Bettel à la recherche d'une issue de secours
Bettel à la recherche d'une issue de secours
L'été paraît si loin. La météo était alors au beau fixe, et le covid-19 (presque) un mauvais souvenir. C'était l'heure du soulagement général. Le gouvernement ressortait grandi par la gestion de cette première vague. Au point de voir la débutante ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), devenir la politique préférée du pays. Juin a passé, le ciel s'est teinté de gris et -pire- voilà l'horizon sanitaire bien sombre.
Jamais autant de contaminations actives constatées dans le pays (8.642). Jamais autant de patients infectés pris en charge dans les hôpitaux (233). Jamais un bilan si triste (167 morts); un chiffre en augmentation de 30% en deux mois. Des congés d'été aux vacances de Toussaint, tout a changé. Tout sauf l'exécutif en place chargé de diriger le Grand-Duché. Et pourtant, la dynamique n'y est plus.
Alors que le Premier ministre et sa ministre de la Santé reconnaissaient la situation comme «alarmante», mi-octobre, ils ne faisaient pas preuve de cette agilité qu'on leur avait connue six mois auparavant. Xavier Bettel (DP) attentiste quand les chiffres auraient pu le pousser à (ré)agir. Paulette Lenert s'emmêlant dans des éléments à prendre en compte le samedi soir, mais plus tellement le mercredi suivant. Pour finalement, aboutir à la rédaction en toute précipitation de nouvelles mesures devant faire rebrousser chemin au virus.
Sauf que depuis l'instauration de ces modifications de l'ancienne loi covid, rien ne va mieux. L'infection ne faiblit pas. Le taux de positivité des tests frôle avec les 6% alors qu'il était sous la barre des 1% voilà un trimestre encore. Les seniors payent toujours un lourd tribut à l'infection (les plus de 60 ans représentent 98% des décès en lien avec le covid). Les prélèvements effectués dans les stations d'épuration par les scientifiques du List continuent à indiquer «une prévalence encore très élevée du virus dans les eaux usées». Et cela partout dans le pays. Le système de tracing s'essouffle. Même les infirmières, admirables et en première ligne depuis des mois, commencent à fatiguer et grogner.
Rien ne va mieux, rien ne va plus. Xavier Bettel a donc prévenu, que cette semaine constituait LE «moment de vérité». Le chef de gouvernement se disant prêt à adopter un régime encore plus strict pour rompre ce fol enchaînement des contaminations. Ces infections qui tuent, isolent (près de 7.000 résidents en quarantaine ou invités à rester chez eux comme cas contact) et fragilisent les finances publiques. Aussi le prochain conseil de gouvernement, cette semaine, devrait-il être décisif.
Mais quand le convoquer : jeudi, vendredi, ce weekend encore? De source sûre, les ministres doivent se tenir en alerte 24h/24, 7j/7 pour le rendez-vous. Que décider alors face à cette épidémie qui a fait de l'Europe son nouveau cluster? L'idée du reconfinement hante déjà les esprits; comme un plat dont on connaît déjà le goût amer. Confiner sévère comme en Belgique, moins strictement comme en France? Paulette Lenert a d'ores et déjà prévenu : le Luxembourg n'entend pas «imiter aveuglément» ses voisins.
Certes, mais la peur de la maladie qui transpire désormais dans toute la société, doit amener l'exécutif à apporter des remèdes inédits. Pour ne serait-ce que rassurer, mieux vaudrait une annonce placebo que de l'inaction. Alors va pour des restrictions plus sévères que l'interdiction de sortir entre 23h et 6h; va pour le télétravail obligatoire -et plus seulement recommandé-; va pour un nouvel arrêt des chantiers, la fermeture des bars et restaurants, un nouveau cadre sanitaire dans les écoles pour la rentrée (plus de 630 écoliers et 171 enseignants positifs depuis septembre), la fermeture des cinémas, moins de clients pour les grandes surfaces...
C'est la sale part du job de gouvernant: décider, trancher, quitte à ne pas gagner en popularité. Et au jeu de la politique politicienne, Xavier Bettel marche désormais sur un fil. L'épisode de l'état de crise (de mars à juin) où le Premier ministre a pu décider en solo sans se reposer sur l'avis des députés a laissé des traces.
A la Chambre, ça gronde à l'idée que le scénario ne se répète. Le CSV s'en est ému par la voix de Martine Hansen, rejoint dans sa complainte par les Piraten craignant de voir le Parlement réduit à une simple «machine à tamponner» des décisions prises en d'autres lieux qu'au sein de l'assemblée. Et puis la Chambre n'a pas le même visage aujourd'hui qu'elle ne l'avait au printemps dernier.
Certes, DP, LSAP et Déi Gréng y ont toujours la majorité mais l'actualité vient perturber la donne. Trois députés de la coalition se trouvent aux Etats-Unis, comme observateurs de l'élection présidentielle, et bien des sièges sont vides car leurs titulaires ont dû être placés en quarantaine. Résultat: même s'il convoquait en urgence la Chambre pour décider de nouveaux dispositifs, comme la semaine dernière, Xavier Bettel ne serait donc pas certain d'atteindre le quorum nécessaire à un vote. Qui a dit que trouver une issue de secours serait simple?
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