Un déconfinement XXL qui attise les critiques
Un déconfinement XXL qui attise les critiques
De notre correspondant, Max Hellef (Bruxelles) - Le rythme du déconfinement scolaire s'est singulièrement accéléré cette semaine en Belgique, entraînant de nombreuses critiques. Concrètement, alors qu'il avait été programmé que seule une partie des primaires retournerait en classe, ce sont tous les 6-12 ans qui pourront reprendre le chemin de l'école dès le 8 juin. Les précautions elles aussi ont changé: les élèves ne doivent pas porter de masque, qu'importe leur âge; pour les enseignants, cette protection n'est recommandée que là où la distanciation sociale ne peut être assurée. Quant aux classes de maternelles, elles pourront reprendre à partir du 2 juin. Ici, l'instituteur ne devra pas porter le masque et les distances de sécurité sont oubliées. Précision: le retour en classe est proposé, mais n'est pas obligatoire.
Il reste que de nombreux directeurs d'école ne savent plus à quel saint se vouer. Durant des semaines, inspections à l'appui, ils ont mis en place un véritable arsenal de mesures sanitaires pour permettre le retour d'une petite partie des classes de primaire. «Et aujourd'hui, peste l'un d’eux, tous les enfants peuvent revenir comme si la pandémie n'avait jamais existé.»
Les autorités belges mettent en avant le recul plus rapide que prévu de l'épidémie pour justifier ce déconfinement accéléré. Le nombre de cas infectés, d'hospitalisations et d'occupations des lits de soins intensifs a fortement diminué au cours des dernières semaines. Le rebond épidémique attendu après la Fête des mères et la possibilité donnée aux familles de se retrouver n'a pas eu lieu. Concernant la rentrée des maternelles, des pédiatres ont fait valoir qu'une quarantaine prolongée pourrait affecter fortement les tout-petits au plan psychologique alors qu’il est clair désormais que le virus ne les affecte que très rarement.
Toutefois, cette nouvelle phase de déconfinement intervient alors que la base même de l'expertise scientifique sur laquelle repose la gestion de la crise sanitaire par les autorités belges est remise en question.
Le moment est venu de repenser la stratégie d'élaboration du plan médical belge
L'Académie royale de médecine et l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts, s'inquiètent ainsi du monopole de l'Institut scientifique de santé publique, Sciensano, dans la gestion de la crise. Elles dénoncent des «décisions arbitraires et opaques». Le moment est venu de «repenser la stratégie d'élaboration du plan médical belge», estiment les deux académies. Le coronavirus a provoqué la panique dans le royaume, qui a pris des décisions dans l'urgence et la précipitation, poursuivent-elles. Aucun plan de crise n'était prêt bien que le virus fût déjà en Chine en décembre.
Les deux académies se disent encore inquiètes pour l'avenir, notamment si la Belgique devait faire face à une deuxième vague de contaminations ou à une autre pandémie. Elles dénoncent les «incohérences» qui ont entouré les tests sérologiques, la «restriction à l'utilisation de tests diagnostics», un traçage des malades potentiels peu respectueux de la protection de la vie privée ou encore la «négation de l'intérêt des masques pour la population afin d'occulter une pénurie et un manque de prévoyance».
Sciensano s’est bien sûr défendu face à ces accusations. Mais avec le déconfinement et le recul de la pandémie, il devient de plus en en plus évident que la Belgique ne pourra faire l'économie d'un vaste examen de conscience quant à la manière dont elle a géré la crise sanitaire. Jeudi encore, le ministre des Affaires étrangères Philippe Goffin a été prié de s'expliquer à la Chambre sur le retard d'une partie de la livraison des masques commandés à la société luxembourgeoise Avrox.
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