47 rappels de produits depuis le début de l'année au Luxembourg
47 rappels de produits depuis le début de l'année au Luxembourg
Faut-il avoir peur de ce que l'on mange? La question se pose au regard des récents scandales sanitaires qui ont ébranlé plusieurs entreprises pourtant reconnues mondialement. Patrick Hau, commissaire du gouvernement à la qualité, à la fraude et à la sécurité alimentaire, revient sur l'actualité récente et explique le rôle ô combien important des différents acteurs dans le cadre d'un rappel de produits.
Ferrero, Buitoni, Lactalis,... Les scandales sanitaires se multiplient ces dernières semaines. Dans quelle mesure le Luxembourg est-il impacté par ce phénomène ?
«Ces dernières semaines, on a effectivement eu des des rappels un peu plus médiatisés en raison de l'apparition de cas de maladies. Dans l'affaire Buitoni, cela a été encore plus grave puisqu'il y a eu des décès. Ces dernières années, nous avons dû gérer un nombre élevé de rappels de produits. En 2020, on était à 159 rappels et à 156 en 2021. Depuis le début de l'année 2022, nous sommes actuellement à 47 rappels de produits. On reste dans une situation stable. C'est quelque chose qui arrive de manière plus ou moins régulière, donc. Néanmoins, il faut partir du principe qu'il y a un nombre assez important de rappels préventifs. Des personnes qui tombent malades ou des décès, c'est vraiment quelque chose de très rare.
Des personnes malades, des décès, une médiatisation exceptionnelle, c'est ce qui a donc provoqué cette mise en lumière du phénomène des rappels de produits...
«Je pense également qu'il y a un autre phénomène. Celui-ci découle de la réglementation européenne. Personnellement, cela fait 23 ans que je suis dans ce métier et je vois une évolution aussi au niveau de cette réglementation et qui fait que tout devient beaucoup plus transparent. Actuellement, nous avons des obligations de notification des établissements en cas de rappels ou de retrait de denrées alimentaires et très souvent, on les publie. Je pense que notre communication est beaucoup plus transparente qu'il y a une dizaine d'années.
Ces scandales sanitaires à répétition provoquent-ils une certaine perte de confiance de la part des consommateurs vis-à-vis des organismes de la sécurité alimentaire ?
«Encore une fois, on vise vraiment la transparence la plus totale. Pas plus tard que la semaine passée, on a lancé le rappel d'un sandwich dont la DLC (date limite de consommation, NDLR) s'écoulait le jour même. On l'a publié quand même, même si le produit n'était plus sur le marché. Vis-à-vis de la perte de confiance, oui, vous avez raison. C'est assez difficile à expliquer aux consommateurs. Ces derniers ont tendance à ne regarder que les rappels et non la situation globale.
C'est pour cette raison que nous mettons à disposition de toute la population les informations sur les systèmes de contrôle qui sont en place, avec des rapports annuels. Ces informations sont consultables sur notre portail internet. Là, on peut se rendre compte qu'il y a de plus en plus de contrôles qui sont faits d'année en année. C'est un domaine très technique, scientifique, qui n'est pas facile à comprendre. Et c'est pour cela qu'on a commencé, il y a un an et demi, à faire des petits films d'animation qui expliquent les différents systèmes de contrôle.
De votre côté, quel est votre rôle pour protéger les consommateurs?
«Il faut partir du principe qu'au Luxembourg, nous avons un marché très ouvert. Si vous allez au supermarché au Grand-Duché, les produits exclusivement luxembourgeois sont une minorité et donc, beaucoup de produits alimentaires proviennent des pays voisins ou d'autres Etats membres européens ou même de pays tiers. La grande majorité des rappels nous sont communiqués par les exploitants qui sont informés par leurs fournisseurs d'un souci. Ou alors, via le système d'alerte rapide de la Commission européenne ou les autorités compétentes, les Etats membres nous informent s'il y a eu une distribution d'un produit non conforme.
Je pense que notre communication est beaucoup plus transparente qu'il y a une dizaine d'années.
Patrick Hau
Les voies de communication via les établissements sont plus rapides et c'est grâce à cela que nous sommes souvent avertis de façon très précoce des informations sur des rappels de produits qui se font plus rapidement que via les autres autorités. A noter que ces rappels de retraits sont notifiés via la plateforme Guichet.lu parce qu'il s'agit d'une démarche entièrement informatisée maintenant.
Face aux récents événements, allez-vous vous montrer encore plus vigilants que d’habitude ?
«En fait, les alertes peuvent tomber à n'importe quel moment. Nous avons donc un système de permanence qui fonctionne 24h sur 24, 7 jours sur 7, afin de suivre les alertes de la Commission européenne, mais aussi les notifications de rappel et de retrait des établissements. C'est un travail qui se fait au niveau du commissariat alimentaire. Une équipe de cinq personnes est affrétée à cette tâche. Le commissariat alimentaire, c'est un organe de coordination, un carrefour des informations. La sécurité alimentaire au Luxembourg fait partie du domaine de compétence de beaucoup d'acteurs. Il y a le ministère de l'Agriculture, le ministère de la Santé, le ministère de la Protection des consommateurs et toutes les administrations qui sont liées. C'est pour cela que le commissariat alimentaire a été créé, pour coordonner ces différents acteurs.
