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Comment le loup et l'homme peuvent cohabiter
Luxembourg 7 min. 29.01.2023
Nature

Comment le loup et l'homme peuvent cohabiter

Le territoire d'une meute de cinq à onze membres peut couvrir une superficie de 200 à 300 kilomètres carrés.
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Comment le loup et l'homme peuvent cohabiter

Le territoire d'une meute de cinq à onze membres peut couvrir une superficie de 200 à 300 kilomètres carrés.
Photo: Sibila Lind
Luxembourg 7 min. 29.01.2023
Nature

Comment le loup et l'homme peuvent cohabiter

Nadine SCHARTZ
Nadine SCHARTZ
Depuis qu'ils sont strictement protégés, les loups sont de plus en plus nombreux à rôder. Au Luxembourg aussi, il n'est désormais pas rare d'en croiser.

Que ce soit dans les contes ou dans la mythologie, le loup est toujours associé au mal. Dans les contes de Grimm, il mange la grand-mère du Petit Chaperon rouge ou dévore les sept chevreaux. Dans la mythologie, l'idée qu'un homme pourrait conclure un pacte avec le diable et se transformer en loup-garou prévaut. Pourtant, cette image devrait être «clairement rejetée», a déclaré Laurent Schley, directeur adjoint de la gestion de la nature, il y a quelques jours, dans la salle des fêtes des Troisvierges presque pleine à craquer.


Un couple de loups s'est installé dans l'Eifel
C'était une probabilité il y a encore quelque temps, c'est devenu une certitude: deux loups ont pris leurs quartiers dans la région de l'Eifel en Belgique et en Allemagne, non loin de la frontière luxembourgeoise.

Les habitants de la commune sont venus en nombre. En décembre, un mouton a ainsi été tué dans les environs - probablement après une attaque d'un loup. Pas étonnant donc que la présence de l'animal dans la région suscite un tel intérêt. Sous le slogan «Le retour du loup : réalisme ou utopie ?», le biologiste a détaillé aux curieux la lente émergence du loup, les conflits possibles, les règles de comportement et son impact sur la biodiversité.

Le dernier loup au Luxembourg a été abattu en 1893

Et pour bien comprendre la situation, il faut jeter un oeil au passé. A l'origine, le loup (Canis lupus) avait la plus grande aire de répartition au monde parmi tous les mammifères. Il était toutefois considéré, entre autres, comme un danger pour l'homme - principalement à cause de la rage - et pour les animaux d'élevage. Parfois diabolisé, la chasse de ces animaux était autorisée. Au Luxembourg, celle-ci était inscrite dans le Mémorial en 1849. 

Mais la chasse au loup a conduit à l'extermination de l'espèce. Le 24 avril 1893, le dernier loup luxembourgeois a ainsi été abattu à Olingen. Depuis 1992, ils sont toutefois strictement protégés par la directive Habitat de l'UE, avec pour conséquence désormais qu'ils se répandent.

Au Luxembourg, la présence d'un loup a été prouvée pour la première fois en 2017 à Garnich. Par la suite, il a été repéré à Fouhren (2018), à Niederanven (2020) et à Wintger (2022). Mais ce n'est qu'en décembre dernier qu'un mouton mort a été retrouvé dans un pâturage, sans que l'on puisse confirmer ou exclure à 100 % qu'il ait été tué par un loup. Toutefois, un chien spécialement entraîné à détecter l'odeur du loup a réagi dans les environs. 

«De plus en plus de loups apparaissent au Benelux ainsi que dans la Grande Région, c'est pourquoi il est important d'informer davantage les citoyens sur ce sujet», a déclaré Laurent Schley. On estime que 17.000 loups vivent actuellement en Europe (Russie, Biélorussie, Ukraine et Moldavie exclues).

De Hanovre à Bremerhaven en passant par Niederanven

D'ailleurs, le loup qui avait tué trois moutons à Niederanven en avril 2020 vit désormais à Bremerhaven, en Allemagne, où il a fondé une meute. Des analyses d'ADN avaient alors révélé qu'il s'agissait d'un mâle né dans la région de Hanovre. Le loup lui-même n'avait pas encore été identifié génétiquement à ce moment-là, mais ses parents, qui font partie de la meute dite de Rodewalder, l'étaient. On suppose que l'animal était arrivé à Niederanven en passant par les Pays-Bas et la région belge des Flandres. 


