Molenbeek au cœur d’une énième polémique
Molenbeek au cœur d’une énième polémique
De notre correspondant Max HELLEFF (Bruxelles) - Une petite phrase, mais une grande polémique. Depuis que le dernier numéro de Humo est paru, le nom de Conner Rousseau est dans tous les médias.
« Quand je passe par Molenbeek en voiture, je ne me sens pas en Belgique », a confessé le jeune président des socialistes flamands dans les colonnes de ce magazine. « Mais», a-t-il ajouté, «la plupart de ces personnes sont nées ici. Le plus important, c’est qu’elles parlent notre langue et travaillent. À Bruxelles, en raison de la pénurie de professeurs, il y a des gens qui enseignent en arabe parce qu’ils ne parlent pas français. C’est inacceptable. »
Conner Rousseau était interviewé dans le cadre de l'élection présidentielle française, sur fond de question migratoire.
Un tollé politique
Ces propos ont immédiatement provoqué un tollé. A Molenbeek bien sûr, commune bruxelloise de 100.000 habitants mondialement connue depuis 2015 pour avoir vu grandir dans ses rues plusieurs des terroristes des attentats de Paris. Mais aussi parmi les partis qui gouvernent au fédéral avec les socialistes flamands au sein de la coalition Vivaldi du Premier ministre Alexander De Croo.
La bourgmestre de Molenbeek Catherine Moureaux (PS) s’est dite dégoûtée. Les socialistes et écologistes bruxellois ont condamné des propos « intolérables » et « une grande méconnaissance de Bruxelles », « ville cosmopolite ». Un échevin socialiste flamand de Molenbeek a dénoncé les affirmations de son chef de file.
Pour la droite nationaliste et l’extrême droite flamandes, cette affaire est en revanche une aubaine. Le très polémique Theo Francken, ex-secrétaire d’Etat N-VA qui fit en son temps de la lutte contre l’immigration illégale une priorité, s’est réjoui : « Les socialistes votent depuis des années contre un durcissement de la politique migratoire. Ils n’ont conquis la Bruxelles libérale que grâce à l’immigration de masse qu’ils ont tant défendue et défendent encore. La famille PS Moureaux dirige Molenbeek depuis des décennies, laissez-moi rire », a-t-il tweeté. Le Vlaams Belang a embrayé, invitant Conner Rousseau à une visite guidée de la commune bruxelloise, cinq ans après s’y être vu refuser l’organisation d’une manifestation nommée « Safari de l’islam »
Le mal est fait
Depuis, Conner Rousseau a rétropédalé, disant avoir cherché par ses propos à prôner la « mixité sociale » et l’apprentissage des langues nationales que sont le français, le néerlandais et l’allemand. Mais le mal est fait.
La presse fustige elle aussi le « dérapage » de Conner Rousseau. « Quand je passe par Molenbeek en voiture, je ne me sens pas en Belgique » est un classique du bistro du commerce, rappelle un chroniqueur. Mais dans la bouche d’un haut responsable politique, a fortiori issu d’un parti considéré comme progressiste, un tel propos acquiert une crédibilité et devient une menace pour le vivre-ensemble.
A-t-il été raciste ?
La RTBF note encore que la déclaration de Conner Rousseau est survenue quelques heures après la venue à Bruxelles d’Angela Davis, figure de la défense des droits des Noirs américains et ancien membre des Black Panthers. La chaîne publique a lancé un débat où l’on retrouve cette question : « Conner Rousseau s’est-il montré raciste ? ».
En mars dernier, une manifestation contre le racisme n’avait guère rassemblé qu’un millier de personnes à Bruxelles.
En 2020, l’organe indépendant public Unia indiquait avoir reçu 9.466 signalements de discrimination, messages et actes de haine, soit 11,7% de plus que l’année précédente.
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