Une Flandre azotée et ingouvernable
Une Flandre azotée et ingouvernable
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles)
«La Flandre ingouvernable» titre le quotidien De Standaard en pointant la crise qui frappe de plein fouet le gouvernement mené par le nationaliste Jan Jambon (N-VA).
En cause: le plan de réduction régional des émissions d’azote qui vise les élevages de porcs, de bovins et de volailles, un secteur économique puissant en Flandre. L’Union européenne met la pression ici comme ailleurs pour diminuer les nuisances et les dégâts faits à l’environnement par l’azote. Mais les chrétiens-démocrates du CD&V, qui composent la majorité gouvernementale avec les libéraux de l’Open-VLD et les nationalistes de la N-VA, n’en veulent pas.
Historiquement, les chrétiens-démocrates sont proches du Boerenbond (le lobby agricole) qui craint notamment la fermeture d’une quarantaine de grandes fermes. Ils se disent proches des jeunes agriculteurs qui affrontent la concurrence mondialisée et jugent insuffisantes les compensations qui leur sont offertes.
95% de l'élevage porcin provient du nord du pays
Le porc, c’est plus qu’un simple morceau de la richesse flamande. 95% de la production porcine belge vient du nord du pays. Sans compter les grands élevages avicoles. En tout, le secteur est responsable de 60% de la production d’azote régionale. Les terres de 80% des zones naturelles flamandes en sont saturées. Depuis 2014, date à laquelle ce dossier a été ouvert, aucune solution politique viable n’a été trouvée.
Dimanche, le CD&V a claqué la porte alors que ses deux partenaires de coalition parvenaient au contraire à s’accorder. Mais même s’il ne peut être question d’une chute de l’exécutif - en Belgique, les gouvernements régionaux ne tombent pas - la passion qui entoure ce dossier montre à quel point le fossé va grandissant entre une Flandre dite «moderne» (qui parie sur la défense de son environnement dans un cadre européen) et une Flandre traditionnelle (attachée à une agriculture intensive basée sur le rendement).
L’affaire est aussi éminemment politique. Le CD&V, qui fut autrefois le parti le plus puissant de Flandre et donc de Belgique, est à la traîne dans les sondages qui lui donnent moins de 10% des intentions de vote. A un an des élections législatives, mais aussi régionales et européennes, il doit se démarquer par rapport aux autres partis de la droite flamande que sont la N-VA et le VLD. Il soupçonne en outre le ministre-président Jan Jambon d’essayer de le débarquer.
La nouvelle jeunesse des socialistes
Les socialistes de Vooruit, qui connaissent une nouvelle jeunesse, pourraient les remplacer au gouvernement. Les écologistes de Groen seraient eux aussi en lice. Il faut encore évoquer les ambitions prêtées à la ministre de l’Agriculture Zuhal Demir – la bête noire des agriculteurs: elle chercherait à se servir de cet imbroglio pour prendre la tête de la N-VA où l’on sent Bart De Wever mollissant.
Mardi, les débats au Parlement flamand ont été particulièrement houleux. Mais le ministre-président Jan Jambon a affirmé qu’il tiendrait bon jusqu’à ce qu’un accord de coalition soit trouvé sur l’azote.
La presse flamande tire à boulets rouges sur le gouvernement Jan Jambon et plus particulièrement sur la N-VA, jugeant que contrairement à ce que prétendent les nationalistes «ce qu’on fait seul, on ne le fait pas mieux». A lire certains journaux, cette crise symbolise la faillite du repli sur soi. Si la N-VA n’est pas capable de diriger la région, écrit un éditorialiste, comment pourrait-elle diriger le pays ? Le parti nationaliste de Bart De Wever ambitionne en effet de revenir au pouvoir après le scrutin de 2024 et d’imprimer un modèle confédéral au pays. Modèle qui donnerait plus d’autonomie encore à la Flandre…
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