ChatGPT ne fait pas trembler l'Université du Luxembourg
ChatGPT ne fait pas trembler l'Université du Luxembourg
Rédiger une dissertation, effectuer un calcul mathématique poussé ou corriger une erreur dans un code informatique, autant de tâches que l'outil conversationnel ChatGPT peut accomplir en une poignée de secondes. De quoi permettre aux étudiants d'obtenir de bonnes notes sans avoir à travailler? La réalité n'est pas si simple, à en croire Catherine Léglu, vice-rectrice académique de l'Université du Luxembourg.
«Il y a toujours eu des problèmes de triche ou de fraude, et les professeurs ont pris de très bonnes habitudes face à ces comportements. ChatGPT est un outil parmi d'autres», souligne d'emblée la professeure. Au sein de l'Uni, les premières discussions à propos de ce robot aux réparties bluffantes par leur réalisme remontent au mois de décembre. Soit quelques jours seulement après la mise en ligne de cette invention par sa créatrice: la start-up californienne OpenAI.
«Depuis quelques semaines, nous avons beaucoup de discussions en interne. Il faut dire que c'est un chatbot très performant. Même si certaines de ses réponses montrent que c'est un robot à l'œuvre, d'autres non», poursuit la vice-rectrice. À noter que, comme toutes les intelligences artificielles, plus l'outil est utilisé, plus il devient performant.
Une interdiction contre-productive
De ces échanges n'ont résulté aucune directive à destination des professeurs de l'établissement d'enseignement supérieur, ni aucune consigne adressée à ses étudiants. «Pour l'instant, l'outil est trop neuf. Par ailleurs, plus les personnes créent des directives, plus ChatGPT va essayer de passer outre», fait remarquer Catherine Léglu, qui propose plutôt de «travailler avec l'outil afin d'anticiper quand les étudiants pourraient l'utiliser».
Alors que certaines écoles, à l'image de celles de New York, ont déjà pris la décision d'interdire le robot conversationnel sur tous les appareils électroniques et les réseaux des établissements, une telle décision est loin d'être envisageable à l'Uni. «Face à des adultes, on est incapable de créer de telles règles. Tout le monde est libre d'avoir des téléphones ou des ordinateurs en cours, l'idée, c'est de savoir se contrôler», explique la professeure.
Pour limiter l'usage de cette intelligence artificielle qui soulève beaucoup de questions dans le monde académique, Catherine Léglu suggère de remplacer les exercices de rédaction. «L'outil peut présenter, mais peut-il analyser? En évitant les résumés, les dissertations, et en se basant sur des examens oraux où la qualité de la présentation et de la persuasion sont la base de la note, on est sûrs d'évaluer des êtres humains.»
J'ai demandé à ChatGPT de me faire des recommandations de lecture en lien avec un intitulé de dissertation, et ses réponses n'étaient pas vraiment intéressantes.
Catherine Léglu, vice-rectrice académique de l'Université du Luxembourg
Dans les cas d'un mémoire de fin d'étude ou d'une thèse, aucune issue n'existe cependant à l'étape de la rédaction. À l'Université du Luxembourg, ces travaux font tous l'objet d'un passage dans un logiciel de détection du plagiat, Turnitin. Mais sur ce dernier, l'utilisation de ChatGPT est impossible à repérer. «Pour l'instant, on n'a pas besoin de faire ça», estime la vice-rectrice. Et pour cause: la professeure a elle-même tenté l'expérience. «J'ai demandé à ChatGPT de me faire des recommandations de lecture en lien avec un intitulé de dissertation, et ses réponses n'étaient pas vraiment intéressantes.»
Un élève utilisant des sources bibliographiques proposées par ChatGPT mais indisponibles sur les plateformes mises à sa disposition éveillera forcément directement les soupçons de ses professeurs. «L'essentiel est de penser que lorsque l'on donne une dissertation, c'est dans le cadre d'un cours. Il faut avoir une analyse et cette analyse doit sortir de l'angle d'approche qui a été vu en classe.»
Améliorer la créativité
Catherine Léglu ne montre donc aucun signe d'inquiétude face à la démocratisation de l'utilisation de l'intelligence artificielle. «La vigilance des professeurs face aux techniques de fraude et de plagiat, c'est un cadre qui existe déjà. ChatGPT ne fait qu'augmenter ce niveau de vigilance.»
Par ailleurs, la vice-rectrice est loin de se montrer hermétiquement fermée au recours à ChatGPT. «Simplification de certaines tâches, amélioration de la qualité des textes, aide à l'inspiration... Cet outil a un aspect créatif intéressant, c'est sympa», sourit la professeure, sans minimiser les limites du robot. «Il y a des risques de faits faux, mais présentés comme des vérités, et également un aspect sinistre avec les discours de haine qui ont notamment été pointés du doigt.»
Ainsi, plusieurs aspect suscitent le débat au sein du monde universitaire. Si les impacts de l'utilisation de ChatGPT sont, pour l'heure, loin d'être tous identifiés, la vice-rectrice présage que «cette innovation va nous aider si on travaille avec elle». Jusqu'ici, aucun étudiant de l'Uni n'a été concerné par une quelconque suspicion de triche impliquant l'outil. «La plupart des étudiants veulent réussir. Il suffit de leur en donner la possibilité, sans les inviter à tricher.»
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