Une femme au secours de la Belgique
Une femme au secours de la Belgique
De notre correspondant, Max Helleff (Bruxelles) - Le monde change, la Belgique aussi. Après s’être donné une «première» Première ministre durant l’automne en la personne de Sophie Wilmès, le royaume a innové mercredi soir en s’offrant pour la première fois les services d’une «missionnaire», d'une «pacificatrice». La libérale francophone Sabine Laruelle est en effet la première femme adoubée par un souverain belge pour tenter de dégager les pistes susceptibles de mener au futur gouvernement fédéral.
Sabine Laruelle ne sera pas seule. Elle sera flanquée de l’actuel président de la Chambre, le libéral flamand Patrick Dewael. Ces deux «bleus», censés être au-dessus des partis le temps de leur mission, auront jusqu’au 9 mars pour amorcer une coalition sans la N-VA nationaliste flamande ou le PS francophone, évitant ainsi un retour anticipé aux urnes.
Pour rappel, sept informateurs royaux ont déjà été désignés par le roi Philippe, sans qu’une entente entre partis ne dépasse le stade de l’ébauche. Le 14 février, l’actuel ministre de la Justice Koen Geens a jeté de surcroît l’éponge, faute d’arriver à nouer une alliance entre la N-VA de Bart De Wever et le PS de Paul Magnette.
C’est un retour en grâce confirmé pour Sabine Laruelle, sortie un moment de la politique avant de reprendre au lendemain des élections du 26 mai la présidence du Sénat. Ce rôle est censé lui donner une certaine hauteur, même si l’institution qu’elle dirige a perdu une grande partie de son pouvoir et de son prestige au fil des réformes.
Quant à Patrick Dewael, il a la réputation d’un vieux briscard, connaisseur rusé des arcanes de la politique. C’est lui qui, à la faveur d’un tour de passe-passe, a privé l’été dernier le Vlaams Belang (extrême droite flamande) d’une montée triomphale au perchoir de la Chambre.
Après l’épisode Koen Geens, le roi Philippe est donc revenu vers un duo flamand-francophone. Celui-ci doit calmer le jeu, recréer des contacts entre partis à un moment où les tensions communautaires sont à nouveau exacerbées. Le francophone Paul Magnette ne veut pas d’une alliance avec Bart De Wever, lequel appelle en réponse à la formation d’un « front flamand » pour en découdre.
Damer le pion à la N-VA
Le tandem Laruelle-Dewael passe en outre pour être doté d’une certaine virginité. On l’a peu entendu au cours des mois passés. Il s’est abstenu d’y aller de déclarations fracassantes. Il représente aussi le courant libéral droitier qui s’inscrit presque à tous les coups dans les différentes esquisses gouvernementales.
Les libéraux flamands se sont montrés ouverts à une alliance avec les socialistes et les écologistes lorsque Paul Magnette était informateur. La présence d’un homme comme Patrick Dewael devrait donc rouvrir ce jeu, même si les chrétiens-démocrates du CD&V gardent la clé d’une coalition « Vilvaldi » (droite et gauche réunies, mais sans la N-VA) qui aurait une majorité suffisante à la Chambre pour gouverner confortablement.
Cette énième tentative de conciliation entre partis est lancée alors que l’idée d’un gouvernement provisoire va bon train. Il permettrait d’éviter des élections. Mais pour les libéraux flamands que représente Patrick Dewael, l’occasion est aussi belle de damer le pion à la N-VA qui est toujours en mesure de les exclure mathématiquement d’une coalition. A condition d’oser fâcher la Flandre la plus à droite – soit un électeur sur deux - mais aussi de vivre avec une N-VA revancharde au sein du gouvernement régional flamand où libéraux et nationalistes sont associés aux chrétiens-démocrates.
