Ces ados que le smartphone rend malade
Ces ados que le smartphone rend malade
Alors que l'Italie pense à légiférer pour lutter contre l'usage abusif des ordinateurs et des smartphones, le Luxembourg ne semble pas encore prêt à prendre cette voie. Pourtant, le phénomène, appelé nomophobie, touche un nombre croissant de 16-24 ans, à en croire «Ausgespillt/Game Over», l'association conventionnée par le ministère de la Santé et chargée de recenser les cas de dépendance aux jeux en ligne.
Si lors de sa création, en 2003, l'association s'occupait exclusivement des addictions concernant les jeux de hasard à gratter, la donne a fortement évolué. En 2018, 80% des 216 consultations effectuées concernaient des patients présentant des troubles addictifs en lien avec les médias numériques. Majoritairement des adolescents.
19.000 euros d'achat sur smartphone
De son expérience, Andreas König, directeur de l'association et psychologue, note que les jeunes filles sont davantage concernées par l'addiction aux réseaux sociaux alors que les garçons sont plus enclins à rester coller aux jeux en ligne.
Une différence qui peut tout de même créer un point commun. Celui d'avoir un impact financier sur leur famille. « Il n'est pas rare que les jeunes utilisent secrètement les cartes de crédit de leurs parents et cela peut chiffrer très vite », souligne Andreas König qui se remémore le cas d'une jeune fille «qui avait dépensé 19.000 euros d'achats dans un jeu sur téléphone portable.»
Face à cette situation, le psychologue déplore que les parents «sous-estiment la plupart du temps la gravité du problème» et ne consultent «que quand la dépendance est déjà bien installée». Une réalité qui trouve une partie de son origine dans les faibles moyens dont «Ausgespillt/Game Over» dispose pour mettre en place une véritable campagne de prévention.
«Si l'on considère l'utilisation d'internet dans son ensemble, un jeune sur dix au Luxembourg possède un profil d'utilisation problématique et un sur 30 affiche un profil de dépendance », poursuit Andreas König. Un phénomène qui pourrait être amené à prendre l'ampleur.
Dans une étude publiée début juillet, le Statec indiquait que 99% des adolescents se connectaient quotidiennement à internet et que 53% d'entre eux y pratiquaient des jeux en ligne. De quoi inquiéter certains spécialistes. Pour Joël Billieux, psychologue clinicien, la nomophobie touche en priorité les 16-24 ans, jugés «plus vulnérables» que les tranches d'âges supérieures.
«Les adolescents ne sont pas à même de réguler leur utilisation du smartphone car leur cortex préfrontal n'arrive pas à maturité avant une vingtaine d'années d'où l'importance de la prévention et de l'éducation», explique le professeur à l'Université du Luxembourg. Une spécificité physiologique qui a poussé l'OMS, en mai dernier, à reconnaître la pratique excessive du jeu vidéo comme pathologie à part entière. Ce n'est en revanche pas le cas de l'utilisation forcenée des réseaux sociaux.
Pour Joël Billieux, cette nouvelle classification pose néanmoins question. «À partir du moment où une conduite excessive est considérée comme une addiction, n'importe quelle conduite plaisante de la vie quotidienne peut être considérée comme telle. C'est pour ça que lors des consultations, je conseille aux parents de jouer avec leurs enfants car un dialogue autour de la régulation du jeu peut alors se créer ».
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