De lourds dossiers sur les plateaux de la justice
De lourds dossiers sur les plateaux de la justice
(pj avec Danielle SCHUMACHER) «Une justice indépendante, disposant des ressources légales, en personnel et en infrastructures, est essentielle pour la consolidation de l’Etat de droit.» Voilà ce qui est inscrit en introduction du chapitre Justice de l'accord de coalition de 2018. Avec, un peu plus loin, quelques lignes sur le Conseil national de la magistrature, organisme devant cimenter cette indépendance. Mais sur ce point, la ministre de la Justice Sam Tanson (Déi Gréng) a les mains liées pour l'instant.
En effet, la réforme du Conseil national de la magistrature se doit d'être inscrite dans la Constitution en cours de révision. Et ce texte n'est pas encore tout à fait finalisé. Alors même si déjà en son temps, le prédécesseur de Sam Tanson (Félix Braz) avait déposé une proposition de loi en juin 2018, la patience va encore s'imposer sur ce dossier.
Mais depuis son arrivée, Sam Tanson a marqué des points sur le terrain de l'indépendance de la justice. L'indépendance des parquets constitue ainsi un axe salué de sa politique. Même l'opposition a fait machine arrière. A l'exemple du CSV qui insistait pour que le ministère continue à émettre des directives et, aujourd'hui, rejoint l'idée de limiter les interventions de l'autorité gouvernementale aux seules grandes lignes des poursuites pénales et non dans le fonctionnement plus quotidien des magistrats.
Moins de papiers, plus de personnels
Le projet paperless justice et l'augmentation des effectifs au sein des différentes juridictions figurent aussi parmi les axes défendus par Sam Tanson. Concernant la digitalisation du système judiciaire, il reste encore beaucoup à faire, idem pour l'importance des ressources humaines. Certes, de nombreux juges ont été recrutés ces dernières années mais le problème du personnel reste aigu, notamment en raison du nombre croissant de litiges et de leur complexité.
Une des pierres d'achoppement dans le recrutement de nouveaux magistrats est l'exigence de la nationalité luxembourgeoise. Cette contrainte limite de fait le champ des candidats possibles. Il y a toutefois une lueur d'espoir sur ce point.
Ainsi, le 27 juillet, la ministre Tanson a présenté un projet de loi sur le recrutement des magistrats stagiaires. Ceux-ci n'auraient pas à se plier à la barrière de la nationalité. Ces renforts, appelés à travailler aux côtés des juges et les soulager, pourraient donc être recrutés plus facilement que par le passé.
Au ministère de la Justice, on espère également que certains ajustements procéduraux actés ces derniers mois permettront de rendre le travail de la justice plus efficace, et soulageront les tribunaux. Par exemple, la valeur maximale des dommages pour la compétence des tribunaux de paix a été portée à 15.000 euros (contre 10.000€ auparavant). Par ailleurs, pour les litiges jusqu'à 100.000 euros, une nouvelle procédure écrite plus simple a été ajoutée pour faciliter le travail du tribunal d'arrondissement.
Autre nouveauté : les avocats devront remettre une conclusion de synthèse désormais. De quoi aider le travail des juges et accélérer les procédures, notamment dans les grandes affaires financières et économiques.
Concernant la réforme de la protection de l'enfance, la ministre de la Justice a encore un texte à mettre sur la table. Le dossier, initié là encore par Félix Braz, est bloqué depuis trois ans. Avoir tenté de concilier la protection des mineurs et le droit pénal des mineurs a en effet soulevé d'emblée de vives critiques. Résultat : le détricotage des deux sujets n'a pas encore abouti à une proposition.
Plus délicate encore s'annonce la réforme attendue du «droit de la filiation». Là, le projet original a été rédigé par l'ancien ministre de la Justice François Biltgen (CSV), voilà plus de quatre ans. Si, en décembre dernier, la Chambre a acté les modalités sur le changement de nom, rien sur le thème de la filiation n'a véritablement avancé. Les questions relatives à la gestation pour autrui ou à la recherche embryonnaire doivent encore être clarifiées.
En septembre 2020, un «Projet de loi portant organisation de l'accès à la connaissance de ses origines dans le cadre d'une adoption ou d'une procréation médicalement assistée avec tiers donneurs» a toutefois été déposé. Une fois ce texte en vigueur, les enfants auront le droit de savoir qui sont leurs parents biologiques en cas d'adoption ou d'insémination artificielle. Toutefois, le ministère devra apporter diverses modifications, suite à diverses remarques émises par le Conseil d'État cet été.
Et s'il fallait ajouter encore une réforme à faire aboutir pour Sam Tanson, il s'agirait de celle portant sur le système notarial. Le dossier est au point mort depuis mai 2019, et là encore après la formulation d'objections par le Conseil d'Etat...
L'accès aux ''fameux'' fichiers
Pendant des mois et des mois, le gouvernement a aussi été confronté à de fortes critiques sur une protection bien légère des données dans les fichiers de la police et ceux du système judiciaire. L'intention est déclarée, les débats (aussi nombreux que houleux) ont bien eu lieu mais rien n'a encore été totalement tranché sur le sujet. Les avancées se font pas à pas, entre la Justice d'un côté et le ministère de la Sécurité intérieure, dirigé par Henri Kox (Déi Gréng).
Il convient également d'avancer sur la réforme du cadre juridique des associations et des fondations. Un changement visant plus de transparence pour ces structures. Déjà en 2009, l'ancien ministre de la Justice, Luc Frieden (CSV), s'y était cassé les dents. L'actuel gouvernement a maintenant soumis toute une série d'amendements en juin dernier, devant la fronde des asbl et fondations qui jugeaient les dernières avancées trop bureaucratiques et inadaptées à la pratique.
Voilà Sam Tanson et ses conseillers juristes obligés de trouver le juste équilibre. Avec d'un côté l'obligation de ne pas noyer les petites associations sous une masse d'obligations administratives, et de l'autre la garantie de règles strictes en matière de comptabilité et d'audit pour les grandes structures. Bref, il y a encore beaucoup de pain sur la planche de la ministre, elle-même ex-avocate.
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