa litanie de réformes demandées. Chacune soulevant l'enthousiasme syndical retrouvé: nouveau cadre législatif pour le télétravail, directives claires sur la protection de la vie privée (vidéosurveillance, géolocalisation), amélioration de la loi sur le reclassement, droit à une formation continue en fonction de son temps de travail, meilleure prévention des risques professionnels sur la santé des salariés, redéfinition du contrôle médical, simplification du droit de grève, réduction du temps de travail...
L'Union des entreprises ne voulait «plus négocier mais juste dialoguer». Le gouvernement tournait la tête ailleurs. OGBL, LCGB et CGFP sont venus leur rappeler haut et fort, mardi soir, qu'il restait bien des points à clarifier. «Nos droits à la négociation, nous ne les abandonnerons devant personne!»
