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Confinement et alcool forment un mauvais cocktail
Luxembourg 4 min. 11.06.2020 Cet article est archivé

Confinement et alcool forment un mauvais cocktail

Combien d'adultes ont trouvé dans l'ivresse un moyen d'oublier leurs angoisses?

Confinement et alcool forment un mauvais cocktail

Combien d'adultes ont trouvé dans l'ivresse un moyen d'oublier leurs angoisses?
Photo: AFP
Luxembourg 4 min. 11.06.2020 Cet article est archivé

Confinement et alcool forment un mauvais cocktail

Patrick JACQUEMOT
Patrick JACQUEMOT
Le stress lié à la situation sanitaire, aux craintes de perte d'emploi ou aux tensions du confinement ont poussé certains à trouver refuge dans la boisson. Un choix d'autant plus préoccupant que la prise en charge de cet alcoolisme a été suspendue pendant de longues semaines.

Le covid-19 n'a pas engendré que des infections pulmonaires. Sans doute qu'au Luxembourg, le coronavirus aura-t-il entraîné certains vers une dépendance à l'alcool. «Le mauvais médicament pour de vraies difficultés», analyse la Dr Claude Besenius. Habituée à cette toxicomanie, la spécialiste du Centre thérapeutique d'Useldange craint maintenant la découverte de plus de cas d'alcoolisme, et surtout des dépendances plus critiques après deux mois de confinement.

Existe-t-il une étude en cours au Luxembourg sur cette relation entre crise du covid et alcoolisme?

Dr Claude Besenius : «Pas à ma connaissance. Seule l'UNI mène actuellement des recherches pour évaluer l'ensemble des impacts de cette crise sur la santé psychologique des Luxembourgeois. Mais clairement tout a pu contribuer à une montée de la tentation alcoolique ces derniers mois : le sentiment d'isolement, de temps long, d'anxiété face à la maladie, de craintes pour sa situation professionnelle, ses revenus, la tristesse de certains deuils, le stress de vivre continuellement avec ses proches. Celles et ceux qui étaient déjà fragiles face à un verre, face à une bouteille, ont pu flancher. 

Sachant que le confinement, à son démarrage, a aussi été accompagné par la multiplication des "apéro-party" via les réseaux sociaux. Pour certains, cela a vite dépassé le simple cadre de retrouvailles festives à distance, et le piège s'est refermé sur eux. A contrario, sans doute quelques personnes habituées à boire en compagnie (au bar, au restaurant, en groupe) auront peut-être perdu ce réflexe du fait de l'isolement...

On vous sent tout de même préoccupée à l'heure du déconfinement...

«Deux cas m'inquiètent à dire vrai. Les sujets qui étaient déjà suivis, avant mars, pour leur dépendance. Ceux-là n'ont pu bénéficier d'aucune prise en charge pendant trop longtemps. Rien dans les hôpitaux concernant le sevrage, impossibilité de suivre une thérapie en établissement au Luxembourg ou à l'étranger, bien peu de psychiatres ou de professionnels de santé accessibles. Faute de savoir vers qui se retourner, l'alcool a pu reprendre sa place dans leur vie.


Soziale Isolation, Angst, Ungewissheit: Die aktuelle Situation ist für die einen schwerer zu ertragen als für andere. Die Forscher wollen herausfinden, welche Faktoren dabei eine Rolle spielen.
Les séquelles psychologiques du virus à l'étude
Distanciation sociale, peur, incertitude... Les chercheurs de l'université du Luxembourg cherchent à savoir comment cette situation exceptionnelle peut affecter la santé mentale de la population. Avec un objectif : celui de mieux soutenir les personnes touchées, mais aussi aider les politiques dans leurs prises de décisions.

Mais je m'inquiète surtout de ce que le temps va nous révéler comme dégâts au sein d'une nouvelle population. Ceux qui jusqu'alors maîtrisaient leur consommation et qui ont pu chuter brutalement et profondément dans cette addiction. Déjà parce qu'en presque trois mois, leur corps a pu s'habituer à cette consommation et qu'il faut un long moment pour s'en défaire. Mais aussi parce qu'il faudra un délai plus long encore avant que leur situation ne se révèle à leurs yeux, ou dans leur entourage familial ou professionnel. Le retour à la normalité va rendre leur problème visible, et je pense que les consultations vont dépasser les seuils du passé.

Le Luxembourg réagit-il suffisamment face à cette problématique?

«Longtemps, le Grand-Duché s'est caché derrière la "bonne excuse" des chiffres qui ne voulaient rien dire. Certaines statistiques rapportaient le nombre de litres vendus dans le pays au nombre d'habitants, ce qui donnait des résultats catastrophiques. Des chiffres faux car une grande partie de l'alcool est acheté par les frontaliers. En se référant à d'autres études internationales, l'Etat a toutefois pris conscience de l'ampleur réelle de la dépendance. Se retrouver à la troisième place de l'UE parmi les pays où les adultes reconnaissent le plus d'excès de boissons: voilà un classement peu honorable... Depuis 2020, le ministère de la Santé s'est engagé dans un Plan d'action de réduction du mésusage de l'alcool (Palma).


Pour en finir avec le verre de trop
Le Luxembourg vient d'adopter son premier plan d’action de réduction du mésusage de l’alcool. Une série de mesures attendues depuis 2012 et nécessaires dans un pays où 9% des décès sont imputables à une consommation excessive de boissons.

Il faut laisser le temps aux actions de se mettre en place pour juger de l'opportunité des mesures. Mais si, par malheur, un nouveau confinement devait être déclaré en raison d'un retour de l'épidémie, il faudra vraiment porter une attention aux malades alcooliques qui risquent gros dans ce type de situation. Il y a suffisamment d'asbl, de professionnels et de centres ou de services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge dans le pays pour que cela ne vire pas à la catastrophe.»

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