Bettembourg : de la route au rail, et vice-versa
par Marco MENG/ 05.02.2023
Le volume de fret dans la gare intermodale de Luxembourg augmente. Il y est possible d'amener des semi-remorques sur le train à l'aide d'une grue en hauteur, mais aussi "horizontalement".
Un froid matin de janvier. Deux camions s'avancent lentement vers la barrière afin d'accéder au site de la gare multimodale de Bettembourg-Dudelange par l'une des six entrées. Peu à peu, le brouillard qui recouvre le terrain se dissipe.
«Ici, au terminal intermodal, nous traitons environ huit à neuf trains par jour», explique Daniel Feyder, directeur de CFL Terminals. «La capacité du terminal permet d'accueillir jusqu'à 1.400 camions par jour». Actuellement, c'est moins. Les trains en provenance de Kiel, Rostock, Poznan, Anvers, Trieste, Lyon ainsi que Le Boulou et Barcelone passent par le terminal lors de leurs rotations hebdomadaires, où les semi-remorques qui arrivent sont hissées sur des camions pour la suite du transport ou, inversement, transbordées du camion sur le rail.
Les camions qui entrent dans le terminal par l'entrée principale sont photographiés comme des stars hollywoodiennes : des dizaines de caméras prennent des photos des camions, de tous les côtés, y compris d'en haut et d'en bas. Idem lorsque les camions quittent la gare par l'une des trois sorties. Les plaques d'immatriculation sont scannées et transmises. Les trains sont également photographiés à l'entrée et à la sortie. Il est frappant de constater que l'ensemble du site est minutieusement surveillé par des caméras, de sorte que rien ne peut passer inaperçu sur le site du centre de transbordement intermodal.
Le site dispose d'emplacements pour 2.250 conteneurs standard de 20 pieds et de 850 places de parking pour semi-remorques, qui ne peuvent bien sûr être utilisées gratuitement que pendant une certaine période. Pour les chauffeurs, un grand parking a également été aménagé à l'extérieur du terminal - avec des possibilités de douche, d'achat, de sport et une station-service pour camions - où les ils peuvent prendre leurs pauses quotidiennes ou hebdomadaires.
Deux technologies pour mettre les marchandises sur le rail
Transporter des marchandises sur de longues distances par le rail plutôt que par la route est une bonne chose sur le plan écologique. Pourtant, moins de 10% des semi-remorques de camions sont construites pour pouvoir être soulevées par une grue. La plupart des transporteurs y renoncent, pour des raisons de coûts. Pour que les 90% restants des semi-remorques puissent également être transportées sur le rail, c'est à cela que sert l'«autoroute ferroviaire» ou «autoroute sur rails» installée à Bettembourg. Cette technologie spéciale permet de charger des trains de semi-remorques en «ferroutage», sans avoir à les soulever avec une grue.
«La particularité de notre terminal est qu'il est équipé de technologies permettant le transbordement vertical et horizontal de semi-remorques, de conteneurs et de caisses mobiles pouvant être grutées ou non», explique Daniel Feyder. Cela signifie que les trains peuvent être chargés et déchargés par le haut à l'aide d'une grue, mais que les semi-remorques retirées des camions peuvent également être poussées sur les wagons par le côté.
Pour les unités pouvant être «grutées», le terminal intermodal a mis en service un troisième portique en décembre.
Mais où sont les grutiers ? En effet, les cabines sont vides. «Nous avons récemment équipé les grues de télécommandes», explique Daniel Feyder. «Les trois grutiers sont maintenant assis là-bas, dans le bâtiment, ce qui est bien plus efficace et agréable que d'être seul dans la cabine en haut».
C'est pourquoi les grues, qui ont tout de même une portée de 42 mètres, sont équipées de toute une série de caméras et de capteurs. La formation pour piloter une telle grue dure environ deux mois, «et il faut encore au moins six mois pour tout maîtriser parfaitement», poursuit le directeur de CFL Terminals .
Il est déjà arrivé qu'un train complet de 700 mètres de long soit déchargé et rechargé en moins de 50 minutes. Donc 40 semi-remorques enlevées et remises en place. Huit trains par jour et par voie multipliés par deux, soit 16 trains, seraient possibles avec l'autoroute sur rails. «Actuellement, nous en sommes à quatre ou cinq», estime Daniel Feyder.
