«Aucun imam radicalisé au Luxembourg»
«Aucun imam radicalisé au Luxembourg»
Par Virginie Orlandi
La France a été attaquée dans les fondements de son identité: «Liberté, Egalité, Fraternité», vendredi dernier au nom d'Allah. La Shoura voit dans ces actes un détournement de la religion aux fins de diviser la société et condamne sans équivoque les actes terroristes de ce vendredi 13 novembre.
La Shoura (l'Assemblée de la communauté musulmane au Grand-Duché, ndlr) vient de publier un communiqué dans lequel elle rend hommage aux victimes des terroristes qui ont été massacrées vendredi dernier.
«Nous sommes indignés et exprimons haut et fort notre profond dégoût et notre condamnation sans équivoque de ces actes criminels commis contre des civils pris au hasard», peut-on lire. Des propos repris par Mondher Labidi, leur porte-parole, qui précise encore un peu plus la pensée de la Shoura:
«Même si ces gens se revendiquent musulmans», explique-t-il, «il faut savoir que leurs motivations n'ont rien à voir avec l'Islam. Au contraire, ils utilisent la religion à des fins criminelles. Nous sommes indignés et condamnons ces actes de barbarie qui ont pour but de diviser la société et de nous rendre, à tous, la vie très compliquée».
Pas d'imam radicalisé au Luxembourg
Alors que le Premier ministre français, Manuel Valls, affirmait au lendemain des attaques terroristes de Paris qu'il «fallait expulser les imams radicalisés» et «déchoir de la nationalité ceux qui bafouent ce qu'est l'âme française», la Shoura affirme qu'aucun imam luxembourgeois n'emploie de discours radical:
«La mosquée d'Esch-sur-Alzette, rue du Brill, ne fait pas partie de la Shoura», poursuit-il. «Des rumeurs ont effectivement couru sur le compte de son imam mais à ce jour, nous n'avons remarqué aucun discours ou actes de sa part liés à l'extrémisme et ses portes sont ouvertes à tout le monde».
Il y a un an, on apprenait qu'un jeune Portugais vivant au Luxembourg, est parti en Syrie pour rejoindre le groupe terroriste de l'Etat Islamique. Pour Mondher Labidi, même s'il n'y a pas de preuves concrètes que certains jeunes du pays sont partis «faire le Djihad en Syrie», il n'en reste pas moins qu'une poignée de personnes ont bel et bien quitté le pays:
«Il y a des rumeurs comme quoi 4 à 5 jeunes hommes seraient partis pour la Syrie», reprend le porte-parole de la Shoura. «Certaines familles nient et disent qu'ils sont retournés dans leur pays d'origine mais nous pensons qu'il n'en est rien».
Ceux qui se radicalisent se cachent de leurs familles et de leurs amis et le font via internet.
Contrecarrer l'enrôlement des jeunes est l'une des priorités de la communauté musulmane aussi bien à travers la culture familiale que religieuse:
«Il faut savoir qu'un jeune qui se prépare à partir en Syrie se fait très discret et c'est souvent sa famille qui est au courant en dernier. Suite aux attentats de Paris, nous allons redoubler de vigilance au sein de notre communauté et orienter nos cours de culture islamique vers la prévention, la sensibilisation et l'amélioration de la vie en société. Mais c'est surtout dans les familles que le travail doit être fait pour qu'aucun discours de haine ne puisse voir le jour».
Rapporter fidèlement la parole de Dieu
D'après la Shoura, il ne figure nulle part dans le Coran qu'il faille tuer les non-musulmans. «Au contraire», précise-t-il, «il est de notre devoir de rapporter le plus fidèlement possible la parole de Dieu. D'ailleurs, le Coran dit tout l'inverse et condamne le crime».
Famille, mosquée, communauté sont les piliers des musulmans du Luxembourg, des lieux et des espaces où l'on pense que prier et parler de Dieu ne peut être que bénéfique pour les fidèles comme l'explique le porte-parole de la Shoura qui prêche, lui-même, le vendredi:
«Le vendredi, jour de prière, nous réfléchissons ensemble à des questions qui touchent notre société puis nous prions, à l'image d'autres communautés religieuses de ce pays. Vendredi prochain, je vais rappeler les fondements du Coran et ferai appel à la patience: il ne faut pas céder aux provocations si horribles soient-elles, ni à la peur».
«Ma femme ne veut plus sortir de chez nous»
La peur, l'angoisse... des sentiments que beaucoup de Parisiens et Français partagent depuis l'attaque de Charlie Hebdo, début 2015. Des sentiments qui ont été décuplés vendredi soir dernier à travers ces nouvelles attaques terroristes. Et si dans le Coran, «Celui qui tue une personne, tue toute l'humanité», ce sont bien les notions de Liberté, d'Egalité et de Fraternité qui ont été mises à mal.
Cependant, les musulmans aussi ont peur de sortir de chez eux et de se retrouver nez à nez avec les non-musulmans.
«La population musulmane est aussi touchée car Daech ne fait pas de différence au sein des populations et frappent aveuglément. Nous sommes à la fois victimes et présumés coupables», note Mondher Labidi, «Alors, nous payons une double peine en étant assimilés aux djihadistes, aux kamikazes, à la haine et à la violence et quand nous descendons dans la rue, on nous regarde avec méfiance. Ma femme a peur de sortir seule de chez nous pour aller chercher les enfants à l'école...»
Comment éviter l'amalgame
Pour la Shoura, se justifier par rapport à son appartenance religieuse est perçu comme un aveu de culpabilité:
«Nous n'avons rien à voir avec les terroristes qui viennent de sévir en France ni avec Daech ou l'Etat islamique. Nous vivons au Luxembourg depuis de longues années sans qu'il n'y ait jamais eu aucun problème. Pourquoi devrions-nous nous justifier par rapport à des actes que nous n'avons pas commis?», s'insurge Mondher Labidi. «Si nous avons un message à faire passer en tant que musulman à la population du Luxembourg, c'est qu'il faut garder la tête froide et ne pas tout confondre car l'objectif de ces gens est de nous diviser pour mieux régner».
- Consulter les dernières informations sur les attaques terroristes du 13 novembre à Paris
