Une réforme des pensions écrite «au stylo rouge»
Une réforme des pensions écrite «au stylo rouge»
De notre correspondant MAX HELLEFF (Bruxelles) - Les grandes lignes de la réforme des pensions qu'aura à mener le gouvernement De Croo dans les prochains mois sont désormais connues. La ministre des pensions, Karine Lalieux (PS), en a produit l’essentiel vendredi, non directement auprès de ses partenaires gouvernementaux, mais... dans la presse. La méthode employée par la socialiste ne trompe personne : ceux qui chercheront à détricoter son projet devront s’en expliquer devant l’opinion publique.
Généreuse, la réforme des pensions millésime 2021? Tout est relatif. En Belgique, la majorité des retraites oscille entre 750 et 2.500 euros mensuels bruts selon que l’on soit indépendant ou fonctionnaire. La retraite moyenne d’un salarié est de 1.281 euros bruts. Ces montants exigent une carrière complète de 45 ans.
Autant dire que la marge de manœuvre financière de la plupart des pensionnés est réduite. La précarité est souvent au rendez-vous. Sous la pression socialiste, le gouvernement s'est toutefois engagé à offrir à terme une pension minimum de 1.500 euros (pour une carrière complète).
Dans un tel contexte, la réforme des pensions tracée par la ministre Lalieux apparaît effectivement généreuse. Elle ne remet pas en question la sortie du travail à 67 ans (imposée par l'ex-gouvernement Michel) mais formule un certain nombre de dispositions destinées à alléger les fins de carrière. Le tout en affirmant être compatible avec l’état des finances publiques. Le système ainsi réformé serait soutenable malgré l’imminence du ''papyboom''.
Parmi les points saillants de cette réforme, on retiendra la volonté de Karine Lalieux d’instaurer un «âge de la retraite souple» qui permettra à tous les travailleurs d’accéder à la retraite anticipée dès 60 ans s’ils comptent 42 ans de carrière (contre 44 aujourd'hui). Une personne qui a commencé à travailler à 18 ans pourra ainsi prendre sa retraite anticipée deux ans plus tôt: à 60 ans.
Inversement, ceux qui voudront travailler plus tard pourront soit prétendre à un «bonus pension» - une somme qui variera en fonction du montant de la retraite - soit à une pension à temps partiel, laquelle pourra être prise à mi-temps ou à 1/5 temps. La ministre propose par ailleurs de revaloriser les pensions des femmes et des temps partiels. Dans son ébauche, le droit à la pension minimale serait acquis après dix années de carrière. L’idée d’instaurer une «pension à points» est quant à elle abandonnée.
La ministre Lalieux ajoute que sa réforme est neutre budgétairement, et surtout mise au service de l’équité : «Ce n’est pas une réforme pour faire des économies. Le système de pensions, ce n’est pas un coût, c’est l’ensemble des revenus de 2,2 millions de personnes aujourd'hui (...) Du reste, ces gens dépensent, sont des vecteurs de croissance».
Ces propos liminaires n’ont pas empêché les réactions négatives d’affluer tout au long du week-end. Les partenaires des socialistes au sein de la coalition Vivaldi d’Alexander De Croo sont mitigés, voire carrément opposés. «Cette réforme est hors des clous budgétaires et elle ne correspond pas du tout aux objectifs fixés dans la coalition. On va devoir remettre tout ça sur le métier», a commenté le président des libéraux francophones, Georges-Louis Bouchez.
La réforme a été «écrite avec un stylo rouge mais nous devons éviter qu’il écrive en rouge», estime le vice-Premier ministre et chrétien-démocrate flamand, Vincent Van Peteghem.
Pour les libéraux flamands d’Egbert Lachaert, le système n’est soutenable que «si les gens reçoivent le signal que travailler (plus longtemps) est une nécessité et est récompensé». Au contraire, les écologistes parlent d'«équilibres». Quant aux syndicats, ils dénoncent l’absence de débat sur la «pénibilité des métiers». La Fédération des entreprises (FEB) pointe pour sa part une vision «à court terme».
Sans oublier la réforme de l'Etat
Après une année dédiée au seul covid, le gouvernement du Premier ministre Alexandre De Croo s’apprête à réformer enfin la Belgique. Aboutir sur les pensions, là où tant d’autres se sont cassé les dents, permettra assurément de jauger la solidité de la coalition Vivaldi. Mais ce ne sera pas avant la mi-novembre.
D'ici là, il lui faudra d’abord régler la question du budget, de la réforme fiscale, de la crise sanitaire, de la Cop 26, etc. Sans oublier la septième réforme de l’Etat qui pointe le bout du nez. En mettant dès à présent la réforme des pensions sur la table, le PS en fait la clé de voûte des négociations à venir. Comme ses partenaires, il a déjà les yeux rivés sur les élections législatives de 2024.
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