«C'est aux adultes de se faire vacciner»
«C'est aux adultes de se faire vacciner»
Alors que 18.000 doses ''pédiatriques'' du vaccin anti-covid de Pfizer arriveront sur le territoire luxembourgeois le 20 décembre, rien n'est encore acté pour la vaccination des tout-petits. Le Conseil supérieur des maladies infectieuses (CSMI) a rendu un avis, pour le moins prudent, sur la vaccination générale des 5-12 ans, estimant que le lancement de cette campagne de vaccination était «moins urgent».
Une position saluée par l'Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (Okaju). Charel Schmit estime que la vaccination des jeunes enfants n'est pas la priorité. Pour le commissaire aux droits de l'enfant, ce sont les adultes qui doivent «prendre leurs responsabilités».
En novembre dernier, vous aviez plaidé en faveur d'un choix pour la vaccination des adolescents les plus âgés. Quelle est votre position pour la vaccination des enfants de 5 à 11 ans ?
Charel Schmit: «L’Okaju n’est pas une instance qui peut émettre des avis ou des expertises au niveau médical. Nous nous fions complètement aux recommandations de la direction de la Santé et du CSMI, qui font une analyse du contexte luxembourgeois. Ils effectuent une appréciation du bénéfice des enfants par rapport à cette vaccination en tenant compte du nombre d’hospitalisations, ou de leur vulnérabilité. Il se peut que le contexte soit différent que dans d’autres régions européennes où le nombre d’enfants infectés est supérieur. Cela dépend des indicateurs qu’ils utilisent.
Si la vaccination des enfants s'organise, quelles seraient vos recommandations pour qu'elle soit la moins traumatisante possible ?
«Les cabinets médicaux, les pédiatres seraient à privilégier. Chaque enfant a un médecin pédiatre ou de référence, et je crois que dans ce cas c’est utile d'y recourir, car il connaît la famille, les enfants. Puisque cette pandémie perdure, il serait intéressant et utile de réfléchir sur un ensemble de dispositifs adaptés aux enfants. Par exemple, les tests PCR pourraient être transformés par des tests PCR en forme de sucette. Ce serait idéal si l’un des laboratoires adaptait ses possibilités de faire ce type de tests pour les plus petits.
Je crois que c’est important de réfléchir à la perception subjective de la situation par rapport aux enfants. Il faut éviter tout traitement traumatisant. Il vaut mieux se donner le temps, attendre que l’enfant soit prêt, afin d'éviter de produire de la peur. Mais là encore, les pédiatres qui connaissent les enfants, les jeunes, et leurs familles sont les mieux placés pour entendre et accueillir les doutes et les questions des enfants. Ils savent très bien comment les gérer.
Les jeunes générations ont déjà tellement souffert de cette pandémie, il y a des ruptures énormes au niveau de la vie scolaire, de leur vie sociale.
Charel Schmit
Dans le cas où la vaccination des tout-petits est exclue, comment faire pour diminuer les risques de cette classe d'âge qui compte toujours plus d'infections actives ?
«C’est aux personnes adultes de se faire vacciner. Le problème, c’est que pour le moment, ils ne sont pas assez nombreux à franchir le cap. C’est pour ça que, d’un point de vue épidémiologique, les jeunes et les enfants sont un réservoir pour la maladie. A mon avis, il faudra davantage inciter la population adulte à prendre ses responsabilités, à se faire vacciner, à prendre rendez-vous pour une troisième dose, pour éviter qu’il n’y ait trop de pression sur les enfants et les jeunes. On voit que depuis la rentrée, ce sont ceux qui sont les plus exposés au virus. Il faut éviter que davantage de jeunes s’infectent.
