Marc Tarabella, le Belge qu'on aime soupçonner
Marc Tarabella, le Belge qu'on aime soupçonner
De notre correspondant, Max HELLEFF (Bruxelles).
Le 13 décembre dernier, l'eurodéputé belge Marc Tarabella s'est expliqué devant la presse au sortir d'une réunion où il venait de livrer sa version des faits devant les instances du parti socialiste (PS), son parti. Il avait alors juré être innocent dans l'affaire de corruption qui secoue le Parlement européen et disait se tenir à la disposition de la justice si elle avait besoin de lui.
La direction du PS l'avait néanmoins suspendu le temps de la procédure judiciaire. Une décision semblable avait été prise au sein du groupe Socialist&Democrats du Parlement européen.
Depuis, la justice belge a demandé à la présidence du Parlement européen la levée des immunités des eurodéputés Andrea Cozzolino (Italie, Parti démocratique) et Marc Tarabella.
Cette requête fait suite aux soupçons qui pèsent sur les deux hommes dans le cadre du scandale qui a vu le Qatar et le Maroc s'ingérer dans les affaires européennes en échange de pots-de-vin. Décision sera prise, par un vote à majorité simple, en séance plénière.
Perquisitions, football et petites blagues
Marc Tarabella imaginait sans doute des jours meilleurs pour la fin de son quatrième mandat de député européen. Il est aujourd'hui dans la ligne de mire du juge Michel Claise et de l'Office central pour la répression de la corruption (OCRC).
Le 10 décembre dernier, au lendemain du coup de filet qui a mené à l'interpellation de six personnes (dont la Grecque Eva Kaili, son compagnon Francesco Giorgi et l'ex-eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri), les enquêteurs ont déboulé chez lui pour y perquisitionner, en présence de Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen.
Panzeri et Giorgi, a-t-on appris depuis, auraient orienté les soupçons sur la personne de Marc Tarabella. Lequel dément avoir jamais reçu un quelconque cadeau du Qatar.
Chien renifleur de cash...
Marc Tarabella est présumé innocent comme il se doit. Mais ni la justice belge, ni le Parlement européen qui entend préserver son image, ni le PS francophone qui joue sa première place dans les sondages, n’ont intérêt à lui faire de cadeau.
Tout roulait plutôt bien jusqu’il y a peu pour Marc Tarabella, eurodéputé investi dans le développement et l'agriculture, presque 60 ans, licencié en sociologie, bourgmestre socialiste de la commune d'Anthisnes (province de Liège). Avec son allure bonhomme, il incarne le «maïeur» sympa qui a toujours une bonne blague pour détendre l'atmosphère.
«Au Parlement européen, il est connu de tous et connaît tout le monde», écrit Le Soir. La députée écologiste européenne Saskia Bricmont en fait «un gai luron». Un «homme de terrain», une «catégorie rare au Parlement», ajoute une source européenne.
Chez Marc Tarabella, le juge n'a pas trouvé d'argent, en dépit de la présence d'un «chien renifleur de cash». Du matériel informatique et son GSM ont été saisis. Tarabella n'a pas été privé de liberté. Il n'est pas inculpé. Mais ses déclarations interpellent.
Il ne cache pas avoir fréquenté Panzeri
Autrefois, Tarabella déclarait qu'«il y avait plus d'ouvriers morts sur les chantiers au Qatar que de joueurs qui allaient jouer cette Coupe du Monde». Depuis plusieurs mois, il se montre bien plus complaisant: «Le Qatar n'est pas un paradis social mais il a progressé plus que nul autre Etat de cette région du monde. Il faut aider le Qatar et ne pas être dans la posture facile de critiquer», avait-il affirmé en novembre sur la RTBF avant de réitérer ces propos à la tribune de l’hémicycle européen.
Un vieil adage diplomatique dit «qu'il vaut mieux avoir ses adversaires avec soi en espérant les changer, que de les avoir contre soi et hors de contrôle». Est-ce ce principe qui a guidé Marc Tarabella dans son évolution qatarie? A-t-il fait preuve de naïveté en fréquentant de trop près l'ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri et consorts – tous Italiens comme il l'est par ses origines à l'exception de la Grecque Eva Kaili ?
Marc Tarabella ne cache pas avoir fréquenté Panzeri. «Il aime bien le football: il nous est arrivé de regarder des matchs ensemble», explique-t-il au Soir. L'eurodéputé dit encore s'être rendu par deux fois sur invitation au Qatar.
Une autre eurodéputée belge est dans le collimateur des enquêteurs: la socialiste Maria Arena avait, dit-elle, une «amitié professionnelle» pour Panzeri. Arena lui a succédé en juillet 2019 à la tête de la sous-commission des droits de l’homme. Leurs échanges téléphoniques l'an dernier se comptent par centaines. Maria Arena réfute toutefois une quelconque complicité avec celui qui compte parmi les principaux suspects des affaires de corruption au Parlement européen.
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