Un rapport assassin pour la Belgique
Un rapport assassin pour la Belgique
De notre correspondant Max Helleff (Bruxelles) - Le 6 août dernier, un premier tour de chauffe de la «Commission spéciale coronavirus» avait été organisé avec un mois d’avance sur le calendrier. Sans crier gare… Des députés étaient encore en vacances et les rapports des trois experts mandatés pour faire la lumière sur la manière dont la Belgique a géré la pandémie n’étaient pas prêts.
Parmi ceux-ci l’infectiologue Leila Belkhir s’interrogeait: «Comment se fait-il que l’on ait à ce point minimisé l’épidémie? Il existait un plan pandémie, à la suite du virus H1N1. Ce qui nous a surpris, c’est que ce groupe de travail n’a jamais été reconstitué. On s’est retrouvé à devoir improviser pour prendre en charge les patients.» Moins d’un mois plus tard, Leila Belkhir a terminé son rapport préliminaire. Il est assassin pour les autorités, selon la chaîne publique RTBF qui a pu le consulter en avant-première.
Selon ce document, la raison majeure qui explique pourquoi la Belgique a encaissé de plein fouet la pandémie - et a enregistré à ce jour près de 9.900 morts - réside dans la sous-estimation de l'émergence du virus et dans le retard avec lequel ont été prises des décisions fortes. Globalement, il apparaît que le «plan d'urgence pandémie grippale» n’a toujours pas été appliqué plus de 10 ans après sa création.
L’opérationnel a connu également son lot de manquements. Il a fallu ainsi attendre le 10 mars, soit plus d’un mois après que le premier cas de coronavirus a été détecté sur le sol national, pour que les patients confirmés de covid-19 ne soient plus transférés au sein des deux hôpitaux de référence, le CHU Saint-Pierre et l'UZ Antwerpen. D’autres établissements hospitaliers ont pu alors les épauler.
La suite est à l’avenant. La capacité de testing est restée trop longtemps limitée et concentrée sur un seul laboratoire: jusqu'au 16 avril, seuls étaient testés «les cas sévères et les professionnels de santé avec de la fièvre» alors que l’épidémie se répandait comme un feu de brousse. Des problèmes de personnel sont également identifiés: médecins sans formation ad hoc pour la gestion d'une pandémie, manque d’infirmiers et d’infirmières, disparités dans la prise en charge aux soins intensifs entre hôpitaux, etc.
Le rapport relève aussi les différentes pénuries de matériel, que ce soit de réactifs ou d'écouvillons, mais aussi le manque de vitesse pour valider et sélectionner les tests sérologiques. Ces lacunes conjuguées à certains critères de remboursement n'auraient pas permis de développer une stratégie efficace de détection du virus.
Et pour terminer ce tableau peu flatteur de la gestion épidémique belge, il est encore question d’une «communication catastrophique depuis le départ», de décisions opaques manquant d’explications pédagogiques, d’une confusion venue de la multiplication des groupes d’experts ès virologie. Avec, à l’arrivée, une «perte d’adhésion progressive de la part de la population».
Ce rapport croise le sentiment commun que la Belgique et ses autorités ont complètement raté dans un premier temps la gestion de la crise du coronavirus. Reste à savoir si la commission parlementaire spéciale consacrée à ce «fiasco» aura la possibilité ou la volonté de déterminer les responsabilités dans les prochains mois. Certains députés ont déjà demandé que ses travaux se tiennent à huis clos, envoyant par la même occasion un message plus que trouble à la population.
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