Est-il possible de savoir si de nouveaux cas de salmonellose ont été recensés dans le cadre du rappel de produits Kinder ?
«Pour le moment, il n'y a toujours qu'un seul cas confirmé dans notre pays et plusieurs autres cas suspects sont en cours d'investigation. Cela dit, il faut noter que dès lundi passé, lors de l'annonce du Royaume-Uni de plusieurs foyers de cas, nous avons mis en place une task force pour rechercher activement des cas au Luxembourg.
C'est par cette collaboration avec les autorités de santé publique que nous avons pu mettre en évidence ce cas faisant partie de cette épidémie européenne. Il faut aussi savoir que des cas de salmonelloses, il y en a tout au long de l'année. C'est une grande famille de bactéries avec beaucoup de types différents. Il y a donc pas mal d'analyses à réaliser pour lier un cas à l'épidémie européenne.
Ces derniers scandales sanitaires sont survenus coup sur coup. Est-ce que cela vous étonne?
«Je crois qu'il est important de rappeler que toutes ces affaires sont différentes. Du côté de Ferrero, il s'agit de salmonelle. Pour Lactalis, c'est la bactérie Listeria tandis que pour Buitoni, il s'agit de la bactérie E.Coli. Ces dernières n'ont aucun lien entre elles.
Par contre, ce qui est étonnant, c'est que ces différentes affaires soient aussi rapprochées dans le temps, c'est quand même exceptionnel. On n'a pas vraiment de raison pour l'expliquer. Des épisodes de ce genre, il y en a cependant toujours eu dans l'histoire et je pense même que cela se produira encore à l'avenir car les micro-organismes s'adaptent aussi, développent des résistances à des traitements, etc. C'est une lutte continuelle.
Lors d’un rappel de produits au Luxembourg, la population est-elle réactive ? Suit-elle globalement ces rappels ?
«En fait, il y a des responsabilités à plusieurs niveaux. Nous, en tant qu'autorité publique, le plus important, c'est d'informer les consommateurs sur un produit dangereux et de nous assurer que ce produit-là ne soit plus consommé par les consommateurs. Toute la communication que nous faisons via notre site internet va dans ce sens. Il y a notamment une newsletter à laquelle le consommateur peut s'abonner et grâce à laquelle nous informons sur les rappels de produits (vous pouvez vous abonner en cliquant sur ce lien, NDLR). Puis, il y a des responsabilités au niveau des exploitants. Dès que l'un d'entre eux a connaissance qu'il a mis sur le marché un produit pour lequel il existe un risque, il doit entamer le retrait et le rappel auprès de sa clientèle.
Le consommateur peut-il prétendre à chaque fois à un remboursement du produit concerné?
«Il s'agit d'une décision commerciale. C'est à l'exploitant qui a mis en vente le produit de dire comment le produit doit être traité. Soit, en le retournant au magasin, soit en le jetant à la poubelle par exemple. En ce qui concerne un dédommagement financier auprès du client, c'est à l'exploitant de décider car cela ne relève pas de notre rôle. Notre responsabilité, c'est vraiment de nous assurer que les produits soient retirés du marché et ne soient plus consommés.
D’un point de vue plus personnel, est-ce la première fois que vous avez affaire à ces rappels en chaîne ?
«Ce n'est pas une première de mon côté. J'ai participé en tant que jeune agent à l'époque auprès de l'Etat, à la gestion de la crise de la dioxine et de la crise de la «vache folle». A l'époque, on ne disposait pas de tous les outils dont on bénéficie aujourd'hui. Il n'y avait par exemple pas d'obligation de traçabilité en Europe. Un établissement alimentaire n'avait pas l'obligation de devoir tracer ces denrées alimentaires vers ses clients. Aujourd'hui, nous avons cet outil et cela nous facilite énormément la tâche.
Ce qui est étonnant, c'est que ces différentes affaires soient aussi rapprochées dans le temps, c'est exceptionnel
Patrick Hau
Car aujourd'hui, on peut faire des rappels très ciblés avec des numéros de lot et une date limite de consommation. Les systèmes sont donc devenus beaucoup plus performants, de même que les techniques scientifiques pour analyser et séquencer les génomes des bactéries pathogènes. J'aurais donc tendance à dire que les crises précédentes étaient plus importantes en termes d'impact.
Lors de la crise de la vache folle, on procédait à des abattages d'urgence. Des bovins étaient brûlés à même les champs. C'est donc incomparable avec ce que nous vivons aujourd'hui puisqu'à l'époque, c'était tout un secteur qui était concerné.»
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