Le terminal intermodal de Bettembourg existe depuis bientôt six ans. Le site, qui s'étend sur 33 hectares, est idéalement situé à côté de l'autoroute, sur les principaux axes entre la Belgique, l'Allemagne et la France, et il est d'ailleurs de plus en plus utilisé. 221.000 unités de transport y ont été transbordées en 2021.
«Bien entendu, nous avions auparavant fait le tour de l'Europe pour savoir ce qui était à la pointe de la technologie, quelles technologies étaient utilisées, principalement dans le but de ralentir le moins possible le flux de trafic et de réduire le temps de séjour dans le terminal où nous transbordons les conteneurs», explique Daniel Feyder.
L'État luxembourgeois est propriétaire du terrain et de l'immobilier, les grues et les véhicules appartiennent à la société d'exploitation CFL Terminal, une filiale de CFL Multimodal. Les clients du terminal sont des transporteurs internationaux.
Entrer et sortir en une demi-heure
Les chauffeurs de camion sont certes habitués à s'orienter même dans les endroits où la visibilité est réduite mais à la gare intermodale, on a veillé à faciliter au maximum la tâche des transporteurs. Lorsque le chauffeur se tient à la barrière de l'enregistrement et ouvre la vitre latérale, la caméra a déjà reconnu le numéro d'immatriculation du tracteur et l'ordinateur demande alors: «Est-ce bien ton numéro d'immatriculation ? Est-ce le numéro de ta semi-remorque ? Veuillez entrer votre numéro de réservation».
Cela entre automatiquement dans le système informatique, de sorte que le chauffeur est guidé vers l'endroit où il doit livrer ou réceptionner son conteneur ou sa semi-remorque. Auparavant, juste après le passage de la barrière, un contrôle physique a encore lieu, car ce qui est mis sur le rail doit répondre à des exigences claires. Cela ne concerne pas seulement les dimensions : si la bâche n'est pas correctement arrimée, il faut le faire avant, les petites réparations peuvent être effectuées directement sur place sur ce que l'on appelle la "Speed Repair Lane".
Le véhicule passe ensuite sur la balance, car le poids détermine également le wagon sur lequel la semi-remorque sera transportée. Ensuite, on passe soit sous une des grues, soit sur des rails jusqu'à l'autoroute. Ces chiffres illustrent l'efficacité du processus : entre l'entrée du camion, le chargement des conteneurs et la sortie du terminal, il faut en moyenne moins de 30 minutes. Pour l'autoroute ferroviaire, c'est à peine plus.
Transport combiné
«Sous les grues, nous avons quatre voies; pour les plates-formes de l'autoroute ferroviaire, il y en a deux». La capacité maximale pour les deux est d'environ 300.000 unités par an. Dans le secteur des grues, la capacité maximale a été atteinte récemment aux heures de pointe, ce qui a entraîné l'installation d'une nouvelle troisième grue en mai, en service depuis décembre.
«En ce qui concerne l'autoroute ferroviaire, environ 60.000 semi-remorques ont été transbordées en 2021, et l'année dernière, une augmentation d'environ 18% est venue s'y ajouter», explique Daniel Feyder.
On y transporte notamment des pièces pour l'industrie, des produits du commerce en ligne et des denrées alimentaires, par exemple dans des semi-remorques frigorifiques remplies de fruits et légumes.
Des trains arrivent trois fois par semaine d'Anvers, trois trains par semaine également de Kiel et de Rostock. Sept à neuf trains partent chaque semaine vers Trieste, et six trains par semaine sur la ligne vers Lyon.
«Et les trains de l'autoroute ferroviaire circulent actuellement entre 25 et 27 fois par semaine», précise Daniel Feyder. «Mais cela va encore augmenter à l'avenir».
CFL Terminals emploie actuellement une centaine de personnes à Bettembourg. Le terminal qui s'y trouve est toujours en service, on y travaille 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Sans personnel expérimenté, sans ordinateurs et sans logiciels spéciaux, on s'en rend vite compte en observant le «fourmillement» du terminal, toute cette logistique serait impossible.
Cet article est paru initialement sur le site du Luxemburger Wort.
Traduction: Pascal Mittelberger
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