Comment artisans et entreprises font-ils face à la crise?
Comment artisans et entreprises font-ils face à la crise?
(ThK/MeM) - La hausse des prix de l'énergie et des matières premières est également un fardeau pour les artisans de l'alimentation. Et celui qui vend du pain ne peut pas répercuter du jour au lendemain l'augmentation des coûts de l'électricité, du gaz ou des matières premières, explique Jean-Marie Hoffmann, propriétaire de la pâtisserie Hoffmann qui compte 19 magasins.
Les coûts ont également énormément augmenté pour son entreprise. «Nous avons maintenant les chiffres du mois dernier: les coûts sont au total d'environ 177.000 euros supérieurs à ceux de l'année dernière, dont 116.000 euros de coûts supplémentaires pour l'énergie».
Augmenter simplement le prix de vente du pain et des gâteaux, ce n'est pas possible, selon Hoffmann. Il doit donc se contenter d'une marge bénéficiaire plus faible et essayer de réduire les coûts. Par exemple, en réduisant les coûts de carburant.
Mesures d'économie
«Avant, nos camions faisaient trois tournées la nuit pour livrer nos magasins. Aujourd'hui, tous les camions ne font plus qu'une tournée, une deuxième tournée est effectuée par environ la moitié des camions. La troisième tournée a pu être entièrement supprimée». Une économie sensible sur les frais de carburant.
Mais les coûts élevés à la station-service ne rendent pas seulement la livraison de la marchandise plus chère, ils ont aussi un impact aigu sur le recrutement de nouveau personnel. «Nous pourrions encore embaucher une vingtaine de personnes, mais nous n'avons plus du tout de candidatures en provenance de la zone frontalière par exemple, les frais de déplacement sont tout simplement trop élevés».
Jean-Marie Hoffmann utilise le gaz pour ses grands fours à Wormeldange. Cet été, il a pu économiser du gaz en ne faisant fonctionner que deux fours sur trois. «Mais cet hiver, ce n'est plus possible», explique-t-il, car la saison froide entraîne une augmentation de la consommation de pain et les fours sont saturés. On cuit un peu plus de 2.000 pains par jour.
Le propriétaire de la pâtisserie Hoffmann considère comme une bonne mesure le fait que les coûts d'électricité soient plafonnés par l'accord tripartite. «Néanmoins, les coûts restent bien plus élevés qu'avant la crise. Mais on ne peut pas non plus toujours se plaindre, cela ne fait pas avancer les choses». On sent que les mesures d'économie d'énergie sont payantes. Mais il est également clair qu'avec les prochaines tranches d'indexation, les prix de ses produits augmenteront également, peut-être de 2 à 5% selon le chef d’entreprise.
Peu de marge de manœuvre pour faire des économies
Pour Jean-Marie Niessen, gérant de la boucherie Niessen à Ulflingen (Troisvierges), les prix de l'électricité ont augmenté d'environ un tiers cette année. «Mais nous n'avons guère de marge de manœuvre pour faire des économies». Selon lui, la chaîne du froid ne doit pas être interrompue et les comptoirs et chambres froides, qui consomment beaucoup d'énergie, doivent donc toujours fonctionner. «Il est également difficile de faire des économies dans le fonctionnement des fours. Ces postes sont toujours là», indique-t-il.
Outre les prix de l'énergie, les coûts ont également augmenté massivement dans d'autres domaines. Depuis le début de l'année, les matériaux d'emballage, la farine ou les produits laitiers ont par exemple augmenté de 35 à 40%, explique Jean-Marie Niessen. Et il ne peut pas simplement répercuter ces dépenses plus élevées sur les clients. «Pour les gros consommateurs comme les cantines, le risque est alors qu'ils s'approvisionnent auprès de grands supermarchés étrangers. C'est pourquoi une grande partie de cette somme se répercute sur notre marge.»
Une perte pour la première fois dans l'histoire de l'entreprise
Les entreprises artisanales ne sont pas les seules à souffrir de l'augmentation des prix de l'électricité, les entreprises industrielles à forte consommation d'énergie sont également les plus touchées. Le cimentier Cimalux d'Esch-sur-Alzette en est un exemple.
Le coût de l'électricité a été multiplié par 2,5 par rapport à l'année dernière, explique Christian Rech, ingénieur chez Cimalux.
Le prix du charbon a pour sa part été multiplié par 1,9 et l'entreprise s'attend même à une multiplication par six pour l'année prochaine. Concernant le prix du gaz, il a été multiplié par quatre ou cinq depuis l'année dernière. «L'influence des coûts énergétiques sur nos coûts de production est énorme et n'a jamais été aussi importante», déplore l’ingénieur.
L'entreprise n'a elle aussi pas encore pu répercuter l'augmentation des coûts sur ses clients. «Cela signifie que cette année, pour la première fois de notre histoire, nous serons probablement en perte. Nous n'avons jamais connu cela jusqu'à présent.»
L'année prochaine, il faudra donc augmenter significativement les prix du ciment. L'ingénieur s'attend à une augmentation des prix de 70%. «Contrairement aux augmentations de prix précédentes, nous n'avons actuellement aucune marge de manœuvre pour négocier avec les acheteurs», précise Rech. «Nous serions tout simplement ruinés si nous ne rentrions plus dans nos frais.». De plus, l'entreprise doit également investir pour décarboniser ses processus de fabrication. «Bien sûr, si on ne gagne rien, on ne peut rien investir, et nous manquerons alors nos objectifs [climatiques].»
Christian Rech assure que les mesures de soutien du gouvernement aident, mais cela ne suffit pas pour éviter à l'entreprise de subir des pertes cette année. Mais ce qui le préoccupe, c'est qu'une partie des compensations au niveau de l'UE est financée par un impôt sur les bénéfices excédentaires des producteurs d'électricité; et que cela concerne surtout les exploitants de grands parcs éoliens et solaires.
«Mais nous n'avons pas au Luxembourg de tels producteurs de l'ordre de grandeur de ceux de la France, de la Belgique et de l'Allemagne», observe-t-il. Il se demande donc ce qui se passera si les concurrents de ces pays obtiennent une compensation pour les prix plus élevés de l'électricité via ce mécanisme. «Aurons-nous alors encore un 'level playing field'? Si ce n'est pas le cas et que nous exportons une grande partie de notre production, nous ne serons plus compétitifs. Et alors, tout sera fini».
Cet article a été publié pour la première fois sur www.wort.lu/de
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