Les responsables d'incidents nucléaires bientôt punis?
Les responsables d'incidents nucléaires bientôt punis?
Alors que la centrale nucléaire de Cattenom est aux portes du Luxembourg, le pays ne dispose d’aucune législation en matière de responsabilité civile nucléaire, en cas d’accident. Un projet de loi a pourtant été déposé en décembre 2017 par le gouvernement. L’objectif est de se doter d’un régime spécifique de responsabilité civile nucléaire, en vue «d’augmenter la possibilité d’action légale et de mieux protéger juridiquement les citoyens luxembourgeois en cas d'accident nucléaire», avaient expliqué à l’époque Carole Dieschbourg la ministre de l’Environnement (Déi Gréng) et sa collègue à la Santé Lydia Mutsch (LSAP).
Plus concrètement, le texte régit les termes de la responsabilité civile concernant la réparation des dommages aux personnes et aux biens après un accident nucléaire. Peu importe que ceux-ci aient été causés directement ou indirectement. Son document a été discuté ce jeudi par Carole Dieschbourg et les députés de la Commission de l’Environnement. Au cours des discussions, la ministre a indiqué à ces derniers qu’une étude juridique avait été menée lors des préparatifs du projet de loi.
Traités internationaux défavorables
Les députés ont également noté qu’il sera «juridiquement difficile pour l’État luxembourgeois de poursuivre en justice un autre État en cas d'accident nucléaire». Carole Dieschbourg leur a répondu que «la majorité des exploitants d’une centrale nucléaire sont des entreprises privées», et que tout recours restait donc juridiquement possible.
Les députés ont enfin constaté que le projet serait une opportunité d’introduire la notion de «recours collectif dans la jurisprudence luxembourgeoise». Une notion qui permettrait ainsi à un grand nombre de victimes de se regrouper et de poursuivre en justice le même exploitant en cas d’accident nucléaire.
Carole Dieschbourg a pour sa part rappelé que la future législation luxembourgeoise présente des avantages par rapport aux conventions internationales dans ce domaine, en l’occurrence les accords de Paris et ceux de Bruxelles, qui remontent aux années 1960 et que le Grand-Duché n’a pas ratifiés, jugeant leurs dispositions «défavorables».
D’une part, ces textes limitent le montant de l’indemnisation en cas d’accident nucléaire (700 millions d’euros du côté français et 1,2 milliard d’euros du côté belge). Or, «les récents accidents nucléaires à Tchernobyl et Fukushima ont démontré que ces montants sont largement insuffisants», a souligné Carole Dieschbourg, tout en ajoutant que «les coûts peuvent en effet aller jusqu’à 120 milliards d’euros, voir 430 milliards d’euros pour Fukushima».
Recours relevé à 30 ans
D’autre part, les conventions limitent à dix ans les poursuites contre l’exploitant de la centrale nucléaire. Un délai jugé «trop court» par le gouvernement, surtout en cas de détection d’un cancer. Le projet de loi instaure lui une période de recours de 30 ans à compter de la date de l'incident nucléaire.
Par ailleurs, les dommages environnementaux et immatériels ne sont pas reconnus par l’exploitant, en cas d’accident nucléaire. Seuls les dommages matériels et corporels sont pris en considération par les conventions. Pour cette raison, le futur cadre légal luxembourgeois prévoit que «les dommages causés à l’environnement par une activité nucléaire puissent faire l’objet d’une indemnisation appropriée (atteinte au sol, à la nature ou l’eau)», a précisé Carole Dieschbourg.
Enfin, «les tribunaux luxembourgeois ne sont pas compétents face aux conséquences d’un accident nucléaire,» a rappelé cette dernière. «En d’autres mots, un lésé luxembourgeois doit intenter une action devant un tribunal français ou belge pour faire valoir sa créance». Selon la nouvelle loi, les tribunaux luxembourgeois seront compétents pour statuer sur les dommages résultant d’un accident nucléaire et les coûts des mesures protectrices prises. Non seulement en cas de menace grave et imminente de dommages, mais aussi après un accident nucléaire. «Pour autant que le territoire luxembourgeois, les résidents ou les personnes se trouvant sur le territoire luxembourgeois au moment des faits dommageables soient concernés», insiste le texte.
Suivez-nous sur Facebook, Twitter et abonnez-vous à notre newsletter de 17h.
