«A quand la mobilisation générale face au covid?»
«A quand la mobilisation générale face au covid?»
«Comme scientifique, je suis satisfait en voyant que les chercheurs ont su développer des vaccins anti-covid performants en si peu de temps.» Mais à la vérité, un regret pointe dans l'opinion du professeur Paul Wilmes du Luxembourg Centre for Systems Biomedicine. «C'est un peu dommage que les scientifiques ne soient pas plus entendus pour orienter les actions nécessaires face à cette pandémie».
Après une série de tests, le Laboratoire national de santé (LNS) annonce que 7% des résidents du Luxembourg ont développé des anticorps face au covid. S'agit-il d'un bon résultat?
Paul Wilmes, porte-parole adjoint de la Task Force covid : «Fin avril 2020, les estimations suite à la première étude Con-Vince montraient une prévalence du virus parmi 2,1% de la population. Depuis les différentes vagues d'infection ont forcément impacté plus d'habitants. Cette dernière donnée démontre que nous sommes encore bien loin, au Luxembourg, de l'immunisation collective. 93% n'auraient pas développé d'anticorps encore, dont la majeure partie de la population reste susceptible de développer une infection au SARS-CoV2. Il faudrait un taux de 60-70% pour se rassurer.
Et encore, de récentes études au Royaume-Uni démontreraient que l'immunité développée face au SARS-CoV2 diminue au fil des mois. Une réinfection est donc possible, y compris désormais pour les personnes touchées lors de la première vague du printemps dernier. Le seul moyen de prendre de vitesse le virus, aujourd'hui, c'est la vaccination.
Une vaccination qui décolle timidement...
«Lentement d'un point de vue sanitaire. Mais le défi organisationnel est immense, j'en conviens. Cependant, il faut passer la surmultipliée. Israël a fait l'effort et cela porte ses fruits. Déjà plus d'un quart de sa population est vaccinée (dont plus de 75% des 60 ans et plus), résultat : le rythme des nouvelles infections a ralenti. Et c'est la voie à suivre. Agir vite et massivement.
De ce point de vue, vous trouvez que les Etats n'en font pas assez, n'est-ce pas?
«Effectivement. Depuis le début de cette pandémie, tous disent être en guerre contre le virus, mais se donnent-ils véritablement les moyens de remporter la bataille? A quand la mobilisation générale face au covid-19? J'entends que les laboratoires peinent à produire quotidiennement des centaines de millions de doses vaccinales mais qui empêchent d'autres acteurs de soutenir cette production.
L'Inde l'a bien fait, via le Serum Institute of India qui produit des vaccins sous licence AstraZeneca/Université d'Oxford pour assurer la protection de ses 1,3 milliard d'habitants au plus vite. Pourquoi les pays, notamment en Europe, ne décideraient-ils pas de mettre leurs outils industriels au service de cette cause pour leur population?
Quand la dernière guerre mondiale est survenue, les usines ont été affectées à de nouvelles productions (uniformes, armes, véhicules militaires). Si l'on veut engager le combat face au covid-19, il faut sans doute agir de la même façon. En proposant aux laboratoires pharmaceutiques de produire en dehors de leurs propres usines le vaccin, après deal sur les licences et la copie de la formule développée par les uns ou les autres.
Nos pays ont-ils déjà eu à le faire en d'autres circonstances sanitaires?
«Oui, le meilleur exemple est le développement de la pénicilline qui, au milieu des années 40, a été produite en très grande quantité dans les Etats alliés sitôt ses vertus antibactériennes reconnues et que la production a pu être mise au point. C'était devenu une arme de santé publique, comme les vaccins anti-covid actuels doivent être considérés. On saurait produire en très grandes quantités, dans des conditions sanitaires exemplaires, pourquoi attendre?
La composition d'un vaccin ne relève ni de la magie, ni du secret. Le tout est de savoir si les politiques veulent véritablement diffuser ces doses aussi massivement et rapidement que possible pour contrecarrer la pandémie. Pour l'instant, nous avons une première idée sur l'impact qu'auront les vaccins sur la population et la transmission du virus. On a géré dans la panique la crise économique à coup de milliards d'aides, en voyant le système de santé plier sous l'assaut des infections, en dépensant des sommes considérables pour que les gens restent chez eux inactifs (le chômage partiel). Une vaccination plus conséquente permettrait d'en finir plus vite avec ce cercle de dépenses.»
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