Un loup repéré près de la frontière luxembourgeoise
Plusieurs indices de la présence d'un loup ont été relevés dans la région d'Etalle, dans le sud de la province de Luxembourg. L'animal pourrait passer par le Grand-Duché prochainement.

Au cours de son périple, le loup a donc parcouru plusieurs centaines de kilomètres. Une distance qui n'est pas étonnamment longue si l'on considère que le territoire d'une meute de cinq à onze individus peut couvrir une surface de 200 à 300 kilomètres carrés. En termes d'habitat, les animaux sont très adaptables et peuvent donc vivre n'importe où, pour autant qu'il y ait suffisamment de nourriture. Leur alimentation se compose principalement de gibier, de mouflons, de lièvres, de castors, de souris, mais aussi de renards, de blaireaux et de ratons laveurs. «Il devient ainsi un facteur de régulation important dans la forêt», explique Laurent Schley. Mais les animaux de rente, comme les moutons et les chèvres, font également partie de son tableau de chasse.

Dans ce contexte, le directeur adjoint de l'administration de la nature a également évoqué les conflits potentiels que peut engendrer la présence du loup. En raison de leurs ancêtres communs, des croisements avec des chiens sont tout à fait possibles. Dans les zones où la présence du loup est avérée, il est conseillé de tenir son chien en laisse par mesure de sécurité. En effet, si celui-ci pénètre sur un territoire de loups, il pourrait être considéré comme un concurrent. 

Des mesures pour protéger les animaux de rente

Dans de très nombreux cas, les attaques sur les animaux de rente ne sont pas le fait d'un loup, mais d'autres animaux. Pour autant, la simple possibilité qu'une chèvre ou un mouton aient été tués par un loup fait la une des journaux, ce qui suscite la peur dans la population. Mais Laurent Schley sait aussi que là où un loup s'est installé, il peut y avoir des attaques sur les moutons et les chèvres.

Pour protéger leurs bêtes, les éleveurs peuvent alors prendre des mesures de protection, comme «l'achat d'un chien de protection, l'installation de fils électriques ou la présence du berger auprès du troupeau». Des mesures qui ont également été inscrites dans le plan d'action et de gestion du loup de 2017.

En ce qui concerne les attaques de loups sur l'homme, Schley réfute les éventuelles craintes : «Selon des études, il y a eu 21 accidents avec des loups non enragés en Europe entre 1950 et 2000, dont quatre ont été mortels». En revanche, il précise qu'en Allemagne, 39 attaques mortelles par des chiens domestiques ont été confirmées entre 1998 et 2007, et que 30.000 morsures par des chiens domestiques y sont enregistrées chaque année. Bien que le Luxembourg soit exempt de rage depuis environ 15 à 20 ans dans le domaine de la faune sauvage, il est préférable, rappelle-t-il de consulter immédiatement un médecin en cas de morsure pour se faire vacciner contre la rage.

Laurent Schley réfute également les craintes des chasseurs de voir leur travail fortement réduit par la présence du loup. «Il y a beaucoup de place pour les chasseurs et le loup», précise-t-il avant d'ajouter que «le loup ne résoudra certainement pas à lui seul la problématique du sanglier». Au contraire, celui-ci contribuerait à une régulation supplémentaire en forêt, en aidant à réduire la population de gibier et en contribuant ainsi à la protection des forêts.

Pour Schley, une chose est sûre : «Quiconque rencontre un loup devrait profiter de ce moment unique. Car, tout le monde n'a pas la chance de rencontrer un tel animal». Une déclaration qu'un habitant, présent ce soir-là dans le public, vient confirmer. Originaire de Basse-Saxe, en Allemagne, il a déjà rencontré cinq loups. «Il n'y a jamais eu de problèmes», note-t-il.

Cet article a été initialement publié sur le site du Luxemburger Wort.

Traduction : ASdN

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