Les jeunes générations ont déjà tellement souffert de cette pandémie, il y a des ruptures énormes au niveau de la vie scolaire, de leur vie sociale. Ces générations ont été très solidaires avec les autres catégories de la population. Ils ont pris beaucoup de responsabilités jusqu’à ce jour. C’est désormais aux adultes de se montrer solidaires avec les jeunes pour éviter que le virus se propage. C’est dans la vaccination de la population adulte qu’on doit faire des progrès considérables. Il n’y a pas mille recettes. Les chiffres montrent que le taux de ceux qui sont infectés et non vaccinés est nettement supérieur à ceux qui sont vaccinés.
Pourtant, les nouveaux cas sont majoritairement dépistés chez les jeunes.
«On voit que les chiffres augmentent vivement dans la tranche de l’école fondamentale. Cela suit l’évolution de la vague de l’année dernière avec une nette hausse sur les trois dernières semaines. Chez les 12 à 19 ans, on remarque tout de même que le taux d’infectés est inférieur de moitié, par rapport à 2020. Ce qui reflète le pourcentage très élevé de vaccination chez les adolescents.
Cependant, ce serait bien d’avoir davantage de détails sur les enfants infectés par le virus dans le rapport hebdomadaire. Ces chiffres existent, mais il n'y a aucun détail comme le nombre d’hospitalisations et les conséquences sur la vie familiale et scolaire, si l'enfant a par exemple été mis en quarantaine. La rupture de la vie sociale et scolaire qui ne doit pas être négligée, car cela peut avoir un impact sur les apprentissages qui sont réalisés pendant l’année scolaire.
Quelles seraient les autres mesures à privilégier afin de protéger au maximum les enfants des impacts de la pandémie ?
«Tant que la pandémie se maintient, il faut réfléchir par rapport à l’impact sur leur vie scolaire et sociale. C’est-à-dire, maintenir accessibles toutes les activités de loisirs, sportives et culturelles. Il est important que les enfants puissent rester créatifs. Il est impératif de prendre des réglementations pour que toutes ces activités puissent être maintenues. On sait bien que ces offres sont organisées par des clubs, des associations, des organismes privés, et il est compréhensible que ces derniers souhaitent protéger leurs employés. Mais il vaut mieux maintenir les activités tout en renforçant les mesures plutôt que de les annuler.
Il est également important que l’offre scolaire soit maintenue dès le premier jour, que les gens puissent participer à distance dans les branches fondamentales. Je suis conscient que c’est difficile à organiser pour les enseignants, les instituteurs et institutrices. Mais du point de vue du droit à l’éducation, c’est important de tenir compte de cet impératif. Il y a toujours une pondération des différents droits de l'enfant. Il faut faire une pondération entre le droit à l’éducation et celui à la santé. L’Etat a l’obligation de garantir au mieux une meilleure protection de la santé et d’un autre côté assurer le droit à l’éducation.
Vous évoquiez en novembre l'importance de la communication entourant la pandémie à destination des enfants. Est-ce que des progrès sont en train d'être faits dans ce sens ?
«Il faudrait tout à fait cibler l’information, faire une communication spécifique par rapport aux jeunes, aux adolescents, aux enfants. On peut ajouter qu’avec l’atmosphère ambiante, il est d'autant plus important de ne pas laisser l’autorité de l’information aux médias sociaux. C’est très important que tous les acteurs du domaine de l’éducation discutent avec les enfants, leur fournissent des informations valides. Il est impératif que ces personnes fassent de l’éducation par rapport aux sources fiables, et qu’elles contribuent à informer les jeunes pour éviter que les enfants se sentent encore davantage insécurisés.
Toute période où l’enfant a de grandes peurs ou est mis en danger, où il ne se sent pas en sécurité, a un impact négatif sur sa croissance, son estime de soi, son développement personnel. On a une pandémie sanitaire, mais également une pandémie de fausses informations qui sont très difficiles à éviter pour les jeunes. C’est pour ça que tous ceux qui travaillent avec les jeunes sont des personnes ressources pour avoir des informations valides. C’est pour ça que le gouvernement doit encore faire des efforts.»
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