66 millions d'euros pour une ancienne avocate au Luxembourg
66 millions d'euros pour une ancienne avocate au Luxembourg
Jackpot en vue pour une ancienne avocate belge du barreau du Luxembourg. Après un vaste combat judiciaire, cette dernière s'apprête à récupérer des dizaines de millions d'euros après une longue bataille judiciaire finalement remportée. Mais à quel prix cela dit? La femme de loi, désormais blanchie, a passé deux ans de sa vie derrière les barreaux, notamment à Schrassig, et bien d'autres années à se défendre devant les tribunaux.
L'affaire dite de «l'héritage de Spoelberch» est un véritable sac de nœuds, mais nous allons tenter de la résumer brièvement. Farida (dit Fara) Chorfi est une ancienne avocate belge ayant notamment exercé au Grand-Duché de Luxembourg. Elle a compté parmi ses clients l'illustre vicomtesse Amicie de Spoelberch. Ce nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, mais cette dernière n'est autre qu'une héritière du premier groupe brassicole mondial AB InBev (Diekirch, Jupiler, Leffe, Hoegaarden, Corona, Stella Artois, etc.).
Un héritage à 320 millions d'euros
Autant dire qu'à son décès, en 2008, elle laissait derrière elle une fortune pour le moins colossale, principalement des millions d'actions chez AB InBev (autrefois appelé Interbrew) d'une valeur totale de 320 millions d'euros et placées dans divers paradis fiscaux. Un héritage qui reviendra à ses deux fils adoptifs, dont le père est décédé quelques années plus tôt.
Selon nos confrères belges de la DH, qui relatent cette histoire rocambolesque, Fara Chorfi a continué de défendre les intérêts des deux fils héritiers. Mais la situation entre ces derniers et l'avocate s'envenimera jusqu'à ce qu'ils accusent la femme de loi d'avoir tenté de détourner une partie des actions placées dans un coffre de la banque Natixis à Luxembourg et de les avoir blanchies via diverses sociétés offshores.
Elle sera jugée pour ces faits à Luxembourg et condamnée en 2016 par la Cour d'appel à 24 mois d'emprisonnement, dont 15 avec sursis, pour avoir tenté d'escroquer Amicie de Spoelberch donc. Le ministère public n'a cependant pas pu apporter la preuve du vol de quelque 815.000 titres, évaporés dans la nature.
40 millions sur un compte en Suisse
Contrairement aux autorités suisses qui, grâce au scandale Swissleaks, survenu en 2015, sont parvenues à mettre au jour l'existence d'un compte enregistré au nom de Fara Chorfi dans la filiale genevoise de l'établissement financier HSBC. Selon les informations publiées, le compte avoisinait ainsi les 40 millions de dollars. Ce n'était donc que le début des ennuis pour Fara Chorfi qui était désormais suspectée de blanchiment d'argent par la justice suisse.
L'avocate est alors placée sous mandat d'arrêt et restera détenue pendant une dizaine de mois. Nous sommes alors en 2019, Fara Chorfi est condamnée par le tribunal correctionnel de Genève à 30 mois de prison, dont 15 avec sursis, pour blanchiment aggravé et faux dans les titres.
Suite au jugement, le Grand-Duché demandait à la Suisse d'arrêter la Belge en vue de son extradition, le Luxembourg souhaitant qu'elle purge la peine pour laquelle elle avait été condamnée en 2016.
De plus, elle fut également condamnée à reverser aux deux frères les 327.600 actions retrouvées ainsi qu'à leur verser la coquette somme de 35 millions d'euros, correspondant à la valeur des 488.000 titres évaporés dans la nature. Le jugement évoquait également la confiscation de 30 millions d'euros saisis au cours de l'enquête.
Acquittée du blanchiment d'argent
On pouvait s'en douter, Fara Chorfi a fait appel de la décision. L'affaire atterrira finalement devant la Cour d'appel de Genève qui prendra son temps afin d'analyser à nouveau le dossier de fond en comble. Et sa décision a de quoi surprendre.
En effet, le 19 janvier dernier, la Cour d'appel a tout simplement prononcé l'acquittement de l'avocate du chef de blanchiment aggravé. Selon Le Temps, aux yeux des juges, rien n'a permis d'établir que l'avocate aurait profité d'héritiers vulnérables avant de «dissimuler le produit de sa tromperie». L'avocate revient de loin, le ministère public réclamait quatre ans de prison.
«Sa dignité d'avocate est restaurée»
Mais ce n'est pas tout, les plaignants, les enfants adoptifs d'Amicie de Spoelberch, qui réclamaient, selon la DH, une somme de 250 millions d'euros n'auront tout simplement rien ! Quant à Fara Chorfi, elle récupèrera les 35 millions qu'elle avait dû précédemment rendre aux deux enfants adoptifs. Elle reprendra également le contrôle des 327.600 actions retrouvées. Tout cela cumulé, nos confrères évoquent ainsi une somme de 66 millions d'euros que touchera l'ancienne avocate, aujourd'hui âgée de 60 ans.
«Cet acquittement total du chef de blanchiment aggravé, c'est surtout un coup d’arrêt à l'entreprise d’écrasement pénal infligée à notre cliente avec une violence inouïe depuis 8 ans. J’espère que cela suffise à la relever. Au moins, sa dignité d’avocate est aujourd'hui enfin restaurée», a déclaré Me Grégoire Mangeat, avocat de Fara Chorfi, interrogé par Le Temps.
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