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Débat sur la mobilité: à la frontière, rien de nouveau
Luxembourg 6 min. 11.09.2018 Cet article est archivé

Débat sur la mobilité: à la frontière, rien de nouveau

Entre covoiturage, multimodalité et télétravail, la solution de mobilité la plus concrète pour les frontaliers semble être le projet de construction d'une nouvelle autoroute, qui progresse lentement.

Débat sur la mobilité: à la frontière, rien de nouveau

Entre covoiturage, multimodalité et télétravail, la solution de mobilité la plus concrète pour les frontaliers semble être le projet de construction d'une nouvelle autoroute, qui progresse lentement.
Photo: Maurice Fick
Luxembourg 6 min. 11.09.2018 Cet article est archivé

Débat sur la mobilité: à la frontière, rien de nouveau

Tram, funiculaire, etc... malgré les nombreuses nouveautés pour la mobilité au sein de la capitale, les frontaliers français continuent à trépigner à la frontière, dans leurs voitures ou le train. Les discours politiques à ce sujet, quant à eux, se suivent et se ressemblent, et le projet d'autoroute fait son chemin.

Par Jean Vayssières

«Le nombre de travailleurs frontaliers augmente plus vite que celui des résidents depuis quelques années, et la majorité d'entre eux sont français». Ce sont les mots de Vincent Hein, économiste à la Fondation IDEA et modérateur d'un débat intitulé «Grande Région ou Grand Luxembourg ? Les nouvelles frontières de la croissance», organisé le 11 septembre dernier, qui fut franchement avare en nouveautés. 

«La plus grosse erreur du Luxembourg a été de ne pas anticiper»


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Selon les chiffres de la fondation, appuyée par le Statec, le Luxembourg devrait atteindre le million d'habitants aux alentours de 2060. À cette date, le nombre de travailleurs frontaliers devrait être de 350.000, soit 35% de personnes, en comparaison avec la population totale. À l'heure actuelle, quasiment 100.000 frontaliers français franchissent la frontière chaque jour, soit 5.000 de plus qu'il y a deux ans. 

La situation transfrontalière entre le Luxembourg et la France est loin d'être optimale, en témoignent les protestations quotidiennes des frontaliers ou encore la décision de certains de changer de vie pour adopter un rythme moins harassant. «La plus grosse erreur du Luxembourg a été de ne pas anticiper la dynamique créée dans les années 80», a résumé François Bausch, ministre du Développement durable et des Infrastructures, revenant sur l'origine de ces troubles. 

«La sidérurgie a commencé à réduire ses effectifs et le gouvernement, craignant la désindustrialisation, a tenu à attirer des entreprises de remplacement, ce qui a concentré les emplois sur la capitale. Le Luxembourg n'a développé aucune politique d'aménagement du territoire avant la fin des années 90», rappelle le ministre. «Dans 30 ou 40 ans, vous pourrez oublier tout le fonctionnement des transports d'aujourd'hui, qui sont très mal organisés. Certaines technologies, comme la conduite autonome, permettront de mieux organiser le réseau routier». 


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Selon Christian Eckert, ancien député de Meurthe-et-Moselle et secrétaire d'État du budget dans les gouvernements Valls et Cazeneuve, le manque de vision d'avenir s'est également manifesté de l'autre côté de la frontière. «C'était une erreur de penser que le phénomène frontalier allait baisser», confesse-t-il. «Nous aurions dû prévoir ces problèmes plus tôt et agir en conséquence». 

Mais la France, selon cet ancien conseiller régional de Lorraine, n'est pas exempte d'autres défauts. «Elle est incapable de s'accorder sur des priorités», annonce-t-il, citant l'engorgement de l'A31 et du contournement d'Audun-le-Tiche. «Il y a des soucis de priorisations et de tracés, ainsi que des problèmes d'argent, qui existent également au Luxembourg dans une moindre mesure». 

Covoiturage et multimodalité: toujours le même refrain 

Interrogés par des membres du public et par le Wort FR à ce sujet, les représentants de la mobilité transfrontalière n'ont pas apporté de réponses fraîches et se sont reposés sur un discours attendu, qui n'a guère évolué ces dernières années. 

Côté Luxembourg, François Bausch, pourtant en pleine campagne pour les législatives d'octobre, a insisté sur l'importance de comptabiliser les personnes et non les voitures, recyclant son discours habituel. Il a par exemple remémoré le chiffre de «1,2 personnes seulement par voiture en moyenne» sur l'A31. 

La solution: promouvoir le covoiturage, grâce à la nouvelle interface «CoPilote» par exemple, qui a pour objectif de remplir une voiture sur deux avec au moins deux personnes d'ici 2025. L'élargissement de l'A3 avec une voie supplémentaire a également été abordé; cette dernière pourrait accueillir un portail, qui donnerait la priorité aux bus.


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Le ministre déi gréng a également insisté sur l'importance de la multimodalité, surfant sur la semaine de la mobilité annoncée par lui-même la veille, le 10 septembre, et dont le thème de l'année est justement la multitude des moyens de transport. «La multimodalité est plus à même de résoudre les problèmes que l'investissement dans un seul moyen de transport», a-t-il rappelé dans un argumentaire rappelant ses propos récents. 

Christian Eckert, quant à lui, s'est reposé sur des lieux communs. «La question est complexe», a-t-il précisé à juste titre. «Il faut agir sur tous les leviers disponibles en même temps: le rail, la multimodalité... mais également au sein des entreprises, avec la flexibilité des horaires ou le télétravail». 

Qu'en est-il, justement, du télétravail ? Michèle Detaille, vice-présidente de la Fédération Entrepreneuriale Multisectorielle Luxembourgeoise (FEDIL) et administratrice du groupe ALIPA, n'est pas convaincue par cette solution. 

«Le télétravail nécessite de très bonnes conditions pour fonctionner», explique-t-elle. «Or, tout le monde n'a pas la place nécessaire pour réserver une pièce entière à cet effet. De plus, il limite les relations avec les collègues, qui sont importantes. Difficile d'imaginer la mise en place efficace d'un télétravail plus d'un ou deux jours par semaine».   

Une nouvelle autoroute envisageable dans la décennie ?


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Concernant les mesures concrètes, Christian Eckert estime qu'«il faut adapter les infrastructures, et la France n'est pas la meilleure en la matière». Reste un projet qui dure: celui d'une seconde autoroute, qui pourrait décongestionner l'A31. 

Selon l'Institut de la Grande Région (IGR), rencontré en février 2018, le chantier devrait coûter un milliard et demi, auquel il manquait à l'époque 700 millions. Selon Guy Keckhut, responsable communication à l'IGR, «il faut décider, avancer, faire des choix. On ne peut pas rester dans cette situation». 

Mais la construction d'une autoroute ne se fait pas en un jour, et «les politiques en sont conscients. Ils ont des pressions, des responsabilités». L'avancement du projet ne demeure pas au point mort pour autant: la construction a été approuvée par le gouvernement français il y a deux ans. Selon les informations de France Bleu Lorraine, le préfet de la région Grand-Est, Jean-Luc Marx, a effectivement validé quatre tracés au mois de juillet de cette année


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Des informations confirmées par Christian Eckert, qui annonce que «plusieurs tracés ont été étudiés, et l'un d'entre eux pourrait correspondre. Il n'est pas impossible d'imaginer la construction d'une autoroute dans la décennie». Une A31 bis dans la décennie à venir ? Malgré l'avancement du projet, ces propos restent à prendre avec des pincettes ; il semble qu'il faille laisser le temps au temps